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Rafic Hariri et Riad Salamé : une alliance au cœur du modèle financier libanais

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L’histoire économique du Liban au cours des trente dernières années ne peut être dissociée du rôle joué par Rafic Hariri et Riad Salamé, deux figures centrales dans la construction du modèle économique du pays. Rafic Hariri, homme d’affaires devenu Premier ministre, et Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban (BDL) depuis 1993, ont formé un tandem stratégique qui a façonné le système financier libanais.

Leur collaboration a permis de financer les ambitions de modernisation de Hariri, tout en consolidant un modèle bancaire et monétaire qui, bien que prospère à court terme, s’est révélé être une bombe à retardement pour l’économie libanaise. Aujourd’hui encore, la crise économique qui a frappé le Liban en 2019-2020 est directement liée aux choix faits sous leur leadership.

La nomination de Riad Salamé : un choix personnel de Hariri

En 1993, lorsque Hariri devient Premier ministre pour la première fois, l’un de ses premiers actes est de nommer Riad Salamé à la tête de la Banque du Liban. Ancien banquier chez Merrill Lynch, Salamé est un homme de confiance de Hariri, qui voit en lui le garant d’une politique monétaire stable et d’un environnement favorable aux investisseurs étrangers.

Le choix de Salamé s’inscrit dans la vision économique de Hariri, qui repose sur une stabilité monétaire assurée par la Banque centrale et un système bancaire capable d’attirer des capitaux étrangers. La mission de Salamé est claire : maintenir un taux de change fixe entre la livre libanaise et le dollar américain, afin de renforcer la confiance des investisseurs et d’assurer la stabilité financière du pays.

Dès le départ, cette politique monétaire repose sur une stratégie de taux d’intérêt élevés, qui encourage les dépôts en dollars et fait du Liban une destination attractive pour la diaspora et les fonds étrangers. Cette stratégie fonctionne dans un premier temps, mais elle crée une dépendance croissante aux flux financiers extérieurs, rendant l’économie libanaise vulnérable aux chocs externes.

Un modèle économique basé sur l’endettement et la spéculation bancaire

L’un des aspects les plus controversés de l’ère Hariri-Salamé est leur gestion conjointe de la dette publique libanaise. Plutôt que de financer le développement du pays par des réformes structurelles et une augmentation des recettes fiscales, Hariri choisit de s’endetter massivement auprès du secteur bancaire.

Grâce à la politique monétaire de Salamé, les banques libanaises deviennent les principaux créanciers de l’État, attirées par des taux d’intérêt très élevés qui garantissent des profits immédiats. Ce système permet de financer les grands projets de reconstruction de Hariri, mais il repose sur une dynamique insoutenable, où l’État contracte de nouvelles dettes pour rembourser les anciennes.

Ce modèle est souvent décrit comme un schéma de Ponzi à l’échelle nationale, où la stabilité financière dépend de la capacité à attirer toujours plus de dépôts et d’investissements. Tant que la confiance des investisseurs reste intacte, ce système fonctionne. Mais dès que les flux de capitaux se tarissent, l’ensemble du modèle s’effondre, ce qui s’est produit en 2019-2020.

Une collusion entre politique et finance

Au fil des ans, la relation entre Hariri et Salamé devient de plus en plus symbiotique. Hariri a besoin de la Banque du Liban pour financer ses projets et maintenir la stabilité économique, tandis que Salamé bénéficie du soutien politique de Hariri pour conserver son poste et asseoir son autorité sur le système financier.

Cette relation a également permis l’émergence d’un réseau d’intérêts croisés, où les grandes banques libanaises, souvent liées à des familles influentes, ont profité des politiques monétaires de Salamé et des décisions économiques de Hariri. Certains observateurs estiment que ce système a permis un enrichissement massif des élites financières libanaises, au détriment de l’économie réelle.

L’absence de régulation stricte et le manque de transparence dans la gestion des finances publiques ont aggravé la situation. Pendant des années, le gouvernement a continué à accumuler des dettes en sachant que la Banque du Liban garantirait la stabilité monétaire, tandis que Salamé décidait unilatéralement de la politique financière du pays, sans rendre de comptes aux institutions publiques.

L’effondrement du modèle Hariri-Salamé en 2019-2020

Lorsque la crise économique éclate en 2019, le modèle mis en place depuis les années 1990 s’effondre brutalement. La Banque du Liban, qui avait garanti la stabilité financière pendant des décennies, n’a plus suffisamment de réserves en dollars pour soutenir le taux de change fixe. Les banques, qui avaient massivement investi dans la dette publique, se retrouvent incapables de rembourser les déposants, entraînant une panique généralisée et une explosion des prix.

Les conséquences de cette crise sont immédiates :

  • L’effondrement de la livre libanaise, qui perd plus de 90 % de sa valeur.
  • La faillite du secteur bancaire, qui bloque les dépôts des citoyens et provoque une crise de liquidité.
  • Une explosion de la pauvreté et du chômage, aggravée par la pandémie de COVID-19 et l’explosion du port de Beyrouth en 2020.

Les critiques contre Riad Salamé et son rôle dans cette crise se multiplient, mais il parvient à se maintenir en poste jusqu’en 2023, en jouant sur les divisions politiques et en utilisant son réseau d’influence pour éviter d’être tenu responsable du naufrage économique.

Un système hérité de Hariri, mais exploité par d’autres

Si Rafic Hariri a été l’architecte de ce modèle économique, il n’en est pas le seul responsable. Après son assassinat en 2005, les gouvernements successifs ont poursuivi la même politique sans jamais remettre en question ses fondements. La relation entre le pouvoir politique et la Banque du Liban est restée une constante, avec un État toujours plus dépendant des banques et un secteur financier toujours plus puissant.

Certains estiment que Saad Hariri a lui-même contribué à entretenir ce système en maintenant des alliances avec les milieux bancaires et en refusant d’engager des réformes structurelles lorsqu’il était Premier ministre. En ce sens, la crise de 2019-2020 est l’aboutissement d’un modèle qui a été soutenu par plusieurs générations de dirigeants libanais, tous bénéficiant de ce système avant son effondrement.

L’après Salamé et la difficile reconstruction du système financier

Aujourd’hui, le Liban tente toujours de reconstruire son système financier, mais sans véritable plan de relance. Le départ de Riad Salamé en 2023 n’a pas suffi à rétablir la confiance, et les discussions avec le FMI pour un plan d’aide restent bloquées en raison de l’incapacité des élites à accepter les réformes nécessaires.

L’histoire de Hariri et de Salamé est donc celle d’une ambition économique qui s’est transformée en un piège financier, où la quête de stabilité monétaire et de croissance rapide a abouti à l’un des plus grands effondrements économiques du XXIᵉ siècle.

L’héritage de cette époque est toujours visible aujourd’hui, et la question reste entière : le Liban peut-il réellement se débarrasser du système mis en place sous Hariri et Salamé, ou est-il condamné à répéter les mêmes erreurs ?

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