Une dynamique de renforcement des réserves internationales
Au premier trimestre 2025, la Banque du Liban (BDL) a enregistré une augmentation de ses réserves de change de 936 millions de dollars, portant le total des avoirs en devises à 11,071 milliards de dollars au 15 avril 2025. Cette reconstitution marque une inversion de tendance notable par rapport aux années précédentes, où les réserves avaient fondu sous l’effet combiné de la crise bancaire, de la fuite des capitaux et du soutien au taux de change.
Réserves de change (M USD) | Fin décembre 2024 | Mi-avril 2025 | Variation T1 2025 |
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Montant | 10 135 | 11 071 | +936 (+9,2 %) |
Cette évolution est d’autant plus remarquable qu’elle intervient en l’absence d’un accord formel avec le Fonds monétaire international (FMI), signe que certains flux privés et institutionnels ont repris, notamment à travers les transferts de la diaspora et une reprise de la collecte des recettes fiscales en devises.
Une stabilisation du marché parallèle en toile de fond
L’effet immédiat de ce renforcement des réserves est perceptible sur le marché des changes parallèle, dont la volatilité a fortement diminué. Le taux de change est resté stable autour de 89 600–89 700 LBP/USD durant la seconde quinzaine d’avril, un phénomène rare depuis le déclenchement de la crise monétaire en 2019.
Cette stabilité s’explique aussi par la politique discrète mais ciblée de la BDL, qui intervient de façon ponctuelle pour lisser les fluctuations sans pour autant épuiser ses réserves comme dans les années précédentes. La banque centrale opère avec un régime de flottement dirigé, sans annonce formelle, mais en influençant le marché par des ventes modérées et des signaux monétaires.
Sources de la reconstitution : transferts, fiscalité et réformes politiques
Plusieurs canaux ont contribué à la hausse des réserves :
- Reprise partielle des transferts de la diaspora libanaise, notamment après les fêtes de fin d’année et le retour de la stabilité politique
- Amélioration des recettes fiscales en devises, en lien avec la hausse de la TVA collectée en dollars et des droits de douane
- Anticipation par les acteurs économiques d’un possible redémarrage des relations financières avec les bailleurs internationaux
Les avancées sur la réforme bancaire, avec l’approbation du projet de loi de restructuration, ont également joué un rôle de signal positif sur les marchés, en renforçant la crédibilité institutionnelle de l’État et de ses organes monétaires.
Comparaison historique : retour à des niveaux post-crise modérés
À titre de comparaison, les réserves de la BDL s’élevaient à plus de 30 milliards de dollars avant 2019. Après une chute brutale, elles étaient tombées sous les 10 milliards fin 2022, avant de connaître une stagnation en 2023. Le niveau actuel, bien qu’encore loin des standards d’avant-crise, représente le niveau le plus élevé depuis 2021, avec une tendance désormais haussière.
Année | Réserves de change BDL (M USD) |
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Fin 2018 | 32 400 |
Fin 2020 | 17 800 |
Fin 2022 | 9 860 |
Avril 2025 | 11 071 |
Une réserve sous contrainte : risques persistants
Malgré cette amélioration, la BDL reste confrontée à plusieurs défis :
- Aucune visibilité sur la durabilité des flux entrants
- Forte dollarisation de l’économie, rendant la demande en devises structurellement élevée
- Pressions potentielles en cas de crise régionale ou de retard dans les réformes
Les réserves actuelles ne permettent pas de garantir une défense prolongée du taux de change en cas de choc externe. Elles ne couvrent que quelques mois d’importations, un seuil jugé critique par les standards internationaux.