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Tensions régionales : l’économie libanaise au bord de l’asphyxie

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Frappes, paralysie et incertitude : une économie déjà fragilisée sous pression

Dans la nuit du 5 au 6 juin 2025, les bombardements israéliens sur la banlieue sud de Beyrouth ont provoqué une onde de choc qui dépasse le seul cadre sécuritaire. Alors que le pays peine à sortir d’un effondrement économique entamé depuis 2019, ces nouvelles tensions viennent perturber un tissu socio-économique déjà au bord de la rupture. Les frappes ont affecté plusieurs zones d’habitation et infrastructures civiles, provoquant une interruption ponctuelle de certaines activités économiques.

Les analystes estiment que la répercussion la plus immédiate touche la confiance des marchés locaux et les réseaux de distribution. Certains entrepôts endommagés étaient liés à des circuits de commerce interurbain. L’exposition accrue du Liban à un conflit militaire récurrent altère la perception de stabilité minimale nécessaire aux échanges.

Blocage politique et absence de coordination économique

Depuis plusieurs mois, le Liban ne dispose ni de budget adopté ni de feuille de route claire pour sa relance économique. Le gouvernement, dirigé par Nawaf Salam, opère en mode de crise, sans plan de reconstruction soutenu par les institutions internationales. Les frappes récentes renforcent cette paralysie. Aucune communication n’a été émise par les ministères économiques dans les heures ayant suivi les attaques.

Cette inertie étatique, couplée à une incapacité à sécuriser le territoire ou rassurer les partenaires économiques, aggrave le risque de désinvestissement. Les entreprises, déjà en grande difficulté, se retrouvent confrontées à une insécurité physique et à une absence de gouvernance. Les circuits de paiement sont ralentis, les chaînes logistiques perturbées, et les approvisionnements deviennent plus aléatoires.

Risques bancaires et pression sur la livre libanaise

Le secteur bancaire, déjà très affaibli, subit une pression psychologique accrue. Si aucune ruée vers les guichets n’a été observée immédiatement après les frappes, les économistes redoutent une fuite vers le cash et une baisse de confiance accrue vis-à-vis des institutions financières. La livre libanaise, dont le taux reste instable, pourrait subir de nouvelles dépréciations en cas d’escalade militaire durable.

Les banques restent fermées pour l’Aïd al-Adha, ce qui a temporairement freiné les retraits, mais ce répit est trompeur. La perception que le Liban entre dans une phase de confrontation directe augmente la probabilité d’un nouvel épisode de panique monétaire. La Banque centrale, dont les marges de manœuvre sont réduites, n’a pas émis de message rassurant.

Importations en tension, inflation redoutée

Le Liban dépend fortement de ses importations pour les biens de consommation essentiels. Les tensions actuelles menacent de désorganiser les flux commerciaux. Plusieurs opérateurs ont indiqué des retards dans les livraisons prévues, en raison des incertitudes sécuritaires autour du port de Beyrouth et des routes d’accès. Des fournisseurs internationaux envisagent de suspendre temporairement leurs envois ou d’augmenter les prix par précaution.

Cette situation risque de relancer une spirale inflationniste, déjà alimentée par la dépréciation continue de la monnaie nationale. Les produits alimentaires, les carburants et les médicaments pourraient voir leurs prix flamber à nouveau. La population, épuisée par des années d’austérité forcée, n’a plus de marge d’adaptation.

Secteurs essentiels : énergie et santé sous tension

Les frappes ont endommagé des transformateurs électriques secondaires dans la banlieue sud, perturbant l’approvisionnement de certains quartiers. Le système électrique libanais, déjà sous-capacitaire, ne peut absorber ces chocs sans impact. Plusieurs cliniques privées ont dû fonctionner avec des générateurs à plein régime, augmentant leurs coûts de fonctionnement.

Le secteur de la santé, déjà fragilisé par le départ de milliers de professionnels ces dernières années, fait face à une demande accrue dans un contexte d’approvisionnement aléatoire. La situation risque de se dégrader rapidement en cas d’afflux de blessés ou de nouveaux bombardements.

Absence de soutien international concret

Alors que la communauté internationale a exprimé des inquiétudes sur le plan humanitaire, aucun plan d’aide économique n’a été proposé. Le Liban reste exclu des programmes d’urgence des principales institutions financières mondiales, faute de réformes crédibles ou de garanties sur l’usage des fonds.

Cette carence accroît la perception que le pays est laissé à lui-même. Le gouvernement ne parvient pas à obtenir les engagements nécessaires pour relancer les projets d’infrastructure ou d’aide aux populations vulnérables. Les municipalités, privées de ressources, se tournent vers des ONG pour maintenir les services de base.

Une économie de guerre sans statut officiel

L’absence d’un cadre de gestion de crise officiel empêche le déclenchement d’un dispositif économique d’urgence. Contrairement à d’autres pays confrontés à des conflits, le Liban ne dispose pas d’un mécanisme de continuité économique en période de guerre. Les ministères n’ont pas de cellules de résilience, et aucune législation n’encadre la protection des entreprises en cas de conflit.

Cela signifie que chaque entreprise, chaque acteur économique, doit improviser sa propre stratégie de survie. Le risque d’un arrêt d’activité prolongé est réel, surtout pour les PME. Plusieurs témoignages indiquent des fermetures temporaires dans les quartiers proches des zones touchées.

Mobilisation de la diaspora : flux salvateurs mais instables

Comme à chaque crise, la diaspora libanaise joue un rôle de tampon financier. Des transferts de fonds ont été observés vers des familles touchées par les frappes. Toutefois, ces aides, bien que vitales, sont informelles et non pérennes. Elles ne permettent pas de compenser les pertes à long terme ni de relancer l’économie.

De plus, les circuits de transfert subissent eux aussi les effets de la crise : restrictions bancaires, blocage de comptes, hausse des commissions. Ce qui était un filet de sécurité devient de plus en plus aléatoire. Le Liban ne peut plus compter uniquement sur la solidarité transnationale.

Une population en résilience mais sans horizon

L’économie informelle, qui représente une part considérable de l’activité au Liban, continue de fonctionner dans les marges. Mais les moyens d’adaptation s’épuisent. La précarité généralisée, les bas salaires et l’absence de couverture sociale rendent la population extrêmement vulnérable à tout nouveau choc. Le climat d’angoisse économique augmente le taux de chômage invisible et pousse les jeunes à envisager l’exil.

Les files devant les consulats étrangers se sont allongées depuis les frappes. Cette dynamique d’exode potentiel traduit une perte de confiance dans toute possibilité de stabilité ou de reprise.

L’économie piégée entre sécurité et gouvernance absente

Au-delà des dommages directs, la crise actuelle révèle une constante libanaise : l’économie fonctionne sans filet, sans gouvernance proactive, et sans protection face aux chocs. Les tensions régionales, loin d’être absorbées ou contenues, se répercutent directement sur les structures de base. Le système libanais, fondé sur l’improvisation et les solidarités locales, ne peut plus suffire face à des cycles de crise prolongés.

Faute de médiation régionale, de stratégie de résilience et de soutien international structuré, le Liban est condamné à l’isolement économique. Et cette solitude pourrait bientôt se transformer en effondrement.

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Newsdesk Libnanews
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