L’impasse politique au Liban ne se joue pas uniquement sur la scène intérieure. Washington s’est imposé comme un acteur clé dans les négociations autour de la formation du gouvernement, cherchant à exclure toute influence du Hezbollah. Depuis plusieurs mois, l’administration américaine exerce une pression accrue sur les dirigeants libanais, menaçant de sanctions économiques et politiques en cas de participation du parti chiite au futur cabinet. Cette ingérence étrangère dans le processus gouvernemental alimente les tensions et complique davantage les négociations internes.
Une ligne rouge imposée par Washington
Selon Al Sharq Al Awsat (7 février 2025), l’un des principaux facteurs de l’échec des négociations du 6 février réside dans l’exigence américaine d’un gouvernement libanais totalement indépendant du Hezbollah. Un émissaire américain, Morgan Ortagus, était à Beyrouth ces derniers jours pour rencontrer des responsables libanais et leur faire part de la position de Washington. Il aurait affirmé que toute implication du Hezbollah dans le futur cabinet entraînerait un gel des aides économiques et une réduction des relations diplomatiques entre le Liban et les États-Unis.
D’après Alquds (7 février 2025), cette position américaine s’inscrit dans une stratégie plus large visant à limiter l’influence iranienne au Liban. Depuis plusieurs années, Washington tente de contenir l’expansion du Hezbollah et de ses alliés dans les sphères du pouvoir libanais. Cette pression s’est accentuée avec la disparition de Hassan Nasrallah et l’arrivée de Naim Kassem à la tête du parti. L’administration américaine veut empêcher que cette transition se traduise par un renforcement de l’influence iranienne sur la politique libanaise.
Les menaces de sanctions contre des responsables libanais
Les États-Unis ne se contentent pas de poser des conditions à la formation du gouvernement, ils brandissent également la menace de sanctions ciblées contre des personnalités politiques jugées responsables du blocage. Selon Al Joumhouriyat (7 février 2025), Washington envisagerait de restreindre l’accès aux systèmes financiers internationaux pour certains hauts responsables libanais s’ils persistent à permettre l’intégration du Hezbollah dans le gouvernement. Ces sanctions pourraient concerner aussi bien des membres du mouvement Amal que certains proches du Président du Parlement, Nabih Berri.
Al Liwa’ (7 février 2025) rapporte que plusieurs figures politiques libanaises tentent actuellement de négocier avec des interlocuteurs américains pour atténuer ces menaces. Certains cherchent à obtenir des assurances sur la levée des sanctions en échange d’un gouvernement plus conforme aux attentes de Washington. Cependant, la position américaine reste ferme, et toute tentative de compromis semble jusqu’à présent vouée à l’échec.
Un impact direct sur les négociations politiques
La pression américaine a considérablement compliqué la formation du gouvernement libanais. Selon Ad Diyar (7 février 2025), Nawaf Salam, qui bénéficie du soutien occidental, a dû adopter une ligne plus stricte en excluant toute possibilité d’intégrer le Hezbollah dans son cabinet. Cette approche a renforcé l’opposition du tandem Amal-Hezbollah, qui considère qu’il s’agit d’une intervention étrangère inacceptable dans les affaires libanaises.
Al Bina’ (7 février 2025) souligne que cette position a exacerbé les tensions entre Nawaf Salam et Nabih Berri. Ce dernier, connu pour ses relations pragmatiques avec les Occidentaux, se retrouve désormais sous forte pression de Washington pour rompre avec le Hezbollah. Une source proche du président du Parlement indique que Berri refuse de se plier aux diktats américains, affirmant que la stabilité du Liban passe par un équilibre politique entre toutes les composantes du pays.
Les réactions au Liban et à l’international
L’ingérence américaine suscite des réactions contrastées sur la scène libanaise. Selon Al Nahar (7 février 2025), plusieurs personnalités politiques, notamment des figures de l’opposition et de la société civile, soutiennent la position de Washington, estimant que l’exclusion du Hezbollah pourrait permettre au Liban de sortir de son isolement diplomatique et économique. D’autres, en revanche, dénoncent une tentative de prise de contrôle des décisions politiques libanaises par des puissances étrangères.
Au niveau régional, Nida’ Al Watan (7 février 2025) rapporte que l’Iran a réagi vivement aux pressions américaines, affirmant que toute tentative d’écarter le Hezbollah du pouvoir est une attaque contre l’équilibre politique du Liban. Téhéran considère que les exigences de Washington sont une menace pour la stabilité du pays et un acte d’ingérence dans ses affaires internes.
Vers un durcissement de la politique américaine ?
Alors que l’impasse politique perdure, la question d’un renforcement des sanctions américaines reste en suspens. Selon Al Sharq Al Awsat, plusieurs scénarios sont envisagés à Washington, allant d’un durcissement progressif des mesures économiques contre les responsables libanais à un gel total des financements et aides internationalesdestinés au Liban tant qu’un gouvernement « conforme » aux attentes américaines ne sera pas formé.
D’après Alquds, la position de Washington pourrait également être influencée par la situation régionale. Si les tensions entre les États-Unis et l’Iran s’intensifient, le Liban pourrait devenir un nouveau terrain de confrontation indirecteentre les deux puissances, avec des conséquences directes sur l’équilibre politique du pays.
Un avenir politique toujours incertain
La pression américaine sur la formation du gouvernement libanais met en évidence la difficulté pour le pays de maintenir une autonomie décisionnelle face aux ingérences étrangères. Si Washington parvient à imposer ses conditions, le Hezbollah pourrait être contraint à une stratégie de repli, mais un refus d’obtempérer prolongerait l’impasse actuelle. Dans ce contexte, la formation d’un gouvernement stable semble toujours aussi incertaine, et les semaines à venir seront déterminantes pour l’avenir politique et économique du Liban.