L’Arabie saoudite est avec Israël l’un des grands colonisateurs de la planète. S’inspirant de l’exemple saoudien, Abou Dhabi lui a emprunté le pas en Afrique.

L’Arabie saoudite a mis sur pied une société publique pour financer les entreprises privées du royaume qui achètent des terres à l’étranger. Elle s’est tournée vers l’Afrique, en raison de sa proximité avec le Royaume. La firme saoudienne «Haïl Hadco» loue ainsi des milliers d’hectares au Soudan avec pour objectif d’en cultiver 40.000, alors que les firmes BTP saoudiens sont engagés s’est en Asie à la tête d’un consortium, espérant, à terme, gérer 500 000 hectares de rizières en Indonésie, dans le cadre d’un projet agricole de 1,6 million d’hectares comprenant la production d’agro carburant.

Pour aller plus loin sur ce thème : https://www.madaniya.info/2015/06/21/israel-et-larabie-saoudite-deux-grands-colonisateurs-de-la-planete/ 

Lui emboîtant le pas et fort de son expérience dans la gestion des ports maritimes, Dubai authority Ports a engagé une coopération avec le Sénégal pour la gestion du nouveau port en construction à 35 km de Dakar.

Situé à Sendou à 35 km de la capitale, d’un coût total de plus 290 milliards de FCF, ce port minéralier et vraquier d’une capacité de 7millions de tonnes dès sa première année d’exploitation va transformer la localité dotée d’une nouvelle centrale électrique, en un véritable hub industriel de référence dans la sous-région ouest africaine.

Outre le Sénégal, les Émirats sont présents au Mozambique, en Somalie en infraction aux décisions du gouvernement central, au Ruanda, en Algérie et au Mali où un accord a été signé avec Bamako pour l’installation d’une plateforme logistique ainsi qu’en République Démocratique du Congo pour l’aménagement d’un port en eau profonde d’une valeur d’1 milliard de Dollars.

Sur le plan bancaire, «Islamic Dubai Bank» finance des projets agricoles au Kenya et «Emirates Global Aluminium» a financé l’exploitation des gisements de bauxite en Guinée, alors qu’un investissement de 3,3 milliards de dollars a été affecté au Mozambique pour le financement de 52 projets agricoles, pétroliers et dans le domaine de l’enseignement.

Au Nigéria, qui doit servir de plate forme de gestion pour l’Afrique occidentale, les Émirats participent à la prospection pétrolière en coopération avec ARAMCO et Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC).

Pour aller plus loin sur ce thème, cf ce lien: Les Emirats cherchent à coloniser l’Afrique du journal libanais Al Akhbar

Le double jeu de la Chine dans le Golfe

Conscients du poids majeur de la Chine dans les routes maritimes de la région, les Émirats arabes unis ont été prudents de suivre une logique de complémentarité de leurs investissements avec les investissements chinois. Il est cependant arrivé à plusieurs reprises que l’expansion de la présence chinoise s’opère au détriment des intérêts émiratis.

À Djibouti notamment, la Chine a remporté les droits pour développer sa base militaire au détriment des EAU, et des rumeurs courent selon lesquelles le gouvernement djiboutien a mis fin à son contrat avec Dubai Ports World pour la gestion du port commercial de Doraleh, avec l’ambition de le confier à la Chine

De la même manière, les investissements chinois dans les ports omanais et qataris pourraient rendre ceux-ci capables de concurrencer le port émirati de Jabal Ali. La Chine joue sur une logique de neutralité et de diversification de ses partenariats et investissements dans la région, refusant en théorie d’interférer dans les clivages politiques et les affaires internes des États.

La Chine s’est montrée prudente en diversifiant ses partenariats et ses investissements dans la région, y compris avec les rivaux d’Abou Dabi. Elle a même parfois su jouer des rivalités régionales pour faire avancer ses propres objectifs.

La Chine a notamment maintenu des relations bilatérales étroites avec le Qatar. Les deux pays ont signé un accord de partenariat stratégique en 2014, et leurs échanges commerciaux ont considérablement augmenté l’année dernière, faisant de la Chine le plus gros exportateur vers le Qatar en 2018 devant les États-Unis.

La Chine a également beaucoup investi dans l’infrastructure du port de Hamad à Doha, tandis que le Qatar aurait acquis des missiles balistiques à courte portée SY-400 de fabrication chinoise

Friture dans les relations entre l’Arabie saoudite et Abou Dhabi.

Le partenariat entre les deux princes héritiers agités d’un prurit belligène est intervenu sur fond de fritures dans leurs relations.
Dans la foulée du bombardement des installations du géant pétrolier saoudien ARAMCO, sur fond d’une épreuve de force entre l’Iran et les Etats Unis, Abou Dhabi a fait des ouvertures à l’Iran et à la Syrie, d’une part, se retirant du sud Yémen, d’autre part, alors que l’Arabie Saoudite menait, de son côté, des négociations secrètes avec ses ennemis houthistes à Mascate.
Une sorte de police d’assurance supplémentaire afin de placer cet émirat à l’abri des missiles des Houthistes, qui ont frappé durement son grand voisin saoudien, notamment ses aéroports du sud du Royaume, sa capitale à 1.000 km des frontières du Yémen, et, enfin les installations du géant pétrolier saoudien ARAMCO.

La guerre du Yémen et la fonte des réserves saoudiennes

Le partenariat saoudo-abou dhabien viserait en fait à compenser la fonte des réserves saoudiennes du fait de sa guerre tout azimut trans-régionale. Un partenariat scellé par leur bellicisme commun.

A la tête de la coalition pétro monarchique, l’Arabie Saoudite a déjà engagé près 500 milliards de dollars au Yémen, s’ajoutant au 127 pour engagé dans la guerre en Syrie, soit la somme astronomique de 627 milliards de dollars, sans la moindre percée stratégique majeure, alors que le Royaume wahhabite, 3eme client de l’armement mondial, dispose d’un nombre de chasseurs bombardiers supérieurs à ceux du Royaume Uni. Une contre performance qui en fait la risée du monde.

Pour aller plus loin sur ce thème :
https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-face-cachee-de-la-guerre-au-yemen_fr_5c92a35ce4b0983cd4e3b36e

A cette somme pharamineuse s’ajoutent les achats d’armement saoudiens aux États Unis, 170 milliards de dollars depuis 1973.
Pour éponger son déficit, l’Arabie saoudite a dû se résoudre à brader ses bijoux de famille, introduisant en bourse l’ARAMCO, le fleuron économique du Royaume à un prix cassé, défiant toute concurrence: la souscription de départ fixée à 3 trillions de dollars a été revue à la baisse à 1,7 mille milliards de dollars, soit une décote de 40 pour cent de la valeur de l’entreprise.

Le “grand frère” saoudien a même intimé au petit frère d’Abou Dhabi de souscrire à l’opération de renflouement. L’Arabie saoudite a d’ailleurs battu un record le 12 décembre 2019, en introduisant à la Bourse de Riyad 1,5 % du capital de Saudi Aramco.

L’opération a permis au géant pétrolier national de lever 25,6 milliards de dollars et en a fait le champion historique des entrées en Bourse, devant le chinois Alibaba. Le spécialiste du commerce en ligne avait collecté «seulement» 25 milliards lors de sa cotation en 2014 à New York.

Le mastodonte public saoudien, qui génère l’essentiel des revenus du royaume, a franchi un autre record. La cession de ses titres a été réalisée au prix de 8,53 dollars par action, soit le haut de la fourchette de 30 à 32 rials proposée aux investisseurs. Aramco est ainsi valorisé 1700 milliards de dollars, soit bien plus que le champion mondial, l’américain Apple, dont la capitalisation boursière atteint 1170 milliards de dollars.

Les investisseurs du royaume et du Golfe, notamment les fonds souverains d’Abou Dhabi et du Koweït, sollicités par les autorités saoudiennes, ont répondu favorable à la requête saoudienne.

En comparaison, le Qatar a engagé 3 milliards de dollars pour les rebelles dans la guerre de Syrie de 2011-2013), sans compter les dépenses en Libye pour la propulsion d’Abdel Karim Belhadj au poste de gouverneur de Tripoli; de Mohamad Morsi à la présidence de l’Égypte; et la coalition Nahda-Marzouki en Tunisie. Au Total près de dix milliards de dollars, avant de se voir retiré le commandement de la contre révolution arabe au profit de l’Arabie saoudite.

https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20130517trib000765147/syrie-le-qatar-aurait-depense-3-milliards-de-dollars-pour-armer-les-rebelles.html

Les Émirats qui ont déjoué un coup d’état fomenté par les Frères Musulmans se sont montrés prudents en Syrie. Mais, par leur acharnement contre l’islam politique sunnite, ils en viennent à considérer, que ce soit au Yémen ou en Libye, les mouvements salafistes comme un moindre mal. Au Yémen, ils peuvent soutenir des milices salafistes, aux visions ultra conservatrices de la société qui ne correspondent pas à l’image de l’Islam «modéré» que les Emirats prétendent promouvoir.

Retour militaire de la Turquie dans le Monde arabe pour la première fois depuis la chute de l’Empire Ottoman.

Une décennie de bruits et de fureur, de larmes et de sang consacrée à la destruction des régimes arabes de type républicain (Libye, Syrie, Yémen) offre un paysage contrasté, aux antipodes des vœux des incendiaires du Monde arabe, avec le déploiement militaire de la Turquie dans le Monde arabe, fait nouveau depuis la chute de l’Empire ottoman.

Ce déploiement s’est accompagné de l’exclusion des grands pays arabes de la résolution des grands conflits régionaux et leur remplacement par l’Iran et la Turquie, comme en témoigne le processus d’Astana sur la Syrie.
La Turquie a mis à profit le désordre arabe pour se déployer au Qatar, où elle dispose d’un contingent militaire de 5.000 hommes. En Somalie, où elle dispose d’une base d’entraînement à Mogadiscio où la Turquie a investi plus de 50 millions de dollars pour pouvoir entraîner de 5 000 à 10 000 recrues venues de Somalie et d’autres pays africains.

Enfin au Soudan qui a accepté que la Turquie restaure le port de Souakin, situé sur la côte de la Mer Rouge. Situé à 60 kilomètres au sud de Port Soudan, le Souakin servait autrefois de base navale à la marine ottomane. L’accord a été signé lors d’une visite officielle du président Erdoğan au Soudan en décembre 2017.

L’Iran un croquemitaine pour éponger les déficits américains.

Les principautés du Golfe présentent cette singularité unique au monde de compter davantage de travailleurs expatriés que de nationaux et le nombre d’ouvriers en bâtiments dépasse de loin le nombre de citoyens au point que le Koweït a cherché dans la décennie 1990 à se débarrasser des Bidouns (sans papiers, sans nationalité), en proposant aux Comores d’accueillir quatre mille d’entre eux en échange de lourds investissements koweïtiens dans le secteur économique.
Abou Dhabi Pour décourager l’installation durable des immigrés asiatiques, Abou Dhabi a proposé, lui, de limiter leur permis de travail et de résidence à un séjour unique de six ans.

Face à l’Iran, la constellation des pétromonarchies du Golfe s’est ainsi transformée en une véritable base flottante américaine, au point que se pose la question de la viabilité stratégique et de la pertinence politique des gros contrat d’armement de l’histoire, jamais conclu, en temps de paix, entre les Etats Unis et les pays membres de la zone.

Des contrats à tous égards qui outrepassent les capacités d’absorption des bénéficiaires de même que les capacités d’assimilation de cet armement par ses servants locaux Les lourds investissements, notamment dans le domaine militaire, paraissent stimulés parfois, non pas tant par les impératifs de sécurité, mais par la perspective alléchante des commissions et rétro commissions. A l’indice mondial de la corruption, l’Arabie Saoudite se situe hors classement. A croire que les surfacturations tiennent lieu de «police d’assurance tous risques» contre d’éventuelles tentatives de déstabilisation, de rétribution déguisée pour un zélé protecteur, une sorte de mercenariat officieux.

Épilogue: La crainte d’un retour de flammes.

Commentant les performances du Fonds Norvégien, le site en ligne «Ar Rai al Yom», propriété de l’influent journaliste arabe Abdel Bari Atwane n’hésitera pas à tancer les pétromonarchies en ces termes:

Le fonds pétrolier norvégien génère des intérêts supérieurs aux revenus du pétrole et du gaz, dont l’exploitation de surcroît est postérieure d’une dizaine d’année à l’exploitation pétrolière saoudienne et la production infiniment inférieure à la production saoudienne.

La Norvège alloue ainsi annuellement 200.000 dollars par an de pension à ses retraités et la famille royale n’assume aucune responsabilité dans la gestion du fonds souverain.

En contre champs, les pétromonarchies ont fait fi de l’ère post pétrolière. Le gaspillage, les dépenses inconsidérées ont accentué le taux de chômage dans le Monde arabe, de même que la pauvreté. Et plutôt que de consacrer ces fortunes à la défense du Monde arabe, notamment la Palestine, les pétromonarchies se sont appliquées méthodiquement à détruire les pays arabes (Libye, Syrie, Yémen, Soudan, Irak) et à déstabiliser l’Égypte et l’Algérie.

La Norvège devrait leur servir d’exemple en ce que son comportement tranche avec la corruption, la mauvaise gestion, la gabegie, le clientélisme et la marginalisation des personnes dotées de compétences au profit des êtres dociles et serviles qui caractérisent la gouvernance arabe».
Au terme d’une décennie de furie, les chameliers du Golfe semblent s’être rendus compte, un peu tardivement, que leur fantasia pourrait se révéler contre productive. Que les incendies qu’ils ont allumé aux quatre coins du Monde arabe pourraient atteindre un jour leurs rivages. Un retour de flammes vers des rives hautement inflammables. Un retour de bâton bien mérité; le plus mérité sans doute de l’histoire contemporaine.

ReneNaba
René Naba | Journaliste, Ecrivain Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opéré pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expérience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a été la première personne d’origine arabe à exercer, bien avant la diversité, des responsabilités journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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