
Une célébration ancrée dans l’héritage phénicien
Le 8 juin 2025, le monde célèbre la Journée mondiale des océans, un moment dédié à l’importance vitale des mers pour l’humanité. Au Liban, cette journée prend une résonance unique, profondément enracinée dans l’héritage phénicien, ce peuple de navigateurs qui, il y a des millénaires, a sillonné la Méditerranée pour établir des routes commerciales et des colonies, de Byblos à Carthage. Les Phéniciens, pionniers de la navigation, ont fait de la mer un espace d’échange, d’innovation et de culture, utilisant le cèdre libanais pour construire leurs navires légendaires. En 2025, le Liban met cet héritage à l’honneur à travers des expositions et des conférences à Beyrouth, Tyr et Saïda, qui présentent les techniques phéniciennes, les vestiges sous-marins découverts au large des côtes et l’urgence de protéger cet écosystème marin essentiel à l’identité nationale. Ces initiatives rappellent que la mer, bien plus qu’une ressource, est un pilier de l’histoire et de la mémoire collective libanaise.
La mer, pilier de l’identité libanaise
Avec ses 225 kilomètres de côtes, la Méditerranée est au cœur de la vie libanaise, bien au-delà de son passé phénicien. Les ports de Beyrouth, Tripoli et Saïda restent des centres économiques, malgré les défis majeurs, comme l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, qui a durement frappé l’activité maritime. La mer continue de nourrir l’imaginaire collectif, incarnant à la fois une source de subsistance et un symbole de résilience. Les pêcheurs artisanaux, héritiers de traditions séculaires, dépendent des eaux méditerranéennes, mais leur activité est menacée par la surpêche, le changement climatique et, surtout, la pollution. Les plages de Tyr, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO, et les sites archéologiques sous-marins de Byblos témoignent de la richesse de ce lien avec la mer. Pourtant, des décharges comme celles de Bourj Hammoud et de Jdeideh, où des déchets sont déversés directement dans la Méditerranée, mettent en péril cet écosystème. Ces sites, tristement célèbres, rejettent des tonnes de plastiques, de produits chimiques et de débris dans la mer, contaminant les eaux et menaçant la biodiversité marine. En 2025, des ONG locales, comme la Fondation Makhzoumi, intensifient leurs efforts pour sensibiliser les communautés côtières à la nécessité de préserver cet héritage maritime, en s’appuyant sur l’histoire phénicienne pour mobiliser les consciences.
La lutte contre la pollution marine au Liban
La pollution marine est l’un des défis les plus pressants auxquels le Liban est confronté. Les décharges côtières de Bourj Hammoud et de Jdeideh, situées près de Beyrouth, incarnent une crise environnementale majeure. Ces sites, souvent mal gérés, déversent des déchets directement dans la Méditerranée, entraînant une contamination des eaux par des microplastiques, des métaux lourds et des polluants organiques. Les conséquences sont désastreuses : les écosystèmes marins, comme les herbiers de posidonie et les habitats des tortues marines, sont gravement affectés, tandis que les poissons, essentiels à la sécurité alimentaire des communautés côtières, accumulent des toxines. À Bourj Hammoud, des montagnes de déchets s’étendent parfois jusqu’à la mer, créant des paysages dystopiques où les vagues charrient des sacs plastiques et des débris industriels. À Jdeideh, les rejets non contrôlés aggravent la pollution des plages environnantes, rendant certaines zones impropres à la baignade et à la pêche. Des initiatives locales, comme les campagnes de nettoyage organisées par des associations telles que Green Cedars ou Operation Big Blue, tentent de limiter les dégâts, mais elles se heurtent à un manque de ressources et à une gouvernance fragilisée par les crises économiques et politiques. Ces efforts, bien que louables, peinent à contrer l’ampleur du problème, qui nécessite des investissements massifs dans la gestion des déchets et des infrastructures de traitement.
Les dangers pour les océans et la biodiversité
La pollution marine au Liban n’est pas seulement une menace locale ; elle contribue à la dégradation globale de la Méditerranée, un écosystème déjà fragilisé par le réchauffement climatique, l’acidification des eaux et la surpêche. Les décharges côtières libanaises participent à l’accumulation de plastiques dans la mer, où des millions de tonnes de débris forment des gyres de pollution, asphyxiant la faune marine et perturbant les chaînes alimentaires. Les tortues caouannes, espèces emblématiques des côtes libanaises, ingèrent souvent des plastiques, ce qui entraîne des taux de mortalité alarmants. Les poissons, essentiels à l’économie locale, sont également contaminés, posant des risques sanitaires pour les populations qui en consomment. Par ailleurs, les rejets chimiques des décharges, riches en métaux lourds comme le mercure et le plomb, s’infiltrent dans les sédiments marins, affectant durablement les écosystèmes côtiers. Ces menaces, amplifiées par le changement climatique qui élève les températures de la Méditerranée, mettent en danger la biodiversité marine et les moyens de subsistance des communautés libanaises. Les initiatives de sensibilisation lancées lors de la Journée mondiale des océans 2025, comme les plongées éducatives à Tyr, cherchent à alerter sur ces dangers, mais la résolution de la crise passe par une action concertée à l’échelle nationale et régionale.
Le congrès de Nice : un rendez-vous mondial pour l’océan
À des milliers de kilomètres de Beyrouth, la ville de Nice accueille, du 9 au 13 juin 2025, la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), co-organisée par la France et le Costa Rica. Cet événement d’envergure internationale place la Méditerranée et ses défis au centre des discussions. Le 8 juin, pour la Journée mondiale des océans, Nice s’anime avec une parade maritime, des fanfares et un spectacle dans la baie des Anges, tandis que le Palais des Expositions, surnommé « La Baleine », devient un espace de dialogue entre scientifiques, décideurs politiques et société civile. Le One Ocean Science Congress (4-6 juin), organisé par l’Ifremer et le CNRS, réunit plus de 2 000 chercheurs pour dresser un état des lieux de la santé des océans et proposer des solutions, comme l’International Panel for Ocean Sustainability (IPOS). Le sommet Ocean Rise & Coastal Resilience, le 7 juin, se concentre sur l’adaptation des communautés côtières, y compris celles du Liban, face à l’élévation du niveau de la mer. Les discussions à Nice abordent directement des problématiques libanaises, comme la lutte contre la pollution plastique et l’accord BBNJ, qui vise à protéger 30 % des océans d’ici 2030, offrant un cadre international pour soutenir les efforts locaux contre des fléaux comme les décharges de Bourj Hammoud et de Jdeideh.
Une actualité récente marquée par la résilience
L’actualité récente au Liban reflète à la fois les défis et les espoirs liés à la mer. En 2024, des fouilles sous-marines au large de Tyr ont révélé de nouveaux vestiges phéniciens, renforçant le lien entre le passé maritime du pays et les enjeux actuels. Des projets soutenus par l’Union européenne visent à créer des aires marines protégées pour préserver la biodiversité, mais ces initiatives se heurtent aux crises économiques et politiques. La controverse autour de l’exclusion du navire Arctic Sunrise de Greenpeace du port de Nice, lors des préparatifs de l’UNOC3, a trouvé un écho au Liban, où les ONG environnementales luttent pour obtenir des autorisations. Malgré ces obstacles, des associations comme Tyre Coast Nature Reserve protègent les tortues marines et promeuvent l’écotourisme, tandis que des campagnes de nettoyage des plages mobilisent les jeunes générations. Ces actions locales s’inscrivent dans une dynamique globale portée par la conférence de Nice, où le Liban pourrait incarner un symbole fort, celui d’une nation maritime résolue à surmonter ses défis pour préserver son lien avec la mer.
La mer comme pont culturel et économique
La Méditerranée, trait d’union historique entre le Liban et le monde, reste un espace de dialogue culturel et économique. À Nice, la Journée mondiale des océans célèbre les « Peuples de l’Océan », un hommage aux communautés comme celles du Liban, dont la vie est intimement liée à la mer. Des expositions artistiques, comme « The Ocean Manifesto », explorent ce lien émotionnel, un thème cher aux artistes libanais inspirés par la Méditerranée. Sur le plan économique, le Blue Economy and Finance Forum, organisé à Monaco les 7 et 8 juin, met l’accent sur le financement d’une économie bleue durable, un enjeu crucial pour le Liban, où le tourisme côtier et la pêche pourraient bénéficier d’investissements internationaux. Malgré les contraintes logistiques, la participation de la société civile libanaise à ces discussions pourrait ouvrir la voie à des partenariats pour lutter contre la pollution et restaurer les écosystèmes marins, transformant la mer en un vecteur d’espoir et de renouveau.
Un héritage à préserver pour l’avenir
La Journée mondiale des océans 2025, célébrée au Liban et à Nice, invite à réfléchir sur l’héritage maritime de l’humanité et les responsabilités qu’il implique. Au Liban, l’héritage phénicien rappelle que la mer est un lien vivant entre le passé et l’avenir, mais les décharges de Bourj Hammoud et de Jdeideh soulignent l’urgence d’agir contre la pollution. Les événements de Nice, en mobilisant la communauté internationale autour de l’Objectif de Développement Durable 14, offrent une plateforme pour amplifier les voix des nations méditerranéennes comme le Liban. À travers des initiatives locales et des engagements globaux, la mer reste un espace d’espoir, où la mémoire des navigateurs phéniciens peut inspirer des actions pour un avenir durable, malgré les défis environnementaux et sociaux qui persistent.