Tripoli, deuxième ville du Liban, connaît une montée inquiétante des tensions sécuritaires, marquée par plusieurs affrontements entre groupes armés et forces de l’ordre ces dernières semaines, rapporte Ad Diyar le 17 mars 2025. Selon Al Sharq du même jour, cette escalade est alimentée par une pauvreté croissante et la prolifération d’armes illégales dans la région. Le ministère de l’Intérieur a réagi en annonçant un renforcement du dispositif sécuritaire, tandis que des ONG locales, citées par Al Joumhouriyat (17/03/2025), appellent à des mesures sociales d’urgence pour apaiser la situation. Dans un pays déjà fragilisé par des crises multiples, Tripoli risque-t-elle de basculer dans un nouvel embrasement ?
Une série d’affrontements préoccupants
Située dans le nord du Liban, Tripoli a une longue histoire d’instabilité sociale et confessionnelle. Ad Diyar signale que, ces dernières semaines, des heurts ont opposé des groupes armés aux forces de l’ordre dans divers quartiers de la ville. Bien que les détails sur les belligérants et les bilans exacts ne soient pas précisés dans le journal, ces violences rappellent les conflits récurrents qui ont marqué la région. Jusqu’en 2023, des affrontements entre les quartiers sunnites de Bab al-Tabbaneh et alaouites de Jabal Mohsen avaient fait des dizaines de morts, souvent liés à la guerre civile syrienne voisine qui a débordé au Liban entre 2011 et 2014.
Des posts sur X datés du 14 mars 2025 (
@libanews) mentionnent un incident où un enfant de 12 ans aurait été tué par une balle perdue lors d’échanges de tirs entre sunnites et alaouites, bien que ces informations restent à confirmer officiellement au 17 mars. Ces événements, cohérents avec les rapports d’Ad Diyar, témoignent d’une insécurité croissante, perçue tant par les habitants que par les observateurs, dans une ville où les forces de l’ordre peinent à maintenir un contrôle durable.
Pauvreté et armes : les racines du problème
Al Sharq (17/03/2025) identifie deux causes principales de cette montée des tensions : l’aggravation de la pauvreté et la prolifération d’armes illégales. Ces facteurs s’inscrivent dans la crise économique qui frappe le Liban depuis 2019. Selon la Banque mondiale, en 2023, plus de 70 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, une situation aggravée par l’effondrement de la livre libanaise et une inflation record. Tripoli, historiquement un centre commercial prospère, est particulièrement touchée, avec des infrastructures délabrées et un accès limité aux services de base, comme l’électricité, en panne nationale en août 2024 selon Human Rights Watch (HRW).
La pauvreté, qui atteint des niveaux extrêmes parmi les habitants et les 1,5 million de réfugiés syriens au Liban (HCR, 2023), dont beaucoup résident à Tripoli, alimente le désespoir social. HRW notait en 2023 que des immeubles menaçant de s’effondrer abritaient encore des familles, un problème accentué par les séismes de février 2023 ressentis depuis la Turquie et la Syrie. Dans ce contexte, la prolifération d’armes illégales, soulignée par Al Sharq, n’est pas une nouveauté. Depuis la guerre civile libanaise (1975-1990), les armes circulent librement dans les quartiers marginalisés de Tripoli, entre les mains de milices confessionnelles ou de groupes criminels. En 2013, des combats dans la ville avaient révélé une impunité quasi-totale pour les porteurs d’armes, l’armée libanaise étant incapable de les désarmer efficacement.
Une réponse sécuritaire renforcée
Pour contrer cette escalade, le ministère de l’Intérieur a annoncé un renforcement du dispositif sécuritaire, selon Al Joumhouriyat (17/03/2025). Cette mesure fait suite à des initiatives récentes. Le 3 mars 2025, le ministre Ahmad Hajjar s’est réuni avec les Forces de sécurité intérieure (FSI), dirigées par Imad Osmane, pour lancer un plan de sécurité à Tripoli et Beyrouth. Selon l’Agence nationale d’information (ANI), ce plan incluait des patrouilles motorisées et piétonnes, des barrages, et un déploiement accru de l’armée, visant à limiter la circulation des armes illégales, comme rapporté par le correspondant Michel Hallak.
Ce type de réponse n’est pas inédit. En 2013, après une semaine de combats ayant fait 13 morts à Tripoli, l’armée avait installé des postes de contrôle, rétablissant un calme précaire. Cependant, l’absence de confiscation systématique des armes et de poursuites judiciaires, comme documenté par HRW en 2014, avait sapé les efforts à long terme. En 2025, le renforcement annoncé pourrait contenir temporairement les violences, mais son succès dépendra de sa capacité à s’attaquer aux réseaux d’armes, un défi de taille dans une ville où les milices conservent une forte emprise locale.
Un appel urgent à des mesures sociales
Face à une approche purement sécuritaire, les ONG locales, relayées par Al Joumhouriyat, plaident pour des mesures sociales d’urgence. Elles soulignent que la répression seule ne résoudra pas les causes profondes de l’insécurité. Tripoli souffre d’un abandon chronique par les autorités centrales. En 2012, L’Humanité décrivait une ville « rongée par la pauvreté » et « oubliée par Beyrouth », un constat toujours pertinent en 2025. Les programmes d’aide, comme ceux financés par la Banque mondiale pour les ménages pauvres, sont insuffisants, laissant une large partie de la population sans soutien, selon HRW en janvier 2025.
Les ONG appellent à des actions concrètes : création d’emplois, accès à l’éducation, amélioration des services publics, et soutien aux réfugiés syriens, qui forment une communauté vulnérable à Tripoli. En 2021, des manifestations violentes dans la ville avaient dégénéré en affrontements avec les FSI, avec 35 arrestations pour « terrorisme » (Amnesty International), illustrant comment le désespoir peut rapidement tourner à la violence. Sans mesures sociales, les tensions risquent de s’aggraver, transformant les frustrations en affrontements armés.
Tripoli au bord du précipice ?
La question d’un éventuel embrasement hante Tripoli. La combinaison de la pauvreté, des armes illégales et des tensions confessionnelles – ravivées par des décennies de conflits internes et régionaux – crée un cocktail explosif. Des posts sur X du 9 mars 2025 (
@DD_Geopolitics,
@Maronidd) évoquent des heurts entre alaouites et sunnites, un schéma rappelant les violences de 2013-2014, bien que ces rapports nécessitent une confirmation officielle. La proximité de la Syrie, où des troubles persistent, ajoute une pression supplémentaire sur la ville.
Le renforcement sécuritaire peut freiner l’escalade à court terme, mais sans une réponse socio-économique, le risque demeure élevé. Le Liban, affaibli par la guerre Hezbollah-Israël de 2024 (1,2 million de déplacés selon le HCR) et une crise économique continue, ne peut supporter un nouveau foyer de violence. Les efforts du ministère de l’Intérieur, lancés début mars, montrent une intention de contrôle, mais les précédents – comme les heurts de Tayouneh en 2021 ou de Ain el-Helweh en 2023 – révèlent les limites d’une approche répressive. Tripoli reste un baril de poudre, attendant une étincelle ou une solution durable.