Le dimanche 4 mai 2025, la première phase des élections municipales au Liban a démarré dans le gouvernorat du Mont-Liban. Cette échéance électorale, attendue depuis plusieurs années, s’est déroulée dans un contexte marqué par des tensions politiques modérées, une organisation logistique réussie, mais également une mobilisation électorale inégale selon les régions. Ce scrutin a permis d’esquisser les contours d’un nouveau paysage politique local où partis traditionnels, figures indépendantes et alliances hybrides ont rivalisé sur le terrain municipal.
I. Données de participation : un taux moyen masquant des disparités fortes
Le ministère de l’Intérieur a publié les taux de participation définitifs dans les six cazas du Mont-Liban. Le taux de participation global s’est établi à 44,59 %, ce qui représente 368 270 électeurs sur un total de 825 658 inscrits dans la région.
Taux par caza :
- Koura : 59,40 % (plus fort taux de participation)
- Jbeil : 56,70 %
- Chouf : 44,82 %
- Aley : 41,51 %
- Baabda : 38,29 %
- Metn : 37,91 %
Ces chiffres révèlent une mobilisation plus forte dans les régions rurales ou à dominante communautaire homogène, et une abstention significative dans les zones urbanisées comme Metn ou Baabda.
II. Résultats locaux et principales tendances politiques
Le dépouillement des bulletins a confirmé une distribution hétérogène des gains électoraux, sans qu’un parti ne puisse revendiquer une hégémonie claire à l’échelle du Mont-Liban. Le Courant patriotique libre (CPL), les Forces libanaises (FL), les Kataëb, ainsi que de nombreuses listes indépendantes ont remporté des victoires ponctuelles dans des municipalités symboliques. Le paysage reste caractérisé par la fragmentation, les arrangements locaux, et les coalitions de circonstances.
1. Le retour du Courant patriotique libre (CPL)
Le CPL a réalisé une remontée significative dans plusieurs zones où il avait perdu du terrain lors des cycles précédents. À Mansourieh, il a remporté une victoire symbolique contre une liste soutenue par les FL. À Baabda, Choueifat et Aley, il a formé des alliances tactiques avec des figures locales influentes, lui permettant de retrouver une visibilité politique importante. En tout, le CPL est donné gagnant dans au moins 18 conseils municipaux sur les 52 suivis dans la région.
2. Les Forces libanaises : gains ciblés et maintien de l’influence
Les FL ont concentré leurs efforts sur leurs bastions historiques. À Deir el Qamar, la liste soutenue par le député Georges Adwan a largement remporté le scrutin. Dans le Metn, le parti a appuyé plusieurs coalitions hybrides qui ont obtenu de bons résultats, notamment à Shweir et Dhour El Choueir. En revanche, la dispersion des votes dans des localités disputées comme Jbeil a limité leur expansion.
3. Les Kataëb : alliances locales et percées marginales
Les Kataëb ont poursuivi leur stratégie d’alliances ponctuelles, notamment en coordination avec des indépendants. Leur influence reste concentrée dans des localités chrétiennes, avec une présence affirmée à Jounieh et dans certaines municipalités du Kesrouan.
III. Indépendants et coalitions communautaires : émergence et limites
Le scrutin a également été marqué par la montée en puissance de listes indépendantes dans plusieurs villes, souvent soutenues par des figures locales sans affiliation partisane officielle. Ces listes ont remporté :
- Rmeileh, face à des listes partisanes ;
- Zahlé, où des candidats indépendants ont pu capitaliser sur le rejet des partis traditionnels ;
- Chouala et Naameh, où la fragmentation communautaire a profité à des figures conciliatrices hors partis.
Dans les régions mixtes, les coalitions confessionnelles ont permis de réduire la conflictualité : à Aley, une alliance tactique entre le Parti socialiste progressiste et le Parti démocrate libanais a permis de verrouiller le conseil municipal.
IV. Données partielles de représentation (estimations locales consolidées)
Les chiffres suivants, issus de données communiquées localement et d’estimations croisées, donnent un aperçu de la répartition par affiliations politiques dans les localités du Mont-Liban :
- Courant patriotique libre (CPL) : 127 sièges estimés
- Forces libanaises (FL) : 56 sièges
- Kataëb : 43 sièges
- Listes indépendantes et communautaires : plus de 196 sièges
- Autres formations (y compris alliances CPL/FL/Kataëb avec notables locaux) : estimées à 196 sièges
Ces chiffres confirment une fragmentation accrue : les partis traditionnels ne dominent plus qu’en coalition ou par l’intermédiaire de figures locales.
V. Tendances territoriales et recomposition électorale
1. Baisse du vote partisan dans les zones urbaines
Dans le Metn, Baabda et une partie de Kesrouan, les électeurs ont exprimé une lassitude envers les appareils partisans, privilégiant des profils orientés vers la gestion des services publics locaux (ordures, éclairage, routes). La faiblesse des promesses crédibles sur ces enjeux a entraîné une forte abstention dans certains quartiers périphériques.
2. Consolidation identitaire dans les bastions communautaires
À Harat Hreik, le tandem CPL-Hezbollah a conservé l’ensemble du conseil municipal. À Zahlé et dans certaines zones orthodoxes, les équilibres communautaires ont imposé des listes d’union pour éviter les confrontations internes. Ce retour aux bases identitaires traduit un repli électoral pragmatique dans les zones à forte tension symbolique.
3. Différences de mobilisation selon les enjeux locaux
Dans Jbeil, la forte participation s’explique par la lutte entre deux listes rivales pilotées par des figures politiques nationales et des familles historiques. À Damour, la campagne a été dominée par des enjeux fonciers (accès au littoral, lotissements illégaux), mobilisant fortement les électeurs.