Exportations agroalimentaires : un frein structurel qui s’installe
Le repli de 8,5 % des exportations agroalimentaires au troisième trimestre 2025 illustre une fragilité devenue structurelle. La fermeture intermittente de la frontière syrienne a rompu des routes logistiques utilisées depuis des décennies, allongeant les délais, accroissant les coûts, et provoquant des ruptures d’approvisionnement chez les exportateurs de produits transformés et frais. Les opérateurs expliquent que la volatilité des points de passage décourage la contractualisation à moyen terme, car le respect des délais devient aléatoire. En parallèle, le coût du fret maritime est resté élevé, particulièrement sur les lignes desservant l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord, où la rareté d’espaces conteneurisés et la hausse des surcharges de « compliance » renchérissent chaque palette expédiée. Ces deux facteurs combinés ont comprimé les marges et poussé plusieurs exportateurs à réduire la gamme ou à céder des marchés secondaires pour concentrer les volumes sur leurs clients historiques. Les données publiées dans la presse économique indiquent explicitement cette baisse de 8,5 %, en l’attribuant à la double contrainte « frontière-fermeture/fret-élevé », un diagnostic confirmé par les fédérations sectorielles qui alertent sur le risque de perte durable de parts de marché si les corridors terrestres ne sont pas stabilisés et si les coûts maritimes ne refluent pas dans les prochains mois. Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) met en avant ce recul et en précise les deux causes immédiates, montrant que la compétitivité-prix se dégrade au-delà des effets de change internes.
Demande touristique en repli : le test raté de l’arrière-saison
Après un rebond estival jugé « correct » par les professionnels, les réservations hôtelières pour novembre reculent de 12 % selon les données du syndicat des hôteliers relayées dans la presse. Ce replis’ explique par trois signaux convergents. D’abord, l’incertitude sécuritaire régionale, qui pèse sur les décisions de dernier moment des clientèles de proximité. Ensuite, l’augmentation des coûts d’exploitation hôtelière (énergie, maintenance, fournitures importées), répercutée partiellement sur les prix et réduisant l’attrait des courts séjours. Enfin, le tassement de la demande MICE (Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions), encore en deçà des niveaux pré-crise, ce qui prive les hôtels et les traiteurs de volumes « amortisseurs ». Les opérateurs notent aussi que le tarif aérien demeure élevé, notamment sur les hubs régionaux, ce qui renchérit le panier global week-end + vol. Les sources sectorielles soulignent que la clientèle expatriée, traditionnellement présente à l’automne, étale ses venues et privilégie des séjours plus courts. Al Liwa’ (28/10/2025) rapporte la baisse de 12 % et rappelle que le syndicat anticipe un pic de réservations concentré sur les fêtes de fin d’année, sans garantir cependant un rattrapage intégral des pertes d’arrière-saison.
Industrie : le goulot de l’importation des intrants
Le secteur industriel demeure pris au piège des intrants importés. Plusieurs usines de la Békaa et du Metn ont mis leurs chaînes à l’arrêt, faute d’accès fiable aux matières premières. Les banques correspondantes imposent, à l’étranger, des exigences de conformité plus lourdes sur les transferts destinés aux achats d’intrants, surtout lorsqu’ils proviennent de juridictions classées à risque, ce qui retarde l’ouverture de crédits documentaires, multiplie les demandes de justificatifs, et augmente les coûts bancaires. Les usines qui travaillent en flux tendu subissent immédiatement la rupture : une commande manquée suffit à désorganiser la planification, à faire perdre un client, puis à déclencher un cercle vicieux de sous-utilisation des capacités. Al Bina’ (28/10/2025) décrit ce blocage et évoque des arrêts d’activité clairement attribués aux filtres RBC/AML des banques correspondantes, qui exigent des dossiers « irréprochables » pour des volumes pourtant modestes, alors même que les industriels locaux n’ont pas toujours les équipes de conformité internes adaptées à ce niveau de granularité documentaire.
Le maillon faible : la compliance opérationnelle des PME
Au-delà des textes, le point de rupture se situe dans la capacité opérationnelle des petites et moyennes entreprises à monter des dossiers conformes. Beaucoup fonctionnent avec une comptabilité externalisée et des services administratifs réduits. Fournir des preuves d’origine des fonds, des factures pro forma, des contrats-cadres, des attestations d’exportateur enregistré, des certificats d’origine et des confirmations d’assurance maritime dans des délais très courts est devenu un sport d’endurance. Les contreparties, elles, n’attendent pas : une lettre de crédit non confirmée dans la fenêtre négociée est une commande perdue. Certains industriels délèguent désormais la partie « trade finance » à des consultants spécialisés, mais le coût fixe de ce service pèse lourdement sur les marges, surtout pour des séries courtes et des productions saisonnières. La presse économique du 28/10/2025 souligne qu’en l’absence de chaîne documentaire fluide, la montée en gamme industrielle reste théorique et que la conformité ne peut pas reposer sur des « bricolages » de dernière minute. Al Liwa’ (28/10/2025) évoque, plus largement, la déformation du tissu productif sous l’effet de « l’économie d’urgence », où l’on consomme l’aide et l’envoi de fonds plutôt que d’investir dans l’outil productif, ce qui affaiblit la capacité à satisfaire les standards de conformité des marchés.
Témoignages du terrain : quand un crédit documentaire décide du mois
« La production locale peut encore tenir si l’accès au crédit documentaire est garanti, mais la défiance des banques étrangères freine tout », confie un industriel du textile cité par la presse. Ce témoignage résume une réalité quotidienne : sans confirmation bancaire, pas d’expédition de fils ; sans fils, pas de coupe ni d’assemblage ; sans livraison, pénalités contractuelles et perte du créneau de distribution. Dans l’agro-transformation, un fabricant de conserves explique devoir préfinancer ses boîtes, couvercles et étiquettes avec des acomptes intégralement cash pour rassurer ses fournisseurs, immobilisant ainsi une trésorerie déjà exsangue. Les chaînes d’embouteillage, de leur côté, étalent les cadences pour éviter l’arrêt complet, en attendant des palettes de résines et d’additifs retardées par des demandes additionnelles de conformité de la part des transitaires et des banques. Le débouché export, pourtant plus rémunérateur en devises, devient paradoxalement plus incertain que le débouché local, surtout lorsque l’acheteur exige une livraison « just in time » et menace de déréférencer en cas de retard répété. Ces cas, rapportés par les journaux, montrent que le problème n’est pas la demande finale, mais la fluidité du financement du commerce et la fiabilité des corridors d’approvisionnement. Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) et Al Bina’ (28/10/2025) replacent ces conversations dans le cadre plus large des contraintes de paiements transfrontaliers et des risques de conformité.
Agroalimentaire : la double peine des « frais fixes invisibles »
Dans l’agroalimentaire, le recul des exportations de 8,5 % n’est pas seulement un chiffre : il se traduit par une sous-utilisation des lignes de conditionnement, des pertes d’échelle, et une explosion des « frais fixes invisibles ». Chaque lot retardé oblige à prolonger des contrats de stockage frigorifique, à renouveler des contrôles qualité, et à absorber des frais d’assurance cargo pour des durées plus longues. De plus, la saisonnalité complique la tâche : un lot de fruits transformés ne peut pas « attendre » indéfiniment au port. L’absence d’horaires fiables à certains postes frontières et la réduction des créneaux d’embarquement renforcent la perception de risque chez les acheteurs étrangers, qui exigent alors des clauses de pénalité, réduisant l’intérêt commercial des contrats. Dans ce contexte, les entreprises rappellent que la compétitivité ne se joue pas seulement sur le prix départ usine, mais sur la capacité à livrer « bon, au bon moment, avec les bons papiers ». Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) insiste sur l’effet multiplicateur des coûts de fret et d’assurance, qui réduisent l’avantage comparatif du pays sur ses lignes traditionnelles.
Tourisme : l’effet ciseau coûts–demande
La contraction de 12 % des réservations de novembre intervient au moment où les hôtels espéraient lisser la saison. Or, l’« effet ciseau » est brutal : les coûts (énergie, maintenance, sécurité) restent élevés tandis que la demande internationale de courte durée priorise des destinations perçues comme plus prévisibles logistique et sécurité. Les professionnels signalent que la clientèle corporate réduit les déplacements non essentiels et privilégie des réunions hybrides. Les établissements qui avaient investi dans des rénovations légères pour 2025–2026 voient leur plan d’amortissement s’allonger. Les restaurateurs associés aux hôtels subissent une baisse corrélée des couverts, et une part d’entre eux réduit les plages d’ouverture pour limer les coûts salariaux. Le syndicat des hôteliers, via les médias, plaide pour des politiques d’attraction ciblées (e-visas facilitée pour certaines nationalités, campagnes digitales cofinancées, packs vols + hôtels sur des marchés ciblés). Al Liwa’ (28/10/2025) relaye ces chiffres et recommandations, indiquant que la « respiration » de fin d’année dépendra de la stabilité du contexte et d’un ajustement tarifaire fin.
Industrie : quand l’arrêt d’une ligne signifie perte de savoir-faire
Dans les zones industrielles de la Békaa et du Metn, l’arrêt de lignes ne représente pas seulement une baisse temporaire de production ; il signale un risque de perte de savoir-faire. Les équipes qualifiées, confrontées à l’irrégularité du travail, cherchent des opportunités ailleurs. Reconstituer une équipe une fois le flux rétabli prend du temps et coûte cher. Les fournisseurs étrangers, eux, réaffectent leurs quotas à d’autres clients plus « bancables », rendant le retour à la normale encore plus long. Certains industriels tentent des solutions palliatives : groupage d’achats, mutualisation logistique, recours à des « traders » qui avancent les fonds contre marge. Mais ces solutions d’urgence restent coûteuses et fragiles. Les journaux décrivent cette « docilité forcée » face aux réseaux de financement commercial, qui accroît la dépendance et réduit l’autonomie du tissu productif. Al Bina’ (28/10/2025) rattache ces arrêts d’activité à la montée des exigences bancaires internationales, qui s’appliquent indistinctement, quelle que soit la taille de la facture.
Effets macro : investissement en panne, trésoreries sous pression
Pour l’ensemble des secteurs productifs, la stagnation se traduit par un sous-investissement chronique. Les entreprises reportent les remplacements d’équipements, repoussent l’automatisation, et prolongent la vie d’actifs déjà amortis, au prix de pannes et de pertes de qualité. Les banques locales, elles, conservent une attitude prudente sur le crédit d’investissement, dans l’attente de signaux plus clairs des correspondants étrangers. Résultat : les trésoreries deviennent des variables d’ajustement, avec des cycles d’exploitation plus longs, des stocks plus coûteux, et des provisions accrues pour créances douteuses lorsque des clients étrangers décalent les paiements ou exigent des remises de compensation pour retards. La presse rappelle que l’« économie d’urgence » — sous perfusion d’aides, de remises de la diaspora et de financements de court terme — ne peut pas durablement remplacer une trajectoire d’investissement productif et de productivité. Al Liwa’ (28/10/2025) détaille ces distorsions en soulignant le rôle ambigu des injections ponctuelles qui soutiennent la demande sans corriger les goulets d’étranglement côté offre.
Chaîne logistique : le coût de la non-fiabilité
Sur le plan logistique, la non-fiabilité est le coût le plus sous-estimé. Un exportateur qui ne peut garantir ni le départ effectif à une date donnée, ni la certitude documentaire au débarquement, verra son grade fournisseur se dégrader chez les acheteurs structurés. Les transitaires alertent sur l’accumulation de frais annexes : surestaries, demurrage, contrôles supplémentaires liés au risque de transbordement vers des juridictions sensibles. Les assureurs cargo, prudents, révisent leurs primes et leurs exclusions, ce qui se répercute immédiatement sur les prix. La presse économique du 28/10/2025 place ces enjeux au cœur de la compétitivité-prix et explique que la bataille se joue autant sur le « coût de fiabilité » que sur le coût de production. Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) situe même ce problème dans un contexte régional où les corridors se redessinent, forçant les exportateurs à renégocier des contrats de transport à des conditions plus strictes.
Que peut-on faire tout de suite : trois leviers « basse friction »
D’abord, un guichet unique documentaire pour les PME exportatrices, capable de pré-valider les dossiers de crédits documentaires avant présentation aux banques, réduisant ainsi les allers-retours coûteux. Ensuite, un mécanisme de garantie publique ciblée sur les intrants critiques (résines, additifs, emballages, principes actifs pharmaceutiques), afin de rassurer les correspondants sur le risque de non-paiement et de raccourcir les délais d’ouverture de L/C. Enfin, une coordination logistique « corridors » avec des fenêtres horaires et des engagements de service négociés, pour stabiliser les temps de transit sur certaines routes terrestres et maritimes. Ces trois leviers ne résolvent pas la totalité des contraintes, mais ils réduisent la friction qui immobilise la trésorerie et détruit la confiance. Les professionnels interrogés par la presse appellent aussi à une communication officielle plus prévisible sur les règles douanières et sanitaires, afin d’éviter les changements de dernière minute qui bloquent les conteneurs. Al Liwa’ (28/10/2025) replace ces suggestions dans la discussion plus large sur la normalisation graduelle de la politique économique.
Capacité d’adaptation : où ça tient encore
Malgré la conjoncture, certaines niches résistent. Dans l’agro de spécialité, des ateliers ont consolidé des marchés de proximité grâce à une flexibilité de gamme et à des partenariats logistiques directs avec des distributeurs indépendants. Dans le textile à valeur ajoutée, quelques unités ont maintenu des contrats grâce à des stocks tampons d’intrants de base et à des accords de consignation avec leurs clients finaux. Sur le tourisme, des maisons d’hôtes hors centre ont compensé partiellement le recul urbain par une offre d’expériences (randonnées, gastronomie locale, bien-être) vendues en forfaits. Mais ces succès demeurent fragiles, dépendants d’équilibres fins et d’une météo sécuritaire clémente. Les journaux notent que sans fluidité du financement du commerce, ces poches de résilience ne suffiront pas à inverser les tendances lourdes. Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) et Al Liwa’ (28/10/2025) convergent sur ce point : l’adaptation existe, mais elle ne remplace pas des corrections systémiques.
Pourquoi cette stagnation est différente des précédentes
La stagnation actuelle n’est pas un simple creux cyclique. Elle combine une contrainte logistique régionale, un coût du capital de travail en hausse via la conformité internationale, et une demande externe plus exigeante en matière de fiabilité. Les entreprises ne manquent pas d’idées ni, parfois, de carnet de commandes ; elles manquent surtout de « fluidité » dans le vélo financier–documentaire–logistique. Tant que la boucle ne se referme pas — bon dossier, L/C confirmée, livraison à l’heure, paiement sans rétention — la croissance reste hypothétique. La presse du 28/10/2025 le rappelle avec constance : la compétitivité n’est pas qu’une affaire de prix et de change, c’est une mécanique de confiance, où chaque maillon doit tenir. Al Bina’ (28/10/2025) et Al Liwa’ (28/10/2025) en font une lecture convergente, rattachant les incidents micro (usines à l’arrêt, réservations en baisse, lots bloqués) à une architecture de risque devenue plus stricte.
Sentier de sortie : redonner de la prévisibilité aux transactions
Le sentier de sortie passe par des livrables concrets à court terme. Sur l’export, des accords-cadres de service avec des transitaires et des compagnies maritimes pour sécuriser des volumes et des créneaux, contre un engagement de régularité. Sur la finance du commerce, des protocoles de pré-vérification documentaire adossés à des check-lists partagées entre banques locales et correspondants, afin de transformer la conformité en routine maîtrisée, non en obstacle aléatoire. Sur le tourisme, une campagne de « long week-end sûrs » avec des partenariats aériens ciblés, des mesures de facilitation à l’arrivée, et des produits tarifaires adaptés aux marchés de proximité, pour reconstruire une base de demande récurrente. Les journaux de la date considèrent que ces mesures pragmatiques, si elles sont exécutées avec constance, peuvent stopper l’hémorragie et préparer le terrain à des réformes plus lourdes. Al Sharq Al Awsat (28/10/2025) et Al Liwa’ (28/10/2025) en soulignent la faisabilité à court terme.
Verdict conjoncturel : l’oxygène du commerce avant tout
Le diagnostic dressé par la presse économique du 28/10/2025 est net : la stagnation n’est pas imputable à une absence de demande sur tous les segments, mais à la difficulté de transformer une intention d’achat en transaction réglée, livrée, et renouvelée. Tant que l’oxygène du commerce — documents, banques, navires, camions — manque à l’appel, chaque point de PIB potentiel se dissipe. L’urgence est donc de rétablir la prévisibilité transactionnelle. Là où elle réapparaît, les volumes, modestement, reviennent ; là où elle manque, les chaînes s’arrêtent, les stocks gonflent, et les équipes se vident. C’est cette mécanique, minutieuse et austère, qu’il faut réparer d’abord pour que les secteurs productifs sortent de la stagnation.



