Selon l’Institute of International Finance (IIF), la guerre en cours entre Israël et le Hezbollah aura des répercussions dévastatrices sur l’économie libanaise. Le Liban, déjà confronté à une série de chocs au cours des cinq dernières années, subit les effets d’une paralysie politique alors que le Parlement n’a pas pu élire de président depuis octobre 2022, laissant un gouvernement intérimaire aux pouvoirs limités. L’IIF a évalué que les répercussions économiques de la guerre dépendront de l’ampleur et de la durée du conflit, et a développé deux scénarios, un scénario de base et un scénario pessimiste. Selon l’institut, le scénario de base a une « haute probabilité » de se réaliser, tandis que le scénario pessimiste est jugé moins probable.
Scénario de base : contraction du PIB et dommages agricoles
Dans son scénario de base, l’IIF prévoit que le conflit durera jusqu’à la mi-2025 et inclura une invasion terrestre israélienne. Dans ce contexte, le PIB réel du Liban devrait se contracter de 7 % en 2024 et de 10 % en 2025. Cette contraction économique serait principalement attribuable à une baisse significative de la consommation privée, avec l’estimation que plus de 12 % de la population (y compris les réfugiés syriens) quitteront le pays, et à un déclin marqué des exportations de biens et services.
Le secteur agricole, en particulier, subira de lourdes pertes. Dans le sud du Liban et, dans une moindre mesure, dans la vallée de la Békaa, les bombardements ont pollué les sols, perturbé les chaînes d’approvisionnement et provoqué le déplacement des agriculteurs. De plus, le secteur touristique, qui représentait autrefois 20 % du PIB, est complètement paralysé depuis le début des hostilités.
L’IIF souligne que les destructions d’infrastructures compliqueront considérablement la reprise économique, car la reconstruction des infrastructures de base pourrait prendre plusieurs années. Cela entraînerait des retards importants dans la relance économique du pays. L’IIF prévoit également que la population libanaise pourrait passer de 6 millions en 2024 à 5,3 millions en 2025, en raison des déplacements internes et des départs massifs de citoyens et de travailleurs étrangers.
Prévisions macroéconomiques du scénario de base
- Contraction du PIB : le PIB nominal devrait chuter de 28 milliards de dollars en 2024 à 26 milliards en 2025.
- Inflation : L’inflation devrait atteindre en moyenne 24,8 % en 2025, après une hausse prévue de 44 % en 2024.
- Dette publique : La dette publique, déjà à un niveau critique de 184 % du PIB en 2024, pourrait reculer légèrement à 168 % en 2025.
- Déficit du compte courant : Il pourrait se réduire de 12,5 % du PIB en 2024 à 10,8 % en 2025.
- Réserves de devises étrangères : Les réserves en devises étrangères devraient chuter de 10 milliards de dollarsà la fin de 2024 à 7 milliards à la fin de 2025.
Scénario pessimiste : guerre prolongée et aggravation des conditions économiques
Dans son scénario pessimiste, l’IIF anticipe un conflit plus long, qui impliquerait non seulement Israël et le Hezbollah, mais également l’Iran et peut-être les États-Unis. Dans ce cas, les combats se prolongeraient tout au long de 2025, entraînant des pertes humaines plus importantes, une augmentation des déplacements internes et une destruction accrue des infrastructures économiques.
Les répercussions seraient encore plus graves :
- Population : Le Liban verrait sa population chuter à 4,8 millions d’habitants en 2025.
- PIB nominal : Le PIB nominal pourrait s’effondrer à 22 milliards de dollars, soit une contraction de près de 30 %.
- Inflation : L’inflation serait en moyenne de 30 % en 2025.
- Dette publique : Le ratio dette/PIB grimperait à 194 % d’ici fin 2025, aggravant davantage la crise de la dette.
- Déficit du compte courant : Ce déficit pourrait s’élargir à 18,2 % du PIB en 2025.
- Réserves de devises : Les réserves de devises étrangères pourraient chuter à 3 milliards de dollars à la fin de 2025, réduisant la capacité du pays à importer des biens essentiels.
L’IIF estime qu’un conflit prolongé retarderait encore davantage la reprise économique tant attendue, et plongerait le pays dans une situation de plus en plus difficile à redresser.
Contexte économique du Liban depuis 2019
Depuis 2019, le Liban est plongé dans une récession économique sévère qui s’est transformée en l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale. Les causes de cette crise sont multiples et comprennent :
- Un effondrement du secteur bancaire : En novembre 2019, les banques libanaises ont bloqué les dépôts en dollars, ce qui a conduit à une pénurie de devises étrangères. Cette situation a sévèrement impacté les importations et a poussé l’économie dans une spirale de récession.
- Hyperinflation : Depuis 2019, la livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur par rapport au dollar, entraînant une flambée des prix des biens de consommation essentiels et une inflation galopante.
- Explosion de la dette publique : La dette publique du Liban a atteint des niveaux insoutenables, représentant environ 180 % du PIB en 2023. Le pays a fait défaut sur sa dette souveraine en mars 2020, une première dans l’histoire du Liban, ce qui a encore aggravé la situation financière du pays.
- Chômage massif : Des centaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi en raison de la fermeture d’entreprises et de la récession. Le taux de pauvreté a explosé, affectant plus de 80 % de la population en 2023, contre environ 30 % avant la crise.
Depuis lors, la crise a été aggravée par l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, qui a détruit des pans entiers de la capitale et causé des milliards de dollars de dégâts, et par les troubles politiques continus, qui ont paralysé les réformes économiques nécessaires.
Les prévisions de l’Institute of International Finance sont alarmantes et mettent en lumière les conséquences catastrophiques que le conflit prolongé entre Israël et le Hezbollah pourrait avoir sur l’économie libanaise. Que ce soit dans le cadre du scénario de base ou du scénario pessimiste, les perspectives sont sombres, avec une contraction significative du PIB, une explosion de l’inflation, et une augmentation insoutenable de la dette publique. Sans une solution rapide au conflit et des réformes économiques structurelles, le Liban pourrait faire face à une crise économique encore plus profonde, compliquant davantage ses efforts de reconstruction à long terme.