Un scandale financier aux ramifications internationales
L’affaire Riad Salamé est sans doute l’un des plus grands scandales financiers de l’histoire du Liban. Ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), il est accusé de corruption, blanchiment d’argent et détournement de fonds publics, des accusations qui ont conduit à des poursuites judiciaires aussi bien au Liban qu’à l’étranger. Cette affaire est particulièrement emblématique car elle symbolise la faillite du système bancaire libanais, l’un des piliers de l’économie du pays, qui s’est effondré en 2019, plongeant des millions de Libanais dans la misère.
Selon Al Liwa’ (13 février 2025), les enquêtes ouvertes par la France, la Suisse et l’Allemagne ont révélé un réseau complexe de transactions financières suspectes, impliquant des sociétés écrans et des placements immobiliers en Europe. En avril 2023, des perquisitions menées par la justice française ont permis de saisir plusieurs propriétés appartenant à Salamé et à ses proches, dont des appartements de luxe à Paris et à Londres, ainsi que des comptes bancaires contenant des dizaines de millions d’euros.
Les accusations contre Riad Salamé reposent notamment sur des soupçons de détournement de centaines de millions de dollars provenant des fonds publics libanais. L’enquête a révélé que plusieurs banques européennes ont reçu des sommes importantes, transférées depuis la Banque du Liban vers des comptes personnels ou des sociétés liées à Salamé et à son entourage. Selon El Sharq (13 février 2025), ces transactions ont éveillé les soupçons des autorités financières européennes, qui ont commencé à examiner les flux financiers en provenance du Liban.
La justice suisse a été la première à ouvrir une enquête en 2021, soupçonnant Salamé d’avoir détourné près de 330 millions de dollars via la société Forry Associates, une entité offshore enregistrée aux îles Vierges britanniques et gérée par son frère, Raja Salamé. Ce montant aurait été ponctionné sur des commissions prélevées sur des transactions de la Banque du Liban avec des banques commerciales, une pratique qui aurait duré plus d’une décennie. La justice française et belge ont ensuite rejoint l’enquête, en raison de la présence de biens immobiliers et de comptes bancaires liés à Salamé sur leur territoire.
Selon Al Joumhouria (13 février 2025), la justice française a émis un mandat d’arrêt international contre Salamé en mai 2023, après son refus de se présenter devant les juges à Paris. Ce mandat a conduit à la confiscation de plusieurs de ses avoirs en Europe et à une surveillance renforcée de ses déplacements. Toutefois, en raison de l’absence d’accord d’extradition entre le Liban et la France, les autorités libanaises ont refusé de remettre l’ancien gouverneur à la justice française.
L’implication de Salamé dans ces détournements de fonds est d’autant plus troublante qu’elle a contribué à l’aggravation de la crise économique au Liban. En manipulant les finances publiques à des fins personnelles, il aurait privé l’État de liquidités précieuses qui auraient pu être utilisées pour amortir les effets de l’effondrement financier de 2019. Aujourd’hui, plus de 80 % de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté, et les déposants continuent de voir leurs économies bloquées dans les banques, alors même que des milliards de dollars ont disparu dans des circuits opaques.
Cependant, malgré ces preuves accablantes, la justice libanaise peine à avancer dans cette affaire. Plusieurs observateurs dénoncent des ingérences politiques majeures, visant à protéger Salamé et à empêcher une condamnation qui pourrait mettre en cause d’autres figures influentes du pays. Selon El Sharq (13 février 2025), des proches de l’ancien gouverneur exercent des pressions sur les juges pour ralentir l’instruction, tandis que certains partis politiques bloquent les procédures en invoquant des « vices de procédure ».
Une justice libanaise sous pression
Malgré l’ampleur des accusations contre Riad Salamé, la justice libanaise peine à avancer dans ce dossier. Depuis l’émission d’un mandat d’arrêt international par la France en mai 2023, les autorités libanaises ont adopté une posture ambivalente : elles affirment vouloir coopérer avec les enquêtes internationales, mais dans les faits, les procédures avancent à un rythme extrêmement lent. Selon El Sharq (13 février 2025), plusieurs juges en charge du dossier ont été récusés ou remplacés, souvent sous pression politique, ce qui a contribué à ralentir l’instruction.
Le procureur financier libanais, Jean Tannous, qui avait initialement mené les investigations sur les transactions suspectes de Salamé, a vu son mandat limité après avoir tenté d’élargir l’enquête à d’autres personnalités politiques. Selon Al Joumhouria (13 février 2025), plusieurs membres influents du gouvernement et du Parlement sont soupçonnés d’avoir bénéficié des détournements orchestrés par Salamé, ce qui expliquerait pourquoi l’affaire reste en suspens au Liban.
La principale ligne de défense de Riad Salamé repose sur l’argument selon lequel les fonds en question auraient été obtenus légalement grâce à des investissements privés et à des rémunérations accumulées sur plusieurs décennies. Il continue d’affirmer que les accusations contre lui relèvent d’une « persécution politique » et qu’il est victime d’un « règlement de comptes orchestré par ses opposants ». Toutefois, selon Al Liwa’ (13 février 2025), les preuves accumulées par les enquêteurs internationaux contredisent cette version, notamment en ce qui concerne les liens entre Salamé et les sociétés écrans utilisées pour transférer des fonds.
Une autre complication réside dans le conflit de juridiction entre le Liban et les pays européens menant des enquêtes contre Salamé. Si la France, la Suisse et la Belgique souhaitent le juger pour blanchiment et détournement de fonds, les autorités libanaises affirment que c’est à la justice nationale de le poursuivre en priorité. Cette divergence crée une impasse judiciaire, car en l’absence de coopération entre les juridictions, l’affaire risque de s’enliser encore plusieurs années.
Un procès historique ou un nouvel échec judiciaire ?
L’issue de l’affaire Salamé dépendra en grande partie de la volonté des autorités libanaises de réellement poursuivre l’ancien gouverneur. Selon Al Joumhouria (13 février 2025), plusieurs scénarios sont envisageables :
- Un procès au Liban avec une condamnation limitée
- La justice libanaise pourrait décider d’ouvrir un procès contre Salamé, mais avec des chefs d’accusation réduits, afin de protéger d’autres figures impliquées dans ces détournements. Cette approche permettrait d’éviter une extradition vers la France, tout en donnant l’illusion d’une justice en action.
- Une extradition vers la France ou la Suisse
- Si la pression internationale s’intensifie, le Liban pourrait être contraint de livrer Salamé à la justice européenne. Cette option reste peu probable, car elle impliquerait que d’autres responsables politiques risquent également d’être exposés.
- Un non-lieu ou un abandon des poursuites
- Comme cela a souvent été le cas dans des affaires de corruption impliquant des figures influentes, la justice libanaise pourrait décider d’annuler les poursuites pour vice de procédure ou faute de preuves, malgré les enquêtes menées en Europe. Cela entraînerait une crise diplomatique, notamment avec la France.
Selon El Sharq (13 février 2025), le temps joue en faveur de Salamé, car tant que les procédures restent bloquées, il conserve ses soutiens et évite toute condamnation.
Un test pour la justice libanaise
L’issue de ce dossier ne concerne pas uniquement l’ancien gouverneur de la Banque du Liban : elle est perçue comme un test décisif pour l’ensemble du système judiciaire libanais. Si Salamé échappe à la justice malgré des preuves accablantes, cela enverra un signal désastreux à la population libanaise et à la communauté internationale, confirmant que l’impunité reste la règle au Liban.
Selon Al Liwa’ (13 février 2025), de nombreux Libanais espèrent que cette affaire sera l’occasion d’un changement, et que Salamé sera jugé pour ses actions. Mais si l’histoire récente du Liban est un indicateur, il est fort probable que cette affaire se termine comme beaucoup d’autres : par des blocages politiques et une absence de condamnation réelle.