L'entrée principale de la Banque du Liban (BDL) Crédit Photo: Libnanews.com, tous droits réservés
L'entrée principale de la Banque du Liban (BDL) Crédit Photo: Libnanews.com, tous droits réservés

Rentrée en vigueur il y a une semaine, jour pour jour, la majorité des déposants semblent avoir rejeté la circulaire 158 de la Banque du Liban qui permet de retirer 400 USD en billets verts et l’équivalent de 400 USD au taux de la plateforme électronique Sayrafa de la Banque du Liban, soit à 12 000 LL/USD. En cause, un manque de confiance d’une quasi-majorité de la population face à ce qu’ils décrivent être la mafia des banques. Pour rappel, l’association des Banques du Liban avait unilatéralement imposé un contrôle informel des capitaux en novembre 2019 après que des problèmes de liquidité soient apparus dès le mois de mai de cette année, cela afin d’éviter qu’une panique bancaire conduise à les mettre officiellement en faillite.

Pour rappel, cette circulaire succédait la circulaire 154 qui permettait aux déposants de retirer des dollars en livre libanaise au taux de 3 900 LL/USD. Celle-ci avait été invalidée par le conseil d’état qui l’estimait contraire à la constitution libanaise.

Depuis les banques libanaises sont considérées être des banques zombies, incapables d’honorer leurs engagements. Cette nouvelle circulaire de la Banque du Liban avait pour objectif de quelque peu normaliser la situation, ce qui semble ne pas avoir été le cas.

En cause de nombreuses ambiguïtés dans les contrats obligeant les déposants à lever le secret bancaire sur leurs comptes mais également avec l’insertion par certaines banques de clauses par lesquelles les déposants renoncent à porter plainte contre elles. Pour rappel, les nombreux procès contre les établissements bancaires ont tous été gagnés par les déposants sans être appliqués par les forces de sécurité après que les banques aient menacé de faire une grève générale et aient obtenu du procureur général de la république, une sorte d’immunité collective. Ainsi certains considèrent qu’il s’agit d’une nouvelle manière “de corrompre les déposants” pour pouvoir ensuite leur extorquer des sommes bien plus importantes d’autant plus qu’aucune assurance n’est donnée sur le délai d’application de cette réglementation qui pourrait ne pas dépasser un an en raison des mêmes problèmes de liquidités des banques locales.

Egalement plusieurs interrogations concernant l’application réelle de la circulaire 158 qui stipule que celle-ci s’exerce sur les comptes joints des déposants. Ainsi, si l’un des signataires signe sur un compte qui lui ait propre dans un établissement pourtant différent, cette levée du secret bancaire pourrait également concerner ses autres comptes y compris joints avec d’autres personnes ou entités dans d’autres établissements.

Pour rappel, cette circulaire permet de retirer jusqu’à 50 000 USD en 3 ans, à hauteur de 400 USD en dollars et l’équivalent de 400 USD au taux de la plateforme électronique Sayrafa de la Banque du Liban, soit à 12 000 LL/USD à quelques exceptions près. Elle ne s’applique notamment pas aux personnes ayant transféré plus de 500 000 USD à l’étranger depuis 2017 et n’ayant pas retransféré au Liban l’équivalent de 15% de ces sommes.

Pour l’heure, les banques indiquaient s’attendre à ce que 2 à 3 milliards de dollars puissent être retirés cette année, parfois avec le soutien de la Banque du Liban pour les établissements qui ne pourraient pas y procéder.

D’autres banques ont proposés à leurs déposants un haircut de 80% sur leurs dépôts en dollars. Des rumeurs font état même de pression des banques auprès de personnes vulnérables pour accepter la dite circulaire.

Certains économistes estiment ainsi que les banques reportent actuellement leurs pertes estimées par S&P’s sur les déposants au lieu de prendre la responsabilité d’une mauvaise gestion au cours des 20 dernières années. Ainsi, si 83% des dépôts était dollarisés, les banques libanaises réinvestissaient en les plaçant en livre libanaise auprès de la Banque du Liban et profitant de facto d’importants taux d’intérêt, parfois même dépassant les 14%. Avec la dévaluation de la livre libanaise, les sommes déposées auprès de la Banque du Liban ont perdu 90% de leur valeur alors que d’un point de vue comptable, elles demeurent débitrices en dollar auprès de leurs clients.

Ils déconseillent ainsi aux déposants qui disposent plus de 30 000 USD en banque de signer leur acceptation de cette nouvelle réglementation.

Face à cela, le gouvernement Diab avait envisagé de reporter la majorité des pertes financières sur les actionnaires des banques via un bail-out de ces derniers et proposé de transformer 12% des dépôts dépassant 500 000 dollars en action des banques (Bail-in) qui devraient alors être restructurées. D’autre part, les observateurs d’attendent à une décote ou haircut dépassant les 50% des dépôts, la situation des banques libanaises étant critique, allant jusqu’à considérer l’ensemble du secteur financier en faillite.

Cependant, la mise en application de ce plan a été retardé par le refus des actionnaires des banques à accepter les pertes de ce secteur et le bail-out. 43% des actions des banques appartenant des hommes politiques ou politiquement exposés ont amené ces derniers à activer leurs relais au parlement et au sein de la commission parlementaire des finances et du budget qui a volontairement minimiser les pertes faisant pourtant l’objet d’un consensus avec le Fonds Monétaire International.

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