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Vingt ans après l’attentat de Rafic Hariri : Un Liban en quête de vérité et de réformes

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Ce vendredi marque le vingtième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri, un événement qui a profondément bouleversé le paysage politique libanais. En février 2005, un attentat-suicide a emporté l’ancien Premier ministre et 21 de ses collaborateurs, plongeant le pays dans une crise qui résonne encore aujourd’hui. À travers les hommages rendus lors des commémorations officielles, le Liban se confronte aux blessures d’un passé tumultueux tout en interrogeant l’avenir de ses institutions.

Le climat de la cérémonie était empreint de gravité et de sobriété. Les responsables politiques se sont réunis dans le strict respect des protocoles en vigueur pour se recueillir au mausolée de Rafic Hariri, lieu devenu symbole d’un destin brisé et d’un espoir déçu. Le Premier ministre Nawaf Salam, présent aux côtés de hauts responsables tels que le ministre de l’Intérieur Ahmed El Hajjar, le ministre des Affaires sociales Hanain El Sayyed et le vice-président du gouvernement Tareq Mutri, a ouvert la cérémonie par la lecture solennelle de la Fatiha. Ce moment, loin d’être une simple formalité, a souligné la douleur collective d’un pays qui peine toujours à faire la part des choses entre justice et impunité.

Dans un Liban qui se redéfinit depuis l’élection de Joseph Aoun – ancien chef d’état-major devenu président – la cérémonie revêt également une dimension politique forte. Lors de son allocution, le président Aoun a évoqué la nécessité de mettre un terme à l’impunité qui gangrène la scène politique. « Le Liban ne peut avancer tant que le spectre de l’impunité plane sur nos institutions, » a-t-il affirmé avec une franchise sans ambages. Pour Aoun, la mémoire de Rafic Hariri doit servir de rappel à la fois de la capacité du pays à se reconstruire et de la nécessité d’opérer de profondes réformes structurelles pour garantir une gouvernance transparente et responsable.

Les discours officiels se sont distingués par leur tonalité factuelle et leur insistance sur les réalités du terrain. Les responsables présents ont clairement rappelé que, malgré la condamnation en 2022 de deux membres du Hezbollah par une cour ad hoc soutenue par l’ONU, le groupe n’a toujours pas remis les accusés, illustrant ainsi l’impasse qui demeure entre la justice et les intérêts politiques. Ce constat renforce l’idée qu’un changement profond du système politique s’impose si le pays veut réellement sortir de l’état de crise qui le mine depuis des années.

Le retour sur le sol libanais de Saad Hariri, fils du défunt leader, a également alimenté les débats. Après plusieurs mandats à la tête du gouvernement, Saad Hariri, jusque-là basé aux Émirats arabes unis, est revenu pour participer aux commémorations. Son retour intervient dans un contexte de transition, où la scène politique libanaise se fragmente et cherche à redéfinir ses alliances traditionnelles. Si certains observateurs y voient une opportunité pour le renouveau de la représentation sunnite, d’autres restent prudents quant à la capacité du jeune Hariri à dépasser l’ombre imposante de son père.

Au-delà des discours politiques, les réseaux sociaux ont été le théâtre d’un flot de réactions incisives dénonçant les dérives d’un système encore trop enclin aux logiques clientélistes. Des messages en arabe, tels que « رحم الله كل شهداء لبنان », résonnent comme autant d’appels à la responsabilité et au retour à une politique fondée sur la transparence et la justice. Certains anciens responsables et intellectuels, rappelant les valeurs d’ouverture et de dialogue portées par Rafic Hariri, insistent sur le fait que ces principes sont aujourd’hui indispensables pour surmonter les divisions qui fragilisent la nation.

Dans le tumulte des événements récents, la crise économique et l’instabilité sécuritaire n’ont fait qu’amplifier les inquiétudes d’une population lasse des compromis politiques et des ingérences étrangères. Les discours tenus lors de cette journée de commémoration n’ont pas éludé les dures réalités du Liban contemporain. Plusieurs intervenants ont évoqué la nécessité d’un redressement urgent, tant sur le plan institutionnel que dans la gestion quotidienne des affaires publiques. La référence répétée à l’héritage de Rafic Hariri apparaît ainsi non pas comme une glorification excessive, mais comme un rappel pragmatique des défis à relever pour reconstruire un État défaillant.

L’un des moments marquants de la journée s’est déroulé à Raashia, dans les locaux de la Dar Al-Fatwa, où s’est tenu le « لقاء العلمائي ». Là, des figures religieuses se sont exprimées sur le rôle des valeurs traditionnelles dans la restauration de la souveraineté nationale. Le Sheikh Wafiq Hijazi a notamment averti contre les ingérences de forces extérieures et a insisté sur le fait que le Liban ne saurait se relever que par l’effort de ses propres citoyens. « Le patriotisme et la volonté de réformer notre système sont les seuls remparts contre ceux qui cherchent à diviser notre nation, » a-t-il déclaré d’un ton déterminé.

Dans ce climat de tensions, l’assassinat de Rafic Hariri demeure un point de référence incontournable. Les commissions d’enquête mises en place à la suite de l’attentat n’ont pas réussi à apaiser les doutes persistants quant aux responsabilités de chacun. La condamnation de deux membres du Hezbollah par la justice internationale apparaît ainsi comme un geste symbolique fort, mais dont l’application reste limitée par des considérations politiques bien réelles. Les difficultés à traduire en justice les responsables de l’attentat illustrent parfaitement les contradictions d’un Liban où la loi se heurte aux enjeux de pouvoir.

Le discours du président Joseph Aoun, prononcé avec une grande sobriété, s’inscrit dans cette logique de rigueur et de recherche de responsabilité. Aoun a clairement affirmé que « le Liban ne peut avancer tant que les responsables de l’impunité ne seront pas tenus pour compte ». Ce message, à la fois dur et factuel, reflète la volonté de certains acteurs de rompre avec un passé où la politique se mesurait souvent au détriment du bien commun. Pour le chef de l’État, le souvenir de Rafic Hariri doit être mobilisé comme un levier pour impulser un changement de paradigme dans un pays en proie aux ingérences et aux rivalités ancestrales.

Les propos tenus lors des commémorations ont mis en lumière les multiples fractures qui minent la scène politique libanaise. L’assassinat de Rafic Hariri, interprété à l’époque comme le résultat d’un jeu d’influences entre puissances régionales – avec une implication souvent évoquée de la Syrie et du Hezbollah – est aujourd’hui perçu comme le reflet d’un système profondément divisé. La disparition de l’ancien Premier ministre a servi de catalyseur à une série de remaniements politiques qui se poursuivent encore aujourd’hui, alors que le pays tente de se libérer d’un passé où la politique était intimement liée aux ingérences étrangères.

La cérémonie de commémoration, bien que solennelle, a ainsi révélé une réalité crue : celle d’un Liban tiraillé entre le souvenir d’un leader visionnaire et la nécessité d’un renouveau structurel. Les appels à la réforme et à la transparence, lancés tant par les responsables politiques que par les représentants de la société civile, traduisent une aspiration partagée à voir émerger un système politique plus responsable et moins vulnérable aux manipulations extérieures.

Face à ces défis, le retour de Saad Hariri est accueilli avec une méfiance prudente. Si pour certains il représente une chance de renouer avec un projet de modernisation entamé par son père, pour d’autres, il symbolise avant tout la persistance d’un système politique qui peine à évoluer. Les interrogations sur ses véritables ambitions et sur la capacité de sa famille à rassembler un électorat de plus en plus exigeant demeurent fortes. Le Liban, marqué par des décennies de crises et de désillusions, attend désormais des actions concrètes plutôt que des discours trop souvent empreints de flatterie.

En définitive, le vingtième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri ne se limite pas à une cérémonie de commémoration. Il constitue un moment de confrontation avec une histoire qui a façonné le Liban moderne, tout en rappelant les dérives qui continuent d’entraver le développement du pays. Entre les hommages officiels, les déclarations tranchées du président Aoun et les mises en garde des figures religieuses, c’est l’ensemble de la société libanaise qui est appelée à réfléchir sur l’avenir de sa gouvernance.

Le chemin vers une réforme véritable reste semé d’embûches. La nécessité d’instaurer une justice impartiale et de mettre fin à l’impunité est une revendication récurrente qui traverse l’ensemble des discours de cette journée. Le Liban ne peut espérer sortir de l’impasse qu’en opérant un changement en profondeur, tant dans la manière dont sont gérées les affaires publiques que dans l’organisation même de l’État. La rigueur, la responsabilité et le dialogue constituent, selon de nombreux experts, les seuls moyens de bâtir un futur stable et durable.

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Newsdesk Libnanews
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