L’arrestation de Riad Salamé, ancien gouverneur de la Banque du Liban, marque une étape décisive dans les enquêtes judiciaires visant les pratiques frauduleuses au sein du système bancaire libanais. Si Salamé est au centre de multiples accusations de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics, les projecteurs se tournent désormais vers les banquiers libanais, qui ont largement profité de la crise financière et des ingénieries financières de la BDL.
Un contexte de pressions internationales
Selon une source de surveillance internationale, les autorités américaines et européennes avaient donné aux responsables libanais, y compris la Banque centrale, une période pour redresser la situation financière. Cela incluait notamment l’application des circulaires 158 et 161, destinées à garantir aux déposants un accès à des devises étrangères d’un montant minimum de 1 000 dollars par mois. Ces mesures visaient à apaiser la colère des déposants et à restructurer les banques prêtes à poursuivre leurs activités. Cependant, les banques libanaises n’ont pas respecté ces directives, accentuant les frustrations.
La fin de la période de tolérance face aux abus bancaires
Selon une source de surveillance internationale, les autorités américaines et européennes avaient donné aux responsables libanais, ainsi qu’à la Banque centrale et aux banques commerciales, un délai pour rectifier la situation et garantir un minimum de stabilité financière. Cela passait notamment par l’application des circulaires 158 et 161, qui visaient à permettre aux déposants de retirer jusqu’à 1 000 dollars par mois en devises étrangères et ainsi contrôler la cash économie.
Ces mesures étaient censées améliorer la situation des déposants, durement affectés par la crise, et amorcer la restructuration des banques prêtes à poursuivre leurs activités à long terme. Cependant, les banques libanaises, faisant pression sur les autorités libanaises, n’ont pas respecté ces recommandations, accentuant la frustration des déposants et aggravant les tensions économiques.
Banques libanaises : des profits énormes malgré la crise
D’après la même source, les propriétaires et les directeurs des banques libanaises ont largement profité de la crise financière depuis sa première phase à la fin de 2019. Ils auraient tiré d’importants bénéfices des ingénieries financièresmenées par la Banque centrale, notamment en achetant et revendant des chèques bancaires à prix réduit. Ce système, surnommé « multiplier », leur permettait de rembourser des dettes en suspens tout en réalisant des profits substantiels.
Ces manœuvres étaient notamment facilitées par l’accès privilégié à la plateforme de change Sayrafa, qui permettait aux banques d’acheter des dollars à un taux préférentiel, bien en dessous du taux de change du marché noir. Ces bénéfices colossaux ont profité à une élite de banquiers et de leurs familles, qui ont pu transférer leurs dépôts bloqués à l’étranger ou les retirer en espèces, tout en laissant la majorité des citoyens libanais privés de leurs économies.
Les banquiers libanais dans le viseur
Les propriétaires et dirigeants des principales banques libanaises sont devenus une cible privilégiée des enquêtes notamment en France. Des banquiers tels que Marwan Kheireddine, ancien ministre et directeur de la Banque Al-Mawarid, ont été interrogés pour leur rôle dans les transferts illégaux de fonds vers l’étranger et leur implication dans les pratiques de blanchiment d’argent. Kheireddine est soupçonné d’avoir tiré profit des ingénieries financières orchestrées par Salamé, et de s’être enrichi en contournant les restrictions imposées aux déposants ordinaires.
Les banques libanaises, ainsi que leurs dirigeants, sont accusées aussi d’avoir profité de la crise financière depuis 2019. En exploitant des systèmes tels que Sayrafa, la plateforme de change officielle, ces banquiers ont pu acheter des dollars à un taux préférentiel, réalisant ainsi d’énormes profits tout en bloquant les fonds des déposants.
Les enquêtes sur les transferts illégaux depuis 2020
Depuis 2020, les enquêtes menées par les autorités libanaises et internationales ont révélé des transferts massifs de fonds à l’étranger par les banquiers libanais. Ces transferts, facilités par des connexions politiques et des structures offshore, ont été effectués alors que la grande majorité des citoyens libanais étaient privés de leur accès aux devises. Le rôle des banques, y compris des établissements comme la Banque Audi, la Fransabank, et la Société Générale de Banque au Liban (SGBL), est désormais au centre de l’enquête judiciaire menée par la France.
Plusieurs propriétaires de banques auraient profité de leur position pour contourner ces restrictions, transférant des sommes considérables vers des comptes à l’étranger, tout en bloquant les fonds des déposants ordinaires.
Ces pratiques ont été révélées par des enquêtes menées par les autorités libanaises, américaines et européennes, visant à identifier les responsables de ces fuites de capitaux. Les enquêtes ont mis en lumière la connivence entre les banques et certains acteurs politiques, qui auraient profité de la crise pour se protéger tout en sacrifiant les économies des citoyens libanais.
Vers une collaboration avec les autorités internationales
Les semaines à venir devraient être marquées par une collaboration accrue entre les autorités libanaises, américaines et européennes. Plusieurs banquiers, déposants et acteurs du secteur financier se préparent à coopérer avec la justice pour faire avancer les enquêtes sur les pratiques douteuses des banques et sur les sommes massives détournées au cours de ces dernières années.
L’arrestation de Riad Salamé n’est qu’un premier pas dans une série d’actions visant à poursuivre les responsables des malversations financières. Avec la pression croissante des dépôts bloqués et des fonds illicites en jeu, les autorités s’attaquent maintenant à la structure même du secteur bancaire libanais.
Certains banquiers se sont déclarés être prêts à coopérer avec les autorités judiciaires provoquant un schisme au sein de l’association des Banques du Liban. Cette collaboration sera cruciale pour faire la lumière sur les pratiques douteuses des banques et permettre à la justice, tant au Liban qu’à l’international, de poursuivre les responsables de cette corruption systémique.
L’objectif des autorités judiciaires est de récupérer une partie des fonds illégalement transférés et de tenir pour responsables ceux qui ont contribué à l’effondrement économique du Liban. Si les propriétaires et directeurs des banques deviennent la prochaine cible des enquêtes, cela pourrait marquer une étape majeure dans la lutte contre l’impunité au sein du secteur financier libanais.
Une étape cruciale dans la lutte contre la corruption
Le système bancaire libanais, longtemps au cœur des controverses, fait désormais l’objet de multiples enquêtes pour corruption, blanchiment d’argent, et détournement de fonds.
Alors que l’arrestation de Riad Salamé n’est que le début d’un processus judiciaire plus large, les regards se tournent désormais vers les banques libanaises et leurs dirigeants. Leur rôle dans la crise, ainsi que les profits exorbitants tirés de la dévaluation de la livre libanaise et des manipulations financières, sont désormais au centre des enquêtes internationales. Les prochaines étapes de ce dossier pourraient bien révéler l’étendue de la corruption au sein du système bancaire et marquer un tournant décisif pour la justice au Liban.





