Une déclaration tournée vers l’avenir économique du pays
Le président libanais Joseph Aoun a affirmé mercredi 7 mai 2025 que « les circonstances difficiles traversées par le Liban appartiennent désormais au passé », lors d’une rencontre officielle au palais présidentiel de Baabda avec le directeur du Fonds arabe pour le développement économique et social, Badr Mohammed Al-Saad. Cet échange marque un moment stratégique dans la trajectoire économique du pays, engagé dans une série de réformes structurelles après des années de crise financière, monétaire et institutionnelle.
Affichant un ton résolument optimiste, le président a déclaré : « Nous attendons les jours à venir avec beaucoup d’optimisme », soulignant sa volonté de relancer la dynamique de développement par la coopération régionale et la mise en œuvre de projets financés dans le cadre de partenariats structurants.
Le Fonds arabe : un levier historique pour le développement libanais
Le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES), basé au Koweït, est une institution financière régionale créée en 1968 dans le cadre de la Ligue arabe. Il a pour mission de soutenir le développement des pays arabes à travers des prêts concessionnels, des dons techniques, des aides à la planification et au financement d’infrastructures essentielles.
Le Liban a longtemps été l’un des bénéficiaires historiques de ces mécanismes. Entre 1975 et 2019, le FADES a participé au financement de plus de 30 projets sur le territoire libanais, dans les secteurs de l’électricité, de l’eau, du transport routier et de l’éducation, pour un montant total supérieur à 850 millions de dollars, selon les données consolidées du fonds.
Une reprise de coopération après plusieurs années d’interruption
Selon Badr Mohammed Al-Saad, l’objet principal de sa visite à Beyrouth est de « réactiver le travail de développement financé par le Fonds, après une interruption de plusieurs années ». Il a également affirmé que le FADES restait « engagé à exécuter les prêts déjà accordés au Liban », tout en examinant la possibilité de nouvelles lignes de financement en fonction de la stabilité des projets proposés.
Cette relance des mécanismes de coopération intervient dans un contexte particulier : depuis 2019, la crise bancaire, la dépréciation massive de la livre libanaise, l’effondrement de l’administration publique et la méfiance des bailleurs avaient conduit à une quasi-paralysie de la coopération multilatérale. Le Liban, classé parmi les États les plus fragiles par la Banque mondiale en 2022 et 2023, avait vu nombre de ses projets suspendus ou annulés.
Une relance conditionnée à la mise en œuvre des réformes
Joseph Aoun a affirmé sa volonté de rebâtir l’État sur de nouvelles bases, en misant notamment sur la « bonne gouvernance » et l’adoption de réformes économiques et financières majeures. Ces principes sont également ceux exigés par les bailleurs, y compris arabes, pour reprendre la coopération avec le Liban.
Parmi les axes prioritaires évoqués : la restructuration du secteur public, la réforme du système fiscal, la relance du secteur bancaire dans le respect des standards internationaux, et la transparence dans l’allocation des fonds d’investissement. Le président a insisté sur la nécessité de « fournir les facilités nécessaires pour permettre l’exécution des projets financés ».
Projets prioritaires : infrastructure, énergie, transport
Si aucun projet spécifique n’a été annoncé officiellement lors de cette réunion, plusieurs dossiers en attente pourraient être remis sur la table dans les mois à venir. Parmi eux :
- La réhabilitation du réseau d’eau potable dans le Sud et dans certaines zones de la Békaa
- La modernisation de routes intergouvernorales, notamment entre Saïda et Nabatiyé
- Le renforcement de la production électrique à travers des unités solaires pilotes
- Le financement d’écoles publiques dans les zones rurales, via des prêts bonifiés
Le FADES avait également étudié en 2018 un projet de financement de 100 millions USD pour la construction d’un terminal logistique portuaire à Tripoli. Ce dossier pourrait être rouvert en cas de stabilisation du cadre douanier et réglementaire.
Un changement de ton dans la diplomatie économique arabe
La visite de Badr Al-Saad à Baabda est un signal fort adressé par les institutions financières arabes. Longtemps marginalisé dans les circuits du financement régional, le Liban semble vouloir réintégrer un partenariat pragmatique avec les fonds souverains arabes.
Ce virage s’inscrit dans une logique géopolitique de repositionnement : les pays du Golfe cherchent aujourd’hui à renforcer leur influence via des outils de développement économique, à condition que les pays partenaires offrent les garanties nécessaires en matière de gestion et de résultats.
Le FADES a récemment conclu des accords renforcés avec l’Égypte, la Jordanie, la Mauritanie et l’Irak, sur des bases contractuelles strictes. L’intégration du Liban dans cette logique implique une adaptation de ses pratiques institutionnelles.
Chiffres clés du financement arabe au Liban (2000–2019)
Secteur | Nombre de projets | Financement total estimé |
---|---|---|
Eau et assainissement | 11 | 215 M USD |
Transport | 8 | 190 M USD |
Énergie | 5 | 140 M USD |
Éducation et santé | 4 | 95 M USD |
Projets multisectoriels | 6 | 230 M USD |
Total | 34 | 870 M USD |
Source : Arab Fund Annual Reports, 2000–2019
Un cadre institutionnel à refonder
La réussite de cette relance dépendra largement de la capacité de l’État libanais à reformer ses institutions exécutives et financières. Le Haut Conseil pour la privatisation, l’Office des grands projets, le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et les directions ministérielles devront adopter de nouveaux mécanismes de transparence, d’évaluation et de traçabilité des fonds.
Le président Aoun a insisté sur ce point : « La gouvernance, ce n’est pas un slogan. C’est une méthode. Elle doit guider tous les acteurs de l’administration et de l’économie. » Un message fort destiné à rassurer les partenaires arabes et à convaincre les opinions publiques libanaises du sérieux de la démarche.
L’appui des autres institutions arabes reste en suspens
Si la reprise des relations avec le FADES constitue un signal positif, d’autres institutions clés n’ont pas encore annoncé leur retour au Liban. Parmi elles, la Banque islamique de développement, la Société financière arabe pour l’investissement et le développement agricole, et la Banque arabe pour la coopération économique en Afrique, dont plusieurs projets sont en suspens depuis 2020.
Un rapprochement multilatéral est toutefois envisageable si le Liban parvient à démontrer des résultats tangibles au cours de l’année 2025. La réunion du Conseil des gouverneurs de la Ligue arabe prévue en septembre à Amman pourrait offrir une tribune à cet effet.