Le 9 janvier 2025 marque une journée décisive pour le Liban alors que le Parlement se réunit pour tenter de mettre fin à une vacance présidentielle de plus de deux ans. Depuis le départ de Michel Aoun en octobre 2022, le pays est sans président, ce qui aggrave une instabilité politique et économique déjà dramatique. Aujourd’hui, toutes les spéculations convergent vers un nom : le général Joseph Aoun, actuel commandant en chef de l’armée libanaise. Mais son éventuelle accession à la présidence s’accompagne de nombreuses interrogations, tant sur les plans économique, sécuritaire que politique.
Un contexte de crise persistante
Depuis 2019, le Liban traverse une crise systémique sans précédent. La monnaie nationale a perdu plus de 95 % de sa valeur, l’inflation dépasse 250 %, et près de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Parallèlement, le système bancaire est en faillite, et les déposants ne peuvent plus accéder à leurs économies. Ce contexte socio-économique explosif est aggravé par une paralysie politique due à des divisions sectaires profondes et des rivalités entre factions. Le général Joseph Aoun, en tant que futur président, devra affronter des défis colossaux. Trois axes principaux se dessinent : relancer une économie en ruine, sécuriser un pays menacé sur plusieurs fronts et gouverner efficacement dans un système politique fragmenté.
Un défi économique monumental
Absence de soutien parlementaire solide Contrairement à son prédécesseur Michel Aoun, qui disposait d’un bloc parlementaire fidèle grâce à son parti, le Courant patriotique libre, Joseph Aoun ne bénéficie d’aucune base partisane directe. Cette absence de soutien constitue une faiblesse majeure, car les réformes économiques nécessaires exigent des alliances solides au sein d’un Parlement dominé par des intérêts divergents.
Des réformes vitales mais impopulaires Le Fonds monétaire international (FMI) et les donateurs internationaux conditionnent leur aide au Liban à la mise en œuvre de réformes structurelles profondes : audit des comptes publics, restructuration du secteur bancaire, lutte contre la corruption et rationalisation des subventions publiques. Or, ces mesures, bien qu’indispensables, se heurtent à une classe politique réticente, attachée à préserver ses privilèges. En 2019, Joseph Aoun a été critiqué pour avoir défendu les banques face aux manifestations populaires. Ce souvenir pourrait ternir sa crédibilité en tant que président. Toutefois, sa capacité à incarner une figure neutre et consensuelle pourrait lui permettre de faire pression sur les parlementaires pour adopter ces réformes, tout en rassurant les citoyens.
La pression internationale Les puissances étrangères, notamment la France et les États-Unis, ont exprimé leur soutien à une présidence Joseph Aoun, espérant qu’il puisse instaurer une stabilité minimale. Mais ce soutien ne suffira pas si le Parlement libanais continue de bloquer les réformes. La tâche sera de convaincre les alliés internationaux de fournir une aide immédiate tout en négociant habilement avec les factions locales pour amorcer un redressement économique.
Une situation sécuritaire précaire
Une armée sous-financée L’armée libanaise, pierre angulaire de la stabilité du pays, est en grande difficulté financière. Les soldes des soldats ont été réduites à des montants dérisoires, et les équipements manquent cruellement. Pourtant, cette institution reste l’une des rares à bénéficier de la confiance de la population, en raison de son rôle crucial dans le maintien de l’ordre. En tant qu’ancien chef de l’armée, Joseph Aoun connaît parfaitement ces défis. S’il devient président, il devra œuvrer pour garantir un financement durable des forces armées, notamment par le biais de l’aide internationale. Les États-Unis, qui soutiennent largement l’armée libanaise, seront des partenaires essentiels.
Les menaces au sud et à l’est Le Liban fait face à des tensions chroniques à sa frontière sud avec Israël. Les violations régulières de l’espace aérien libanais et les incursions terrestres exacerbent les tensions. La résolution 1701 de l’ONU, adoptée après la guerre de 2006, exige le respect d’un cessez-le-feu et un contrôle libanais effectif de cette région. Cependant, ces objectifs restent inachevés. À l’est, la chute progressive du régime syrien de Bachar el-Assad a entraîné une recrudescence des menaces salafistes et des trafics d’armes vers des groupes terroristes. La frontière poreuse avec la Syrie demeure un point faible majeur, nécessitant une surveillance constante.
Maintenir la stabilité intérieure Sur le plan interne, le Liban est confronté à une montée des tensions sectaires et des violences sporadiques. La stabilité du pays repose en grande partie sur la capacité de l’armée à maintenir un équilibre fragile entre les différentes communautés. Joseph Aoun, en tant que président, devra renforcer les capacités de l’armée tout en promouvant un dialogue inclusif pour éviter une nouvelle escalade.
Un défi politique : exister sans bloc parlementaire
Un rôle présidentiel affaibli Le système politique libanais repose sur un partage confessionnel des pouvoirs, où le président, issu de la communauté chrétienne maronite, partage les responsabilités avec un Premier ministre sunnite et un président du Parlement chiite. Cependant, dans un contexte de divisions politiques, le président peut rapidement se retrouver marginalisé s’il ne parvient pas à fédérer un soutien suffisant.
Réforme du système politique Outre les défis immédiats, Joseph Aoun pourrait être confronté à des appels croissants à réformer le système politique confessionnel, largement critiqué pour sa corruption et son inefficacité. Toutefois, ces réformes risquent de se heurter à une forte opposition des élites traditionnelles.
Un leadership consensuel La clé du succès de Joseph Aoun résidera dans sa capacité à transcender les clivages partisans et à rassembler les Libanais autour d’un projet national. Sa posture apolitique et son expérience militaire pourraient l’aider à apparaître comme une figure unificatrice, mais cela nécessitera une stratégie habile et des concessions importantes.