Finalement, au cours du conseil des ministres du 10 mars 2020, le Président de la République, le Général Michel Aoun, a appelé à restructurer le secteur bancaire libanais et la Banque elle-même. Cette restructuration est inévitable comme beaucoup d’experts le soulignent depuis plusieurs mois déjà.

L’annoncer aujourd’hui, c’est bien mais cela est aussi un peu tardif. Il aurait dû y avoir restructuration et soft-landing de notre économie depuis plusieurs années pour éviter la crise actuelle.

Les banques libanaises font en effet face au risque du défaut de paiement des obligations souveraines. Ce risque s’est matérialisé depuis ce samedi seulement, après beaucoup de tergiversations. Alors que la Banque du Liban a appelé dès le mois de novembre à une augmentation des fonds propres de 20% en 2 tranches de 10%, une qui devait s’achever fin décembre, début janvier et l’autre fin juin, certaines banques n’y ont toujours pas procédé. Pourtant, aucune sanction, aucune remise en cause de leurs licences, ni de leurs dirigeants d’ailleurs.

Le coût de la restructuration du secteur bancaire est estimé à 20 milliards de dollars. Outre les 12 milliards de dollars d’obligations internationales que les banques possèdent, elles font également face aux bons du Trésor qui sera impacté par la probable dévaluation de la livre libanaise et aux certificats de dépôts auprès de la Banque du Liban qui est un autre sujet d’inquiétude pour les années à venir.

La Banque du Liban n’est également pas épargnée en raison de la baisse de ses réserves monétaires brutes, en l’absence de chiffres sur ses réserves monétaires nettes et surtout en raison de son achat depuis des années d’obligations libanaises internationales – en dollar – et locales – en livre libanaise. On estime entre 50 milliards à 70 milliards de dollars, la restructuration de la Banque Centrale elle-même, un chiffre qui dépendra en réalité de l’exactitude de son bilan qui comporte beaucoup d’interrogations en dépit des propos de ses responsables qui se veulent être rassurant.

Face à ces sommes, évidemment, le Liban n’en a pas les moyens d’autant plus que cela n’inclue pas un plan de relance de l’économie elle-même. La seule porte de sortie est donc de faire un appel à l’aide internationale, elle même conditionnée au monitoring du FMI.

Les propos de la Présidence de la République résonnent indirectement, par conséquent, comme un message politique adressé à ceux qui refusent encore l’aide du Fonds Monétaire International. Il n’y a pas d’autres choix.

L’exemple chypriote

Une situation similaire a eu lieu, pas très loin du Liban, à Chypre au début de la décennie et pourrait inspirer de qui pourrait advenir au Liban dans ce secteur.
Si les choses sont similaires, elles ne sont pas comparables, parce que Chypre, au moment de la crise en 2012 n’était endetté qu’à hauteur de 86% de son PIB quand le Liban est aujourd’hui endetté à plus de 166%. L’état libanais ne dispose donc pas des capacités financières que Chypre alors.
Cependant, c’est la suite du plan qui est intéressante. Ayant été amenée, tout comme le Liban à instaurer un contrôle des capitaux, l’île a pu bénéficier d’un programme de stabilisation européen et a, parallèlement, mis en oeuvre les mesures préconisées par le FMI. La recapitalisation du secteur bancaire chypriote avait été estimé à 50% du PIB à l’époque, pour 40% au Liban environ. Les dépôts ont été transférés à la Bank of Cyprus, première banque du pays pour en même temps condamner à la faillite la Laiki Bank, deuxième banque du Pays dont la majorité des actions étaient publiques.
Concernant la Bank of Cyprus, en dessous de 100 000 USD, les dépôts bancaires ont été sauvegardés, et au-delà, transformés à 47,5% en action de l’établissement, en d’autres termes, à un haircut.
L’une des problématiques sera de déterminer la valeur réelle de ces banques, sachant par exemple que la Société Générale France a totalement déprécié les actions qu’elle détenait au sein de la SGBL, considérant ainsi qu’elles ne valaient plus rien. Par ailleurs, ces mesures pourraient se voir être confrontées par les dirigeants actuels des établissements bancaires, qui même s’ils ont investi l’argent de leurs déposants dans des produits financiers défectueux, ne pourraient ne pas accepter de perdre le contrôle de banques qui est souvent, une affaire de famille.

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