La Banque du Liban (BDL) a récemment émis une directive obligeant les banques locales à fournir des données détaillées sur les volumes de prêts interbancaires et les remboursements de crédits. Cette mesure vise à évaluer la liquidité du secteur bancaire et à déterminer les moyens d’accélérer le remboursement des dépôts bloqués dans un contexte où les restrictions bancaires imposées depuis 2019 restent en vigueur.
Pourquoi la Banque du Liban exige ces données ?
Le secteur bancaire libanais traverse une crise majeure depuis 2019, avec une perte de confiance des déposants et une réduction drastique de la liquidité bancaire. La directive de la BDL vise à :
- Mesurer la capacité des banques à honorer leurs engagements financiers.
- Évaluer l’état des liquidités dans le marché interbancaire.
- Contrôler la restructuration du secteur bancaire, notamment en ce qui concerne la gestion des prêts non performants (NPLs) et des remboursements des créances.
Le marché interbancaire, qui permet aux banques de se prêter des fonds entre elles pour assurer leur stabilité quotidienne, a été pratiquement gelé depuis l’effondrement du secteur financier. En obtenant des données précises, la BDL espère relancer ce marché, faciliter l’octroi de crédits et améliorer la transparence des flux financiers.
État actuel des prêts interbancaires et des remboursements
Les prêts interbancaires ont chuté de manière spectaculaire depuis 2019, passant de 13,5 milliards de dollars à seulement 2,1 milliards de dollars en 2024.
Année | Volume des prêts interbancaires (Mds $) | Remboursements bancaires (Mds $) |
---|---|---|
2019 | 13,5 | 6,8 |
2020 | 8,2 | 4,3 |
2021 | 5,6 | 3,9 |
2022 | 3,4 | 2,7 |
2023 | 2,6 | 2,1 |
2024 | 2,1 | 1,8 |
Cette chute est le résultat d’un assèchement des liquidités, dû à l’effondrement du système bancaire et à l’instauration des restrictions sur les retraits en devises étrangères.
Quel impact sur les déposants et les remboursements des dépôts ?
L’un des objectifs indirects de cette mesure est d’accélérer le remboursement progressif des dépôts bloqués dans les banques libanaises. Depuis 2019, les déposants ont vu leurs fonds être convertis de force en livres libanaises à des taux très défavorables, alors que les retraits en dollars américains restent limités.
Selon les estimations, environ 86 milliards de dollars de dépôts bancaires restent inaccessibles aux clients. La Banque du Liban et le gouvernement ont évoqué plusieurs scénarios pour permettre la restitution partielle de ces dépôts, notamment :
- L’utilisation des réserves en devises pour rembourser progressivement les montants.
- L’émission d’obligations souveraines garanties par les actifs de l’État.
- Une restructuration bancaire progressive, imposant aux grandes banques de compenser les pertes via des augmentations de capital.
Toutefois, ces options se heurtent à un déficit de confiance et à un climat d’incertitude politique et économique.
Les défis du redressement bancaire
Les banques libanaises font face à plusieurs défis majeurs :
- Un manque de liquidités dû aux pertes colossales accumulées depuis 2019.
- Une défiance totale des déposants qui ont réduit leurs transactions avec le système bancaire formel.
- L’absence de plan de restructuration claire de la part des autorités, malgré les recommandations du Fonds monétaire international (FMI).
Sans une réforme bancaire en profondeur, le Liban risque de voir son secteur bancaire continuer à se contracter, aggravant les difficultés économiques et entravant les investissements étrangers.
Perspectives pour 2025
La directive de la Banque du Liban marque une tentative de reprise du contrôle du secteur bancaire. Toutefois, sans un plan de restructuration clair et une stabilisation politique, la liquidité bancaire pourrait rester insuffisante, retardant toute possibilité de récupération des dépôts des citoyens.