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Le Parlement libanais face à l’inaction : quelles réformes restent bloquées ?

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Un Parlement dysfonctionnel et incapable d’agir face à la crise

Depuis plusieurs années, le Parlement libanais est devenu le symbole de la paralysie politique du pays, incapable de jouer son rôle législatif et de répondre aux urgences nationales. L’inefficacité du pouvoir législatif a accentué la crise institutionnelle et empêché l’adoption des réformes essentielles, notamment celles exigées par les bailleurs de fonds internationaux. La situation économique catastrophique, la faillite du secteur bancaire, la chute du pouvoir d’achat et la détérioration des services publics auraient nécessité une réponse rapide et efficace du Parlement, mais les divisions internes et les stratégies partisanes ont transformé l’Assemblée en un champ de bataille où chaque faction bloque les initiatives de l’autre.

La tenue des sessions parlementaires est devenue un véritable défi, marquée par des ajournements successifs et des absences répétées des députés. Le quorum, indispensable pour voter les lois, n’est que rarement atteint, ce qui empêche l’adoption de projets pourtant vitaux pour la survie du pays. Les rivalités entre blocs politiques, autrefois limitées aux affrontements entre majorité et opposition, se sont intensifiées, aboutissant à un Parlement fragmenté où aucune coalition ne parvient à imposer une vision cohérenteLes intérêts confessionnels et partisans prennent le dessus sur l’intérêt général, et chaque réforme proposée est immédiatement bloquée par ceux qui y voient une menace pour leur propre influence.

Les commissions parlementaires, censées examiner les textes de loi et proposer des amendements, ne parviennent plus à fonctionner normalement. Certaines commissions ne se réunissent plus depuis plusieurs mois, tandis que d’autres continuent d’opérer, mais sans qu’aucune décision concrète ne soit prise. Le climat d’instabilité politique se reflète dans le travail législatif, et même les projets de loi sur lesquels un large consensus semblait acquis restent bloqués à cause de désaccords sur les modalités d’application.

Les réformes économiques bloquées : une faillite politique aux conséquences désastreuses

Parmi les nombreux projets de loi en attente, les réformes économiques et financières sont celles qui subissent le plus d’obstruction. Alors que le Liban est en faillite depuis 2019, aucune mesure concrète n’a été adoptée pour restructurer l’économie, restaurer la confiance des investisseurs ou protéger les épargnants piégés par la crise bancaireLe Parlement, censé jouer un rôle clé dans la sortie de crise, est devenu un obstacle majeur, incapable d’adopter des lois essentielles pour restaurer la stabilité du pays.

L’une des principales réformes bloquées concerne la restructuration du secteur bancaire. Depuis l’effondrement du système financier, les banques ont imposé des restrictions arbitraires sur les retraits et les transferts, ruinant des milliers de Libanais sans qu’aucun cadre légal ne vienne protéger les déposants. La Banque du Liban, bien que largement impliquée dans cette crise, continue d’opérer sans véritable contrôle parlementaire, et les débats sur une régulation du secteur sont systématiquement reportés. Les banques, fortement liées aux élites politiques, exercent des pressions pour retarder toute législation qui remettrait en cause leurs intérêts, laissant les citoyens sans recours face à une crise qui les appauvrit chaque jour un peu plus.

Un autre dossier crucial reste en suspens : le plan de restructuration de la dette publique. Alors que le Liban est en défaut de paiement depuis plusieurs années, les négociations avec les créanciers sont bloquées par l’absence de cadre législatif clair. Des projets de loi ont été proposés pour rééchelonner la dette et négocier un accord avec le FMI, mais les partis politiques s’opposent sur la répartition des pertes et sur les réformes à adopter en échange de l’aide internationaleChaque faction défend des intérêts spécifiques, retardant ainsi un accord global qui pourrait éviter une nouvelle détérioration de l’économie.

La réforme du secteur de l’énergie, un autre point clé des discussions avec le FMI, est elle aussi paralysée. Le Liban souffre depuis des décennies d’un système électrique inefficace et corrompu, qui coûte à l’État des milliards de dollars chaque annéeLes subventions à l’électricité, qui bénéficient surtout aux élites et aux grands consommateurs, sont devenues un point de blocage, car les partis qui contrôlent ce secteur refusent de perdre leur influenceLes projets de loi visant à privatiser certaines infrastructures ou à réduire les déficits du secteur sont systématiquement rejetés, laissant le pays dépendant de générateurs privés hors de prix et de solutions temporaires qui ne font qu’aggraver la crise.

L’absence de réformes économiques et financières n’est pas seulement le résultat d’un manque de volonté politique, mais aussi d’un calcul stratégique des forces en présenceChaque camp sait que la mise en place de réformes impliquerait une redistribution des ressources et des pouvoirs, ce qu’aucun parti ne veut accepter. Cette situation prolonge la crise et accentue la misère des Libanais, mais aucune solution ne semble émerger tant que les élites politiques restent figées dans leur logique d’intérêt personnel.

Les réformes judiciaires et institutionnelles : entre blocages politiques et absence de volonté

Les réformes judiciaires et institutionnelles, pourtant essentielles à la stabilité du pays, restent parmi les plus bloquées au sein du ParlementL’absence d’un système judiciaire indépendant empêche la lutte contre la corruption et la mise en place d’un État de droit. Malgré de nombreuses promesses de réformes faites aux Libanais et à la communauté internationale, aucun progrès significatif n’a été accompli, car les forces politiques dominantes craignent que la réforme du système judiciaire ne menace directement leurs intérêts.

L’un des principaux blocages concerne la nomination et l’indépendance des juges. Le système judiciaire libanais est largement politisé, et les nominations de magistrats sont souvent influencées par des considérations partisanes et confessionnelles. Des propositions ont été faites pour garantir une plus grande autonomie aux juges, limiter l’intervention du pouvoir politique dans la magistrature et mettre en place des mécanismes transparents de nomination et de contrôle, mais elles se heurtent à une opposition féroce des partis politiques, qui refusent de perdre leur mainmise sur le secteur judiciaire.

L’un des exemples les plus marquants de cette obstruction est l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth en 2020, qui illustre parfaitement la résistance du système politique face à toute tentative de réforme judiciaireChaque tentative du juge en charge de l’affaire de convoquer des personnalités politiques ou sécuritaires est immédiatement bloquée par des manœuvres parlementaires, des pressions juridiques et des menaces directes. Cette affaire est devenue un symbole de l’impunité généralisée, prouvant que les élites politiques libanaises sont prêtes à tout pour éviter que la justice ne les rattrape.

Un autre point de blocage concerne les lois anticorruption, un dossier qui cristallise les tensions entre la classe politique et la société civileLes institutions internationales et les manifestants réclament des réformes strictes pour mettre fin au détournement des fonds publics, mais les lois proposées sur la transparence et la lutte contre la corruption sont systématiquement vidées de leur substance avant d’être débattues au ParlementChaque mesure qui pourrait exiger des comptes aux hauts responsables ou exposer les fortunes accumulées illégalement est freinée par les mêmes cercles de pouvoir qui profitent du système actuel.

La réforme du Conseil constitutionnel et du système électoral est également un sujet tabouCertaines factions politiques plaident pour une refonte du mode de scrutin, afin de mieux refléter la réalité politique du pays, tandis que d’autres bloquent toute tentative de changement, craignant que cela ne remette en cause leur domination sur le processus électoral. Le débat sur la loi électorale a refait surface à plusieurs reprises, notamment avant les dernières élections législatives, mais aucun consensus n’a pu être trouvéLe Parlement ne parvient même pas à statuer sur des mesures techniques essentielles, comme la réglementation du financement des campagnes électorales et la transparence du scrutin.

Cette inaction sur les réformes judiciaires et institutionnelles montre clairement que la classe politique libanaise ne souhaite pas renforcer l’État de droit, car un système judiciaire fort et indépendant serait une menace directe pour sa survieLes blocages dans ces domaines ne sont donc pas seulement des conséquences de l’instabilité politique, mais des stratégies délibérées pour maintenir un statu quo qui profite à une minorité au détriment de l’ensemble du pays.

L’impact du blocage parlementaire sur la société et les institutions

L’incapacité du Parlement à adopter des réformes essentielles a des conséquences directes et dévastatrices sur la société libanaise. Alors que le pays traverse une crise économique et sociale sans précédent, l’absence de décisions politiques aggrave la situation et plonge les Libanais dans un quotidien de plus en plus difficileLes services publics s’effondrent, les inégalités se creusent et la confiance envers les institutions atteint son niveau le plus bas.

L’un des secteurs les plus touchés par l’inaction parlementaire est celui des services de baseL’électricité reste un problème majeur, avec des coupures quotidiennes qui paralysent l’économie et rendent la vie quotidienne extrêmement difficile. Les propositions de réformes pour restructurer le secteur de l’énergie, introduire des sources alternatives et réduire le déficit de l’Électricité du Liban sont bloquées par des conflits d’intérêts. Les entreprises privées qui fournissent des générateurs profitent de la crise et exercent une pression pour maintenir le statu quo, empêchant ainsi toute réforme sérieuse.

Le secteur de la santé subit également les effets de la paralysie parlementaireLes hôpitaux publics manquent de financements, les équipements médicaux sont obsolètes et de nombreux professionnels de la santé quittent le pays. Plusieurs projets de loi visant à soutenir le secteur médical et à garantir un accès universel aux soins sont en suspens, faute de consensus politiqueLes fonds internationaux destinés à aider les hôpitaux libanais sont bloqués en raison du manque de transparence et de contrôle dans leur gestion.

L’éducation est un autre domaine où l’inaction parlementaire a des conséquences catastrophiquesLes universités publiques et privées souffrent d’un manque de financement, de grèves et d’une fuite massive des enseignants qualifiésLe Parlement n’a pas été en mesure de voter un plan d’urgence pour sauver le secteur éducatif, et les étudiants libanais se retrouvent sans perspectives d’avenir. La situation a atteint un point critique, où de plus en plus de jeunes quittent le pays, aggravant la crise du marché du travail et accélérant l’exode des talents.

Le marché de l’emploi est également frappé de plein fouet par l’incapacité du Parlement à adopter des réformes structurellesLe chômage atteint des niveaux records, et les initiatives visant à soutenir les petites entreprises et à attirer les investissements étrangers sont bloquéesLes entreprises locales, étranglées par la crise bancaire et l’absence d’aide gouvernementale, ferment les unes après les autres, augmentant la pauvreté et précipitant des milliers de familles dans la précarité.

L’impact de la paralysie parlementaire dépasse le cadre économique et social pour toucher directement les institutions de l’ÉtatL’administration publique est sous-financée, mal organisée et gangrenée par le clientélisme, ce qui empêche toute modernisation du secteur publicLes fonctionnaires ne sont plus payés à temps, et certains ministères fonctionnent au ralenti, voire plus du tout, en raison de l’absence de budget et de décisions politiques.

La défiance envers le Parlement et les institutions politiques atteint son niveau le plus élevé, et les Libanais n’attendent plus rien de leurs dirigeants. Les manifestations de 2019 et la contestation sociale qui en a découlé ont montré une volonté de changement, mais le blocage institutionnel empêche toute avancée. L’absence de réformes et le mépris affiché par les élites pour les revendications populaires ne font que nourrir un sentiment d’injustice et de colère, qui pourrait à terme provoquer une nouvelle explosion sociale.

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Newsdesk Libnanews
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