Lettre ouverte N°2 à Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, Gebran Bassil,

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J’ai suivi de loin, via les réseaux sociaux et les journaux, votre forum réunissant plus de 500 libanais de la diaspora. C’est une première … Une nouveauté à laquelle il faudra s’y habituer car vous avez décidé de nous faire réagir ! La balle est dans notre camps, c’est à nous aussi, libanais de la diaspora d’y répondre par la positive. J’espère de mes compatriotes présents à votre colloque, puissent diffuser à leur tour, dans leur pays d’accueil, un par un, les échos de cette conférence, nouvelle en son genre.

Vous avez inauguré la maison de l’émigré en compagnie de plus de 150 émigrés et invité ces libanais à planter, un cèdre…Ce cèdre emblème de notre pays témoin de nos racines profondes et notre attachement.

Je ne peux que me réjouir publiquement de vos messages d’union que vous nous envoyez et rappeler qu’un Cèdre du Liban a été planté le 26 mars dernier, à Rabat, au nom de l’Union Libanaise Culturelle Mondiale, Maroc-Afrique du  Nord, en guise d’amitié entre les peuples, sur le parvis de la Bibliothèque Nationale Royale, et ce grâce à votre intervention personnelle [vous avez répondu à mon appel me facilitant ainsi les démarches] et celle des diplomates de l’Ambassade du Liban au Maroc, à Rabat, je leur dis ici toute ma reconnaissance, sans eux, et sans la collaboration de MM Lahoud, Mohanna, Saadé et Haddad, ce projet n’aurait pas pu aboutir. Un cèdre riche en symboles à l’image de ces libanais qui plantent leurs racines à travers frontières, dans le monde entier. Ce cèdre attendra votre visite à Rabat !

Vous êtes le Ministre de la différence qui bannit l’indifférence à l’égard de ses compatriotes émigrés. Vos mots raisonnent et vos discours ne laissent pas insensibles tous ceux qui croient encore et qui osent rêver le Liban autrement. Vous êtes le Ministre du rassemblement à travers frontières et cela va tout droit au cœur de ceux qui veulent le dialogue sans tenir compte des barrières qui opposent les libanais entre eux. Vous êtes ce Ministre qui veut calmer la douleur et apaiser la frustration de l’émigré renié… Espérons !

Vos paroles certes nous font du bien… Elles ont le mérite d’être pensées et dites… et nous serons là à vos côtés pour les diffuser tel un écho qui raisonne à travers les distances… Avec volonté et audace, nous serons capables d’aller au delà de ces clivages politiques qui jusque là ont nui à toute pensée positive… Mais il faudra des garanties ! Des garanties qui confirment vos messages en dehors des clivages habituelles qui ont saccagé le pays. Des garanties neutres, qui rappellent que vous êtes le Ministre des Libanais de la diaspora et non pas le ministre d’un parti… Ceci ne niera pas votre formation politique ni votre appartenance idéologique, mais permettra à tous les libanais ouverts et sensibles à vos discours de s’identifier à vos messages sans se heurter aux limites imposées par tel ou tel parti… Hélas, la réalité est ce qu’elle est, le Liban se trouve déchiré et plusieurs de mes compatriotes ont choisi la neutralité civile, comme seule issue pour la paix et la réconciliation. L’heure est à l’union et au rassemblement, vous êtes le Ministre de la diaspora libanaise dans le monde.

En tant que Ministre des affaires étrangères vous représentez la loi, l’autorité, le respect, et encore à jamais le rêve d’un pays uni à travers frontières L’émigré qui est au cœur de votre politique est cet être qui a su pratiquer l’adaptation en terre étrangère, accepter la parole de l’autre sans le faire taire… C’est cet être qui a pesé le pour et le contre, cet être à double identité et qui peut encore raisonner en libanais… Une source, une énergie qui se met à votre disposition, même pour ceux qui n’ont pas pu répondre à votre séminaire de ces derniers jours…

Votre appel à la diaspora traverse les frontières et en aucun cas nous pourront rester indifférents. Parmi ces émigrés, il y a ceux qu’on pourrait appeler « les émigrés du corps » et « les émigrés du corps et de l’esprit ». La différence entre eux est claire, ceux qui continuent à penser le pays tout en étant loin et ceux qui ont classé leur souvenir dans leur archives fuyant un passé douloureux et faisant semblant d’oublier… Tout un programme à mettre en place afin que le libanais émigré puisse se trouver dans vos messages et réveiller en lui ses attaches au pays…

Etre un ministre au pays du Cèdre, est un dur exercice pour ceux, comme vous qui croient à l’essentiel… Etre le ministre des affaires étrangères au pays du Cèdre, c’est se doter d’une mission sacrée… Aller à la quête de ce trésor longtemps oublié… Ces libanais d’origine qui ont su bâtir et qui ont su réussir… Ces libanais éloignés des clivages politiques mais qui dans leurs cœurs portent toujours leurs racines et le rêve du retour…

Entre l’émigré lointain ignoré et l’émigré oublié dénigré, il y a vos paroles, vos mots qui soignent, qui soulagent et qui font espérer qu’un jour le Liban changera… Oui il faut le croire, y CROIRE pour dépasser ces clivages qui tant d’années durant nous ont brisé le dos, effrayé nos relations entre nous libanais. Tant de clivages qui ont privilégié l’esprit mercantile à la place de l’intérêt social. Combien de ressources utiles au pays ont été écartées, sacrifiées, saccagées ? Nous devons nous armer de cette volonté pour accepter l’autre en dépit du passé de chacun… Il appartient à tout être de choisir une ligne idéologique, certes. Mais il appartient à tout être, conscient du mal profond que le pays endure, de trouver les mots qui apaisent et les projets qui sauvent…

Cher Ministre de la Diaspora, vos mots et vos paroles, conjugués à des actes, feront la différence…

Tous les libanais ne viendront pas au Liban pour vous apprécier ou pour vous entendre prononcer ces mots d’apaisement à travers frontières… Tous les libanais de la diaspora ne recevront pas les honneurs ni les médailles, ni la moindre reconnaissance, car plusieurs ont réussi mais n’ont pas été médiatisé… C’est à vous de trouver les gestes et les mots qui rassemblent, c’est à vous seul, Ministre des affaires étrangères, Ministre de la diaspora libanaise à travers frontières, qu’appartient cette lourde tâche…

La reconnaissance est une mission qui apaise les blessures… Et votre déplacement auprès de ces libanais gravera vos messages dans la mémoire de ces émigrés.

La culture étant comme le soleil qui traverse les frontières sans que les franc-tireurs puissent l’abattre… C’est le seul domaine qui peut encore renouer les libanais entre eux…

Souhaitant maintenir le culturel hors atteinte et clivage, je laisse aux autres leur divergence. Je reste à votre disposition, répondant à tout appel s’adressant à la diaspora libanaise dans le monde, car il est temps de vous soutenir. Miser sur le culturel à travers frontières c’est répondre aussi à la crise interne du pays. La culture c’est ce qui reste dans la mémoire des émigrés, la conscience collective de la continuité historique de nos racines, notre mode de penser et de vivre.

Je reste convaincue que l’avenir appartiendra à la non-violence, à la conciliation de nos divergences… C’est par cette voie que le libanais devra franchir sa prochaine étape dans la consolidation de ses origines.

Jinane Chaker-Sultani Milelli

Rabat, le 01/06/2014

Jinane Chaker Sultani Milelli
Jinane Chaker-Sultani Milelli est une éditrice et auteur franco-libanaise. Née à Beyrouth, Jinane Chaker-Sultani Milelli a fait ses études supérieures en France. Sociologue de formation [pédagogie et sciences de l’éducation] et titulaire d’un doctorat PHD [janvier 1990], en Anthropologie, Ethnologie politique et Sciences des Religions, elle s’oriente vers le management stratégique des ressources humaines [diplôme d’ingénieur et doctorat 3e cycle en 1994] puis s’affirme dans la méthodologie de prise de décision en management par construction de projet [1998].

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