La mer Méditerranée, souvent appelée « Mare Nostrum », est l’une des zones maritimes les plus polluées au monde. Parmi les diverses formes de pollution, celle causée par les plastiques est devenue une menace environnementale majeure, touchant la biodiversité, les écosystèmes et la santé humaine. La région orientale de la Méditerranée, qui inclut le Liban, est particulièrement touchée par cette crise, amplifiée par des infrastructures insuffisantes et des défis socio-économiques.
La pollution plastique en Méditerranée orientale : état des lieux
Chaque année, environ 570 000 tonnes de plastiques sont déversées dans la mer Méditerranée, soit l’équivalent de près de 34 000 bouteilles en plastique jetées chaque minute. La région orientale de la Méditerranée, incluant la côte libanaise, est particulièrement vulnérable. Cette situation résulte de la forte densité de population, des activités touristiques et économiques, ainsi que de la gestion inadéquate des déchets.
La géographie fermée de la Méditerranée concentre les déchets plastiques dans des zones spécifiques, et les courants marins amplifient cette accumulation. En Méditerranée orientale, la faiblesse des politiques de gestion des déchets et la prévalence des décharges non contrôlées aggravent la pollution, en particulier au Liban, où les crises socio-politiques et économiques ne permettent pas de répondre adéquatement à ces enjeux environnementaux.
La situation au Liban
Le Liban, avec ses 225 km de côtes, est particulièrement touché par la pollution plastique. Le pays fait face à une instabilité politique et à une crise économique profonde, ce qui rend la gestion des déchets inefficace. Les rivières et les cours d’eau libanais transportent une grande quantité de plastiques et d’autres déchets jusqu’à la mer Méditerranée.
La crise des déchets de 2015, qui a explosé lorsque le principal site d’enfouissement du pays, Naameh, a fermé, a aggravé la situation. Cette fermeture a conduit à une accumulation massive de déchets, y compris de plastiques, dans des décharges sauvages situées près du littoral. Beyrouth et d’autres villes libanaises ont vu des montagnes de déchets s’accumuler à proximité de la mer, exacerbant ainsi la pollution marine.
Sources de pollution plastique au Liban
- Gestion inefficace des déchets : L’absence d’infrastructures de recyclage et la mauvaise gestion des déchets font que les plastiques finissent dans les rivières, les décharges non contrôlées et, finalement, dans la mer.
- Industrie du plastique : Le Liban compte plusieurs usines de production plastique, qui contribuent indirectement à la pollution par les rejets industriels non traités.
- Activités touristiques : Le tourisme côtier intensif, avec sa forte consommation de plastiques à usage unique, aggrave le problème, particulièrement en été, lorsque les plages sont souvent jonchées de déchets abandonnés par les visiteurs.
Impact sur la faune marine et la flore
La pollution plastique en Méditerranée orientale a des effets dévastateurs sur la faune et la flore marines. Les plastiques, en particulier les microplastiques, perturbent les écosystèmes et mettent en danger de nombreuses espèces.
- Ingestion et enchevêtrement : Les tortues, les poissons, les cétacés et les oiseaux marins confondent les plastiques avec de la nourriture. Par exemple, les tortues marines ingèrent fréquemment des sacs en plastique qu’elles prennent pour des méduses, ce qui entraîne des blocages intestinaux et leur mort. Les oiseaux et les mammifères marins sont également souvent piégés par des filets de pêche en plastique ou d’autres débris, ce qui provoque des blessures graves, des mutilations ou la mort par suffocation.
- Perturbation des habitats marins : Les plastiques altèrent les habitats naturels comme les herbiers sous-marins, les récifs coralliens et les zones côtières, perturbant ainsi les écosystèmes et menaçant les espèces qui en dépendent pour se nourrir ou se reproduire.
- Dégradation des écosystèmes côtiers : Les zones humides et côtières au Liban, ainsi que les prairies de Posidonie en Méditerranée, sont particulièrement vulnérables à la pollution plastique. Ces plantes marines jouent un rôle crucial dans la stabilisation des fonds marins et la protection des côtes contre l’érosion, mais les plastiques perturbent leur croissance en bloquant la lumière et en recouvrant les fonds marins.
Impact sur la santé humaine
La pollution plastique représente également une menace pour la santé humaine, en particulier au Liban, où les systèmes de gestion des déchets et des eaux sont insuffisants. Les plastiques ne disparaissent pas, ils se dégradent en microplastiques qui contaminent non seulement l’environnement mais aussi les aliments et l’eau consommés par les humains.
- Contamination de la chaîne alimentaire : Les microplastiques ingérés par les poissons et les fruits de mer se retrouvent dans les assiettes des consommateurs. Ces particules libèrent des substances chimiques toxiques, comme le bisphénol A (BPA), qui sont des perturbateurs endocriniens. Leur accumulation dans le corps humain peut causer des problèmes de fertilité, des cancers, ou des troubles du développement.
- Risques liés à l’eau potable : En raison de la présence de microplastiques dans les sources d’eau potable, les Libanais sont exposés à des risques sanitaires graves. Ces particules peuvent transporter des contaminants chimiques qui, à long terme, affectent le système immunitaire et provoquent des maladies chroniques.
- Effets des brûlages à ciel ouvert : Le Liban, manquant d’infrastructures de traitement des déchets, brûle souvent ses ordures à ciel ouvert. Les plastiques, en brûlant, libèrent des dioxines et des furanes, qui sont extrêmement toxiques et peuvent provoquer des maladies respiratoires, des cancers et des maladies cardiovasculaires chez les habitants des zones concernées.
Initiatives de lutte contre la pollution plastique
Face à cette crise, des initiatives locales commencent à émerger. Des ONG telles que Recycling Lebanon ou Operation Big Blue mènent des actions de nettoyage des plages et des campagnes de sensibilisation. Cependant, ces efforts, bien que louables, restent insuffisants face à l’ampleur de la pollution.
Des solutions durables nécessitent des mesures à grande échelle, telles que :
- Renforcer la législation : Adopter des lois interdisant les plastiques à usage unique et réglementant la gestion des déchets.
- Améliorer les infrastructures : Développer des centres modernes de recyclage et de traitement des déchets.
- Sensibilisation publique : Eduquer les populations sur les dangers des plastiques pour l’environnement et la santé humaine.
La pollution plastique en Méditerranée orientale, et particulièrement au Liban, est une menace écologique majeure. Ses impacts sur la faune, la flore et la santé humaine sont considérables et appellent à une action urgente. Une meilleure gestion des déchets, des infrastructures adaptées et une sensibilisation accrue sont essentielles pour protéger cette région riche en biodiversité et garantir la santé des populations locales. La Méditerranée ne peut plus être une mer-poubelle ; elle doit redevenir un espace de vie, tant pour les espèces marines que pour les humains qui en dépendent.