Le juge d’investigation en charge de l’enquĂȘte portant sur l’explosion du port de Beyrouth c’est adressĂ© Ă  ses confrĂšres georgiens, Mozambicains, grecs, Chypriotes et turcs afin d’ obtenir plus d’informations concernant la cargaison de nitrate d’ammonium.

Et souhaiterais ainsi dĂ©terminer les circonstances exactes de l’arrivĂ©e de cette marchandise, indique une dĂ©pĂȘche de l’agence nationale d’information. Le juge est Ă©galement dans l’attente d’un rapport d’experts français et Ă  parallĂšlement examinĂ© les demandes de libĂ©ration de certaines personnes actuellement dĂ©tenues dans le cadre de l’enquĂȘte en cours.

L’explosion du port de Beyrouth

La piste d’une explosion accidentelle, le 4 aoĂ»t 2020, de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium Ă  l’intĂ©rieur d’un entrepĂŽt du port de Beyrouth, saisies en 2014 Ă  bord d’un navire poubelle, le Rhosus battant pavillon moldave, est pour le moment privilĂ©giĂ©e par les autoritĂ©s libanaises. Cette explosion Ă©quivaudrait Ă  celle de 600 tonnes de TNT ou encore Ă  un tremblement de terre de 3.3 sur l’Ă©chelle de Richter.
Elle aurait ainsi causĂ© un cratĂšre de 110 mĂštres de long sur 43 mĂštres de profondeur, indique, le dimanche 9 aoĂ»t, une source sĂ©curitaire citant les propos d’experts français prĂ©sents sur place.

S’exprimant dans les colonnes du Washington Post dans son Ă©dition du 7 septembre 2020, le Procureur de la RĂ©publique, le juge Ghassan olOweidat, a rĂ©vĂ©lĂ© qu’outre les 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, du kĂ©rosĂšne, du gazoil, 25 tonnes de feux d’artifices et dĂ©tonateurs Ă  usage pour les mines se trouvaient Ă©galement prĂ©sents dans ce mĂȘme entrepĂŽt.

La prĂ©sence de ces produits aurait ainsi pu entretenir le feu et lui permettre d’atteindre les tempĂ©ratures permettant l’explosion du nitrate d’ammonium, soulignent certains experts.

Le port de Beyrouth, un espace oĂč la corruption Ă©tait gĂ©nĂ©ralisĂ©e

Le refus des autoritĂ©s libanaises Ă  la mise en place d’une enquĂȘte internationale serait liĂ© Ă  la crainte de voir l’ampleur de la corruption touchant la principale porte du Liban et oĂč seraient impliquĂ©s la quasi-totalitĂ© des partis politiques libanais, y compris certains qui rĂ©clament aujourd’hui cette enquĂȘte, notent certaines sources mĂ©diatiques, sous le couvert d’une autoritĂ© temporaire de gestion du port de Beyrouth dont les nominations se faisaient selon des lignes sectaires officiellement.

Mis quasiment en cause en raison de sa proximitĂ© par rapport Ă  l’ancien directeur du port de Beyrouth Hassan Koraytem en place depuis plus de 20 ans, Saad Hariri dĂ©ment aujourd’hui tout lien direct avec ce dernier.

Sur place, les opĂ©rateurs notent que le transit des marchandises donne souvent lieu Ă  un racket. Ainsi, pour pouvoir sortir des marchandises du port de Beyrouth, d’importants dessous de table doivent ĂȘtre frĂ©quemment payĂ©s.

D’autres notent que certaines cargaisons ne sont pas vĂ©rifiĂ©es. Des marchandises sont Ă©galement sous-facturĂ©es afin de ne pas payer les taxes pourtant dĂ»es Ă  un Ă©tat en crise financiĂšre.

L’enquĂȘte sur les responsables impliquĂ©s dans l’explosion

Pour l’heure, 33 personnes seraient actuellement mises en examen. Parmi eux, le directeur du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, ainsi que le directeur des services de la douane libanaise Badri Daher, tous 2 mis en examen par le juge d’instruction Fadi Sawwan, en charge de l’enquĂȘte.

Au total, plusieurs responsables sĂ©curitaires et du port de Beyrouth ont ainsi Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s.

Certaines sources soulignent que les diffĂ©rents partis politiques libanais s’Ă©taient partagĂ©s les revenus du port de Beyrouth , rendant difficile actuellement de connaitre les responsabilitĂ©s de chacun dans cette explosion.

Plusieurs partis politiques, de la majoritĂ© comme de l’opposition, souhaiteraient Ă©galement conclure de maniĂšre rapide l’enquĂȘte Ă©tant impliquĂ©s dans diffĂ©rents trafics qui ont lieu depuis ou vers le port de Beyrouth. Ils souhaiteraient ainsi Ă©viter Ă  ce qu’on puisse dĂ©couvrir le degrĂ© d’implication de chacun et des violations sĂ©curitaires nĂ©cessaires Ă  la poursuite de ses trafics. 

Aussi, des responsables sĂ©curitaires avaient prĂ©venu les autoritĂ©s politiques Ă  plusieurs reprises au cours des derniĂšres annĂ©es, les autoritĂ©s judiciaires n’ont pas dĂ©cidĂ© de la mise en oeuvre des mesures de transfert nĂ©cessaires de la cargaison.

Certaines sources proches du dossier soulignent Ă©galement la responsabilitĂ© de plusieurs administrations dans le port de Beyrouth, d’autant que de hauts responsables Ă©taient informĂ©s du danger posĂ© par le stockage de maniĂšre inadĂ©quate de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium depuis 2014.

Si le rapport du FBI n’a pas pu conclure sur l’origine de l’explosion et Ă©voque une piste Ă  priori accidentelle sur base des informations fournies par les autoritĂ©s libanaises, le Liban reste dans l’attente des rĂ©sultats des enquĂȘtes parallĂšles menĂ©es par la France et la Grande Bretagne.

Le 10 dĂ©cembre, le juge Fadi Sawwan met en examen le premier ministre sortant Hassan Diab, l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil et les anciens ministres des transport Ghazi Zeiter, tous 2 membres du bloc parlementaire du mouvement Amal et Youssef Finianos.

Les 2 anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zoeitar, par ailleurs proches du prĂ©sident de la chambre Nabih Berri, avaient alors refusĂ© de se rendre auprĂšs du juge, estimant jouir d’une immunitĂ© parlementaire. Cependant, cette immunitĂ© a fait l’objet d’une controverse, le barreau de Beyrouth jugeant qu’elle ne peut s’appliquer dans le cadre de cette affaire

Ces derniers obtiennent alors le renvoi du juge en fĂ©vrier 2021, la cour de cassation, saisie par 2 anciens ministres, l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil et l’ancien ministre des transports Ghazi Zoaiter, ayant dĂ©cidĂ© que le magistrat avait motivĂ© sa dĂ©cision alors que son domicile est situĂ© dans le quartier d’Ashrafieh Ă©galement endommagĂ© par l’explosion. Il Ă©tait donc partie prenante dans cette affaire.

Le juge Tarek Bitar a alors Ă©tĂ© nommĂ© dĂšs le 19 fĂ©vrier. Son nom ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© proposĂ© en aoĂ»t dernier dans le cadre de la mĂȘme procĂ©dure. Il avait cependant Ă  l’époque refusĂ© de devenir le juge d’investigation dans le dossier du drame du 4 aoĂ»t dernier, au prĂ©texte d’une charge de travail importante.

DĂ©but juin, le nouveau juge a indiquĂ© que 3 hypothĂšses ont Ă©tĂ© examinĂ©es aprĂšs que les experts français aient rĂ©vĂ©lĂ© le contenu d’un rapport prĂ©liminaire, celle d’une erreur humaine suite Ă  un travail de soudage qui a dĂ©clenchĂ© un incendie, d’un incendie intentionnel ou encore une explosion suite au tir d’une roquette. 

Selon le juge, l’une de ces hypothĂšses serait Ă©cartĂ©e Ă  plus de 80% suite Ă  la rĂ©ception du rapport des experts français qui est finalement parvenu au Liban. 

Restent donc 2 hypothĂšses qui font actuellement l’objet d’études approfondies. Certaines sources indiquent qu’il s’agirait des hypothĂšses d’un incendie volontaire ou accidentel.

DĂ©but juillet, le juge Tarek Bitar demande la levĂ©e de l’immunitĂ© parlementaire d’un certain nombre de responsables dont l’ancien ministre des finances, Ali Hassan Khalil et de l’ancien ministre des travaux public, Ghazi Zeaiter, 2 proches du prĂ©sident de la chambre des dĂ©putĂ©s Nabih Berri ainsi que de l’ancien ministres de l’intĂ©rieur Nouhad Machnouk, tous soupçonnĂ©s d’avoir Ă©tĂ© mis au courant de la prĂ©sence de substances dangereuses. Il a Ă©galement demandĂ© la permission d’interroger un certain nombre d’anciens responsables et de responsables actuels des services de sĂ©curitĂ© dont le directeur de la suretĂ© gĂ©nĂ©rale, le gĂ©nĂ©ral Abbas Ibrahim ou encore de l’ancien commandant de l’armĂ©e libanaise, le gĂ©nĂ©ral Jean Kahwaji.

Ce vendredi 9 juillet, le bureau du parlement et la commission parlementaire de l’administration et de la justice auraient reportĂ© la dĂ©cision concernant la levĂ©e de l’immunitĂ© des parlementaires visĂ©s, demandant plus d’information Ă  ce sujet.

Le mĂȘme jour, le ministre de l’intĂ©rieur Mohammed Fahmi a refusĂ© de permettre l’interrogatoire du gĂ©nĂ©ral Abbas Ibrahim amenant le juge Tarek Bitar Ă  dĂ©poser un recours devant la cour de cassation.

Des le 11 octobre 2021, le juge Tarek Bitar publie un mandat d’arrĂȘt Ă  l’encontre d’Ali Hassan Khalil aprĂšs que celui-ci ne se soit pas produit devant lui. Ce mandat d’arrĂȘt mĂšnera Ă  des manifestations devant le palais de justice, le 14 octobre 2021, et aux fameux incidents de Tayyouneh, les pires incidents Ă  caractĂšre sectaire depuis la fin de la guerre civile entre chrĂ©tiens et chiites. Le mouvement Amal et le Hezbollah, coorganisateur de la manifestation, accuseront alors des snipers des Forces Libanaises d’avoir fait feu sur eux.

Le juge Tarek Bitar écarté?

Le mardi 6 septembre 2022, on apprend que le haut conseil de la magistrature a dĂ©cidĂ© d’Ă©carter le juge d’instruction en charge de l’enquĂȘte portant sur l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium dans l’enceinte du port de Beyrouth, le 4 aoĂ»t 2020 et cela sans trop de vagues.

Coup de thĂ©Ăątre, le 23 janvier 2023, s’appuyant sur une Ă©tude juridique et cela aprĂšs avoir Ă©tĂ© gelĂ©e durant 13 mois, le juge Tarek Bitar dĂ©cide de reprendre les procĂ©dures liĂ©es Ă  son enquĂȘte, mettant en examen, le directeur de la suretĂ© gĂ©nĂ©rale, le gĂ©nĂ©ral Abbas Ibrahim, et son collĂšgue, le directeur de la sĂ©curitĂ© de l’Ă©tat, le gĂ©nĂ©ral Tony Saliba, tous 2 accusĂ©s d’avoir Ă©tĂ© informĂ©s de la prĂ©sence du nitrate d’ammonium.
ParallĂšlement, le parquet indique ne pas ĂȘtre tenu d’appliquer les dĂ©cisions du juge Bitar, estimant donc ne pas pouvoir incarcĂ©rer de nouvelles personnes ou encore libĂ©rer des personnes dĂ©tenus au stade actuel.

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