Rêver le Liban par Jinane Chaker-Sultani Milelli

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« Je croirai toujours au rêve libanais ! » dit l’homme, qui a fait graver, sur la pomme de son épée d’académicien, une Marianne et un Cèdre du Liban. Recevant le grand cordon de l’ordre du Cèdre des mains du Président de la République Libanaise en novembre dernier, Amine Maalouf, cet académicien, déclare continuer le rêve libanais.

Rêver le Liban, oui c’est le terme que partagent plusieurs d’entre nous. Continuer à vouloir rêver ce pays. Espérer le retour à la paix, à la vie normale. La paix, un terme si abstrait dans la bouche de plusieurs de libanais. S’agit-il d’un rêve, d’une utopie ou d’une faisabilité ? Je m’interroge souvent sur des choses qui font parties de notre quotidien sans pour autant trouver la réponse ou apporter une solution. Des questions qui m’interpellent et en me les posant, je veille sur ce rêve libanais toujours enfoui en moi.  Pourquoi le Libanais doit-il faire souvent ses preuves pour qu’enfin, les siens lui accordent reconnaissance ? Pourquoi le libanais assoiffé de paix se trouve encore dans l’incapacité de retrouver sa paix intérieure ?

Mon regard au fil des années s’est posé sur les libanais expatriés. Notre culture d’origine et le multiculturel que nous sommes devenus, une fusion de l’un dans l’autre, tels les vases communicants, prendre de l’un et donner à l’autre. Instaurer un équilibre interne et essayer de vivre tout en dépassant le passé et se forgeant le futur. L’élan n’est pas facile et la privation et le désir sont tellement forts l’un et l’autre qu’ils font pousser des ailes à tous ceux qui voudront s’épanouir.

Dure épreuve de déchirement. Une quête d’avenir le forçant à abandonner passé et souvenir. Le passé devient espoir et du souvenir renait le rêve. Le rêve d’un retour, rêve d’un jour meilleur où l’expatrié ou l’émigré rentrera chez lui, au pays… Mais entre le rêve et le retour, le quotidien et sa réalité s’imposent, il faut réussir ! Tel fut le cas de nos prédécesseurs et tel est le cas de plusieurs d’entre nous partageant la double culture, ce mélange bi, des deux qui en font un.

Je me demande lequel des deux doit plus à l’autre ? Tel mon cas la franco-libanaise. Il m’arrive souvent de me demander laquelle en moi doit plus à l’autre ? La libanaise qui doit à la française que je suis devenue ou la française en moi qui doit à la libanaise que j’étais ? Il m’arrive aussi de contempler la société et de m’interroger sur le succès de chacun de nous et de notre rôle envers les autres. Est-ce une fatalité de ne pas s’aimer ou s’entraider entre nous ? Ou bien la faculté d’être exigeant pousserait les libanais à s’imposer des freins d’entraide entre eux ?

Il est vrai aussi que le libanais pour qu’il soit reconnu parmi les siens, devrait déjà parcourir le long chemin de la reconnaissance et de la réussite à travers frontières pour qu’enfin un signe de reconnaissance lui soit accordé du pays… Ce libanais capable de réussir partout dans le monde, porte en lui les clés de la réussite, la ténacité, les exigences, le sens du détail et le goût de la perfection. Cette perfection et cette exigence qu’il s’impose à autrui et à lui-même, ces quelques détails lui permettant de réussir seraient-ils la cause de son éloignement des siens, le pousseraient-il à refuser toute pensée positive émanant des siens et les laissant dans la critique absolue ?  Un rejet des autres de peur qu’ils se trompent ou par manque de crédibilité, craignant sur son image ou le mettant en danger d’imperfection ?

Il est d’une réalité  à reconnaître la double compétence, voire plus, de l’émigré libanais dans son intégration et son adaptation à la société nouvelle, une reconnaissance à la terre d’accueil qui lui ouvre ses portes et une volonté de réussir voulant garder tête haute affirmant haut et fort à son pays adoptif qu’il méritait cette terre d’accueil… Lui l’émigré fébrile quand il s’est posé le premier jour  sur cette nouvelle terre abandonnant derrière lui,  terre natale, famille et souvenirs. Partant souvent d’une douleur interne qu’il couve jusqu’à l’étouffement, devenant le gardien de quelques mots soufflés dans son oreille, le jour des adieux,  par la plus tendre des  femmes, cette mère accusant le coup et acceptant la séparation, dans l’espoir d’un avenir meilleur pour ses enfants… Serait-il cela le secret de la réussite ? Cette volonté de dépasser amèrement ce souvenir de déchirement le guiderait-il  à travers tout obstacle … cette mère qui donne la vie, serait-elle aussi la source de ce courage interne que porte en lui chaque émigré ? S’endurcir, se forger un chemin épineux, le parcours d’un combattant… afin que le mérite du succès soit bien réel…

Il est vrai aussi que pour réussir en tant qu’étranger, il faut être beaucoup plus compétent que le simple citoyen… Ne serait-ce que par les diplômes obtenus. Ce libanais venant d’ailleurs, cet étranger, doit faire preuve d’adaptation au pays, à sa culture afin de conquérir le banc de ses facultés et de ses écoles et être sans cesse à la quête de diplômes et de succès cherchant ainsi la reconnaissance de l’intégration. Réussir aussi sur le marché de l’emploi nécessite le parcours du combattant. Car passer à travers les filets des recruteurs parmi tant d’autres de candidats c’est que notre cher libanais est déjà doté de triple compétence, faisant de lui le candidat unique pour un poste clé… Deux passages obligatoires font de ce libanais expatrié ou émigré un être à compétence multiple faisant le sacrifice et l’effort nécessaires pour y aboutir… Cette même exigence à laquelle il fait face, serait-elle la même qui le rend à l’égard des siens, aussi exigeant et critique, qu’il devient lui-même incapable de tendre la main ou de tolérer la facilité de l’aide pour autrui ? Une exigence si dure, si ancrée que tout autre projet d’un compatriote devient si critique ? Comme si chaque projet devrait être élevé à la perfection afin de mériter une reconnaissance.

Je pense que je ne suis pas la seule à m’interroger sur notre manière d’avancer ensemble vers une entraide plus tolérante, une acceptation de l’autre moins exigeante… Le temps n’ayant  pas réussi encore à couper nos liens avec le Liban » restons alors ce trait d’union tout en tendant la main aux autres…Nos compatriotes ont besoin de nous, chacun à son niveau, chacun de son côté a son rôle à jouer sans pour autant demander la perfection aux autres… Ensemble nous aboutirons, ensemble nous pourrons aussi atteindre la perfection de l’entraide et du secours à l’autre… Mais critiquer sans cesse l’avancée de chacun sans pour autant le soutenir ou être capable de l’encourager fait de nous des égoïstes plutôt que des perfectionnistes… La perfection et l’exigence ne devraient pas être un prétexte ou un frein à l’entraide. Critiquer sans proposer fait de nous des êtres éternellement insatisfaits.

Une prise de conscience s’impose ! Je m’interroge et je vous interroge sur les actes de notre quotidien, parfois il suffit de peu pour pousser une porte … tendre la main ou encourager sont des actes rares de nos jours et pourtant il suffit de peu, il suffit d’y penser… « Je crois qu’on a besoin de plus en plus d’expériences positives en matière d’identité et si le Liban réussit à en donner un exemple, je pense qu’il a un avenir. Enfin, l’idéal libanais aura un avenir. »

Jinane Chaker-Sultani Milelli

11 décembre 2013

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1 COMMENTAIRE

  1. COMME JAIMERAIS ECRIRE CE QUE JE SENS ET PENSE,,,48 anos dimigration au bresil mont fait oublie mon francais ,,,jessaie me faire dire ce que je pense de mon cher liban ,,,,,dizez moi ce que je peus faire pr aider la cause libanaise etant au bresil? Entre temps je prie tjs pr le LIBAN ET LES LIBANAIS. HENRIETTE

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