Une transition à la tête de la Banque centrale
Le 4 avril 2025, la Banque du Liban (BDL) a officialisé la passation de pouvoir entre le gouverneur par intérim Wassim Mansouri et son successeur, Karim Souaid, lors d’une cérémonie au siège de la banque centrale à Beyrouth. Cette transition intervient alors que le secteur bancaire libanais traverse une crise majeure débutée en 2019, marquée par l’effondrement de la livre libanaise, le gel des dépôts des épargnants et une perte de confiance généralisée dans le système financier.
Contexte actuel : un secteur bancaire en difficulté
Depuis 2019, le système bancaire libanais est en crise profonde. La livre libanaise a perdu plus de 95 % de sa valeur face au dollar, et les dépôts des épargnants, estimés à plus de 90 milliards de dollars, restent largement inaccessibles. Les banques commerciales, autrefois piliers de l’économie, sont incapables de répondre aux besoins des citoyens. Cette situation, qualifiée par la Banque mondiale comme l’une des pires dépressions économiques modernes, a été aggravée par des années de mauvaise gestion et l’absence de réformes structurelles. L’ancien gouverneur Riad Salamé, en poste jusqu’en 2023, fait l’objet d’accusations de malversations et de sanctions internationales.
Le bilan de Wassim Mansouri
Wassim Mansouri, gouverneur par intérim depuis juillet 2023, a pris la parole lors de la cérémonie pour présenter les mesures mises en œuvre sous son mandat. Il a déclaré : « Nous avons pris une décision historique d’arrêter le financement de l’État basé sur la loi sur la monnaie et le crédit, et le seul motif derrière les décisions de la centrale est l’intérêt public. » Il a également annoncé l’arrêt de la plateforme Sayrafa, l’augmentation des réserves en devises étrangères, un inventaire de l’or et le rétablissement des relations avec les banques correspondantes. Mansouri a ajouté : « La Banque du Liban n’a pas cessé de fonctionner pendant la crise, et nous avons nettoyé tout le budget central en annulant tous les effets de l’ingénierie financière. » Il a toutefois reconnu : « Il est inacceptable que le gouverneur de la Banque du Liban n’ait pas de réponse sur le sort des dépôts des déposants, mais la réponse n’est pas seulement avec le gouverneur, mais aussi dans le cadre d’un plan gouvernemental intégré approuvé à la Chambre des représentants. » Enfin, il a félicité Karim Souaid, exprimant sa confiance dans la continuité de la gestion de la BDL.
Les déclarations de Karim Souaid
Karim Souaid, nommé gouverneur par décret le 27 mars 2025, a pris ses fonctions en s’engageant à respecter les dispositions de la Constitution et les lois régissant la BDL. Il a félicité l’équipe de la banque centrale pour avoir assuré la continuité pendant les crises traversées par le Liban. Parmi ses annonces, il a déclaré : « La Banque du Liban se tiendra à partir d’aujourd’hui au poste d’observateur silencieux sans mener d’entretiens et nous communiquerons avec le public par le biais de déclarations écrites et de rapports économiques. » Il a ajouté : « Nous travaillerons à rétablir la confiance dans le secteur bancaire, à créer des incitations et à refinancer la roue économique par le biais du secteur financier et bancaire légitime. »
Souaid a également promis de recapitaliser les banques commerciales pour contribuer au paiement des dépôts, affirmant : « Les dépôts sont protégés et doivent être payés par les banques, la Banque du Liban et l’État responsable dans ce domaine. » Il a appelé les banques à augmenter leur capital progressivement, précisant : « Toute banque qui ne veut pas fusionner avec d’autres banques doit le faire. » Enfin, il a souligné : « La Banque du Liban s’efforcera d’éliminer l’économie illégale en luttant contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. »
Le projet de restructuration bancaire : un cadre légal proposé
Un projet de loi sur la restructuration et la liquidation des banques, daté du 27 mars 2025, a été proposé pour encadrer le secteur bancaire libanais. Ce texte vise à assurer la stabilité du système financier, protéger les fonctions essentielles des banques, garantir un minimum de dépôts et préserver les fonds publics. Il s’applique à toutes les banques libanaises et leurs filiales étrangères.
Le projet crée une autorité indépendante de restructuration, dirigée par le gouverneur de la BDL, ses quatre vice-gouverneurs et trois experts indépendants (juridique, financier, économique). Ces experts doivent avoir au moins 10 ans d’expérience et ne pas détenir plus de 100 000 USD en dépôts ou actions dans les banques concernées. L’autorité peut initier une restructuration ou une liquidation en cas d’insuffisance de fonds propres, de manque de liquidité ou de mauvaise gouvernance.
Les outils de restructuration incluent la conversion des dettes en actions (bail-in), le transfert d’actifs et de passifs à une autre entité, la fusion ou la recapitalisation par l’État ou des investisseurs privés. En cas de liquidation, un liquidateur est nommé dans les 30 jours suivant la radiation de la banque. La hiérarchie des créanciers place les actionnaires ordinaires en bas, suivis des détenteurs d’obligations subordonnées, des créanciers non garantis, puis des déposants garantis. Un « grand actionnaire » est défini comme détenant 5 % ou plus des actions, et un « grand déposant » comme ayant un dépôt supérieur à un montant non précisé dans le texte initial.
La loi prévoit la levée du secret bancaire pour les enquêtes sur l’enrichissement illicite et autorise la saisie des biens personnels des dirigeants fautifs. La Commission de contrôle des banques évalue les défaillances et supervise le processus, tandis qu’un tribunal spécial est créé pour les litiges liés à la liquidation.
Un événement parallèle : transparence au gouvernement
Le même jour, le ministre de la Justice a soumis une déclaration sur son argent à la Commission anti-corruption, marquant un geste en faveur de la transparence dans les institutions publiques.