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Liban: quelles solutions légales pour récupérer l’argent détourné des banques ?

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Un système bancaire au cœur de la corruption et de l’effondrement économique

Le Liban traverse l’une des crises financières les plus graves de son histoire, et le rôle des banques libanaises dans l’effondrement du pays est aujourd’hui au centre de toutes les accusations. Pendant des décennies, le système bancaire libanais était présenté comme un modèle de stabilité financière, attirant des dépôts du monde entier grâce à des taux d’intérêt élevés et à un secret bancaire quasi absolu. Mais cette façade a masqué une gestion opaque, des pratiques frauduleuses et une collusion étroite entre les banques et les élites politiques, menant à une catastrophe financière sans précédent.

Lorsque la crise a éclaté en 2019, révélant l’insolvabilité des banques et l’évaporation de milliards de dollars de dépôts, les citoyens libanais se sont retrouvés dans l’impossibilité de retirer leur propre argent, tandis que des responsables politiques et de riches actionnaires de banques transféraient discrètement leurs fonds vers l’étrangerAd Diyar (15 février 2025) rapporte que plusieurs grandes banques, dont Bank Audi, Blom Bank, Fransabank et SGBL, ont facilité des transferts massifs vers des comptes en Suisse, en France et aux Émirats arabes unis, alors même que les restrictions sur les retraits et les transferts étaient imposées aux citoyens lambda.

La Banque du Liban, sous la direction de Riad Salamé, a également joué un rôle central dans ce système de corruption. Accusé de blanchiment d’argent, d’abus de pouvoir et d’enrichissement illicite, Salamé est aujourd’hui visé par plusieurs enquêtes internationales, notamment en France et en Suisse. Al Sharq Al Awsat (15 février 2025) souligne que plus de 300 millions de dollars ont été transférés à l’étranger sous son autorité, via des sociétés écrans et des circuits financiers complexes.

Face à ces révélations, la question principale reste la suivante : quelles solutions légales existent pour récupérer ces fonds volés et les restituer aux Libanais ? Si plusieurs pays ont déjà gelé certains avoirs, l’absence de coopération des autorités libanaises complique les efforts visant à ramener cet argent dans le pays.

Les mécanismes légaux pour récupérer les fonds détournés

La récupération des fonds détournés par les élites politiques et bancaires libanaises repose sur plusieurs mécanismes juridiques internationaux qui ont déjà été utilisés dans d’autres pays confrontés à des affaires similaires. Ces outils incluent les procédures judiciaires engagées dans les pays où l’argent a été transféré, la coopération avec les autorités étrangères, ainsi que les initiatives de restitution des avoirs illicites menées sous l’égide des Nations unies et d’organisations financières internationales.

L’une des premières mesures prises par la France, la Suisse et le Royaume-Uni a été le gel des comptes bancaires suspectés de contenir de l’argent détourné. Selon Al Quds (15 février 2025), les autorités françaises ont bloqué plusieurs propriétés appartenant à des responsables libanais, notamment à Paris et sur la Côte d’Azur, qui auraient été achetées avec des fonds publics libanais détournés. En Suisse, des comptes bancaires liés à Riad Salamé et à d’autres banquiers et actionnaires libanais sont désormais sous surveillance, empêchant tout retrait ou transfert jusqu’à la fin des enquêtes.

Un autre mécanisme essentiel est le recours aux lois de confiscation des biens mal acquis. Ces législations, déjà utilisées contre des dictateurs africains et des oligarques russes, permettent de saisir les actifs accumulés illégalementet de les restituer aux États concernés. Ad Diyar (15 février 2025) indique que plusieurs avocats spécialisés en droit international travaillent actuellement sur des procédures permettant de transférer ces fonds bloqués vers un fonds de compensation en faveur du peuple libanais. Toutefois, la mise en œuvre de ces mesures dépend de la coopération du gouvernement libanais, qui jusqu’à présent refuse de faciliter ces démarches par crainte d’un précédent judiciaire pouvant compromettre d’autres figures politiques influentes.

L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ainsi que la Banque mondiale disposent également de programmes spécialisés dans la restitution des avoirs détournésAl Sharq Al Awsat (15 février 2025)mentionne que des discussions sont en cours entre ces institutions et plusieurs pays européens pour mettre en place un mécanisme permettant de rapatrier l’argent volé vers un fonds de développement spécifique pour le Liban. Toutefois, cette option se heurte encore aux résistances des autorités libanaises, qui ne veulent pas voir des fonds revenir sous supervision étrangère.

La récupération des fonds passe également par des accords bilatéraux entre le Liban et les pays où ces fonds ont été transférés. Les lois anti-blanchiment adoptées par la Suisse, la France et les États-Unis permettent d’enquêter sur l’origine des transactions suspectes et d’imposer des mesures de restitution en cas de preuve de détournement. Al 3arabi Al Jadid (15 février 2025) rapporte que certaines juridictions suisses sont déjà en train d’étudier des dossiers de restitution des avoirs appartenant à des responsables libanais.

Toutefois, le principal obstacle demeure l’inertie du système judiciaire libanaisLes tribunaux locaux ne disposent ni des ressources ni de la volonté politique pour engager des poursuites contre les élites impliquées, et toute demande officielle de restitution doit passer par des institutions libanaises corrompues ou inefficacesAl Quds (15 février 2025) souligne que tant que le gouvernement ne prendra pas d’initiatives pour engager des réformes judiciaires et bancaires, il sera difficile d’accélérer ces procédures.

Face à ces difficultés, certains experts suggèrent de contourner les institutions libanaises en créant un fonds international supervisé par des agences indépendantes, qui redistribuerait ces sommes sous forme de projets d’infrastructure ou d’aide humanitaire pour la population. Ad Diyar (15 février 2025) rapporte que plusieurs diplomates européens étudient cette possibilité, bien que les obstacles légaux restent nombreux.

Les obstacles politiques et judiciaires à la récupération des fonds

Si les mécanismes légaux existent pour récupérer les milliards de dollars détournés par les élites politiques et bancaires libanaises, les obstacles restent nombreux et complexes, en grande partie en raison du blocage systématique organisé par les responsables libanais eux-mêmes. Les banques privées, la Banque du Liban et l’appareil judiciaire local sont directement impliqués dans la protection des auteurs de ces détournements, rendant toute coopération avec la justice internationale quasi impossible.

L’un des principaux freins à la restitution des fonds détournés est le secret bancaire encore partiellement en vigueur au Liban, malgré les pressions internationales pour son abolition. Al Sharq Al Awsat (15 février 2025) souligne que plusieurs banques libanaises, dont Bank Audi, Blom Bank, Fransabank et SGBL, refusent toujours de fournir des informations sur les transactions suspectes effectuées par des politiciens et leurs proches avant et pendant la crise économique. Certaines de ces banques auraient modifié ou détruit des documents comptables afin d’éviter toute enquête approfondie sur les sorties massives de capitaux entre 2018 et 2020.

Le Conseil supérieur de la magistrature, censé garantir l’indépendance de la justice libanaise, est lui aussi soumis à des interférences politiques directesAd Diyar (15 février 2025) rapporte que plusieurs juges ayant tenté d’enquêter sur des dossiers financiers impliquant des personnalités influentes ont été soit récusés, soit menacés, soit déplacés sur d’autres affaires. C’est notamment le cas de Fadi Sawan et Tarek Bitar, juges en charge de dossiers sensibles, qui ont été éjectés de leurs fonctions après avoir cherché à convoquer des responsables de premier plan.

Le cas de Riad Salamé est une illustration flagrante de cette obstruction judiciaire. Malgré les mandats d’arrêt internationaux émis contre lui par la France et l’Allemagne, il n’a jamais été arrêté au Liban, bénéficiant d’une protection politique et sécuritaire. Selon Al Quds (15 février 2025), les autorités libanaises ont même retardé la transmission de documents bancaires aux enquêteurs européens, compliquant ainsi l’avancée des procédures contre lui.

D’autres figures politiques impliquées dans des affaires de corruption, comme Gebran Bassil et Najib Mikati, continuent d’utiliser leur influence pour bloquer toute enquête localeAl 3arabi Al Jadid (15 février 2025) indique que des avocats mandatés par ces personnalités ont intenté des recours contre les sanctions américaines et européennes, cherchant à remettre en question la légitimité des enquêtes étrangères sur leurs finances.

La situation est d’autant plus compliquée que le Liban refuse toujours de signer des accords de coopération judiciaire avec plusieurs pays européens, ce qui rend l’exécution des mandats d’arrêt internationaux extrêmement difficileAl Sharq Al Awsat (15 février 2025) révèle que plusieurs propositions d’accords bilatéraux, notamment avec la France, la Suisse et les États-Unis, ont été rejetées par le gouvernement libanais, sous prétexte de protéger la souveraineté nationale.

Enfin, l’un des obstacles majeurs à la récupération des fonds détournés est l’absence de volonté politique réelleAucune réforme structurelle du système bancaire ou judiciaire n’a été engagée depuis la crise, et toute initiative visant à instaurer un mécanisme transparent de restitution des avoirs est immédiatement bloquée par les factions politiques qui tirent profit de l’impunité actuelle.

Cette inertie institutionnelle et ce refus de coopération renforcent la méfiance des institutions internationales envers le Liban. Al Quds (15 février 2025) indique que sans un changement profond dans la gestion de ces affaires, le pays risque de voir ses relations financières avec l’étranger encore plus restreintes, ce qui fragiliserait encore davantage son économie.

Face à cette impasse, certains analystes estiment que la seule solution pour forcer le Liban à coopérer serait d’imposer des sanctions encore plus sévères, non seulement contre des individus, mais aussi contre les institutions bancaires qui protègent ces fonds volés. Toutefois, cette approche risquerait d’aggraver la crise sociale, en rendant les transactions financières encore plus compliquées pour les citoyens ordinaires.

Dans ce contexte, la récupération des milliards de dollars volés par les élites libanaises reste un défi majeur, tant que les banques et le gouvernement continueront de faire obstruction aux procédures judiciaires internationales.

Perspectives et solutions possibles pour contourner les blocages et récupérer les fonds

Face à l’inaction des autorités libanaises et aux multiples blocages institutionnels, plusieurs solutions sont envisagées par les instances internationales, les avocats spécialisés en crimes financiers et les organisations de lutte contre la corruption pour récupérer les fonds détournés et les restituer au peuple libanais. L’objectif est d’exercer une pression croissante sur les responsables impliqués tout en mettant en place des mécanismes de restitution indépendants des autorités libanaises corrompues.

L’une des premières pistes est l’activation du mécanisme de confiscation des biens mal acquis déjà utilisé contre des dictateurs africains et des oligarques russes. Al Sharq Al Awsat (15 février 2025) rapporte que la France, la Suisse et l’Union européenne travaillent actuellement sur une liste de responsables libanais dont les biens immobiliers et comptes bancaires pourraient être définitivement saisis. Cette mesure pourrait concerner des figures politiques comme Gebran Bassil et Najib Mikati, ainsi que des actionnaires de grandes banques impliquées dans le transfert illégal de capitaux.

Une autre approche serait d’intégrer le Liban à un programme de restitution des avoirs sous supervision internationale, sans passer par les institutions locales. Ad Diyar (15 février 2025) indique que des discussions sont en cours pour créer un fonds de compensation géré par des organismes internationaux comme la Banque mondiale ou le FMI, destiné à redistribuer ces fonds sous forme de projets d’infrastructure et de développementpour les Libanais. Cette méthode permettrait d’éviter que l’argent récupéré ne soit de nouveau détourné par les élites libanaises.

L’augmentation des sanctions ciblées contre les banques libanaises refusant de coopérer est également une piste envisagée. Al 3arabi Al Jadid (15 février 2025) souligne que certaines banques européennes et américaines ont déjà limité leurs relations avec les banques libanaises suspectées d’avoir facilité des transferts frauduleux, mais une interdiction totale d’accès aux transactions en dollars et en euros pourrait contraindre les banques concernées à livrer des informations cruciales sur ces transactions illicites.

L’activation de mandats d’arrêt internationaux représente une autre solution radicale. Al Quds (15 février 2025)révèle que la justice française et suisse envisagent d’émettre de nouvelles convocations officielles contre des figures libanaises et, en cas de non-coopération, de lancer des procédures d’extradition. Cela pourrait pousser certains responsables à négocier leur collaboration en échange d’une réduction de leurs sanctions.

Enfin, certains analystes suggèrent que la pression populaire au Liban pourrait jouer un rôle déterminant dans le succès des procédures de récupération des fonds volés. Si de nouvelles révélations émergent sur l’ampleur des détournements de fonds et l’identité des responsablesune révolte sociale similaire à celle de 2019 pourrait forcer le gouvernement à coopérer sous la pression de la rue. Al Sharq Al Awsat (15 février 2025) mentionne que les Libanais, frustrés par l’impunité des élites, commencent à exiger des comptes et réclament la mise en place d’un système judiciaire indépendant capable de traiter ces affaires.

En conclusion, la récupération des fonds détournés au Liban est possible, mais elle repose sur une intensification des sanctions internationales, une coopération renforcée entre les pays enquêteurs et la mise en place de mécanismes indépendants de restitution. Tant que les autorités libanaises refuseront de coopérer, ces efforts risquent d’être ralentis, mais l’ampleur des enquêtes en cours et la pression croissante de la communauté internationale pourraient, à terme, obliger Beyrouth à céder du terrain.

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