Nicolas Nahhas, conseiller économique de longue date du Premier ministre Najib Mikati, se retrouve aujourd’hui dans la tourmente judiciaire entourant l’affaire Optimum, indique le journaliste Mounir Younes dans un de ses tweets, alors que lui-même fait l’objet d’une cabale lancée par les médias proches des banques. Ce scandale financier, qui englobe des accusations de corruption et de malversations autour de la Banque du Liban (BDL), se complexifie davantage avec l’implication possible de Nahhas, en raison de son rôle dans la supervision de Libank, qui a acquis Optimum après les faits incriminés.

Dans le cadre de l’affaire Riad Salamé, une lettre signée par le Premier ministre Najib Mikati a été envoyée aux autorités judiciaires et sécuritaires, leur demandant explicitement de ne pas répondre aux demandes de la juge Ghada Aoun. Cette dernière cherchait à interroger l’ex-gouverneur de la Banque du Liban dans le cadre de son enquête sur la disparition de 8 milliards de dollars. Cependant, Salamé fait actuellement l’objet d’une procédure parallèle devant le juge Hallaoui, rendant la situation encore plus complexe et tendue. Cette décision d’intervention suscite de nombreuses interrogations quant aux tentatives apparentes de protéger certaines personnalités influentes du système financier et politique libanais.

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Les pressions internationales et l’enquête sur Riad Salamé

Pendant que l’affaire Optimum fait surface, le juge Halaoui interroge actuellement Riad Salamé, l’ex-gouverneur de la BDL, dans le cadre des multiples accusations de corruption et de détournement de fonds, alors que la juge Ghada Aoun n’a pas accès à l’ancien gouverneur de la BdL sur instruction du Premier ministre.

Cette procédure survient à un moment critique, alors que le Liban fait face à la menace de son inclusion sur la liste grise de la GAFI (Groupe d’action financière). Cette inscription potentielle inquiète profondément les secteurs économiques, bancaires et de la construction. L’adhésion à cette liste pourrait réduire davantage les investissements internationaux et aggraver la crise financière du pays.

L’interrogatoire de Salamé est perçu comme une tentative de répondre aux exigences internationales et d’éviter cette sanction. Néanmoins, certains y voient un geste purement symbolique, sachant que d’autres figures politiques et économiques influentes restent intouchées. Les liens entre Nahhas, Mikati et le scandale Optimum ne font qu’ajouter à ce climat d’incertitude et de méfiance dans un système financier déjà en pleine crise.

Le rôle de Nicolas Nahhas au sein de Libank et l’acquisition d’Optimum

L’achat d’Optimum par Libank s’inscrit dans un contexte de réorganisation du secteur bancaire libanais, fortement ébranlé par la crise économique et financière du pays. Optimum, une société financière liée à la gestion des avoirs de la Banque du Liban (BDL), a été impliquée dans des opérations qui ont soulevé des questions sur la transparence de ses pratiques financières avant son acquisition par Libank. Le rachat s’est produit alors que des doutes planaient déjà sur la gestion d’Optimum, notamment en ce qui concerne des transferts financiers peu clairs et des montages complexes liés à la BDL.

Libank, sous la présidence de son Conseil de gouvernance dirigé par Nicolas Nahhas, a acquis Optimum dans l’optique d’étendre ses opérations et de renforcer sa présence dans un marché en difficulté. Toutefois, cette acquisition s’est révélée problématique lorsque les malversations financières présumées d’Optimum, liées à la disparition de fonds de la BDL, ont commencé à émerger.

Ce rachat, qui visait à renforcer la position de Libank, s’est donc transformé en une source de controverses, remettant en cause la crédibilité des acteurs impliqués, dont Nicolas Nahhas, en raison de son rôle stratégique dans cette transaction.

Bien que les irrégularités d’Optimum datent d’avant le rachat par Libank, cette opération soulève des interrogations sur la diligence menée par Libank lors de l’acquisition. En effet, les audits réalisés sous la supervision de Nahhas n’ont apparemment pas révélé les problèmes financiers d’Optimum. Cela pose deux questions majeures : Libank, et plus particulièrement Nahhas, ont-ils failli à leurs obligations en matière de transparence, ou ont-ils délibérément choisi de fermer les yeux sur des pratiques douteuses ?

  1. Audits menés par Libank : négligence ou incompétence ? Il est légitime de se demander pourquoi les irrégularités au sein d’Optimum n’ont pas été détectées ou révélées lors des audits menés par Libank avant l’acquisition. La supervision de Nahhas en tant que président du Conseil de gouvernance soulève des doutes sur son niveau de vigilance et donc pourrait constituer une faute professionnelle. Était-il au courant des malversations financières au sein de l’entreprise, ou a-t-il failli à ses devoirs de diligence ? Cette question est cruciale, car elle met en lumière soit une éventuelle complicité, soit une grave négligence de sa part.
  2. Complicité ou simple omission ? Si Nahhas était au courant des activités frauduleuses, cela soulève la question de sa complicité dans l’affaire et devrait amener à une procédure juridique pour complicité par omission. L’étendue de son implication reste donc à déterminer, mais son silence ou son manque d’action face aux pratiques d’Optimum est désormais au cœur du débat. Les liens étroits entre Nahhas et Mikati, l’un des hommes politiques les plus influents du Liban, ajoutent une dimension politique à cette affaire, renforçant l’idée que l’enquête aurait été délibérément limitée.

Le plan de restructuration bancaire de Nahhas : un gage de confiance ?

Dans ce contexte, Nahhas a récemment présenté un plan de restructuration bancaire pour tenter de restaurer le système financier libanais. Cependant, sa crédibilité est désormais mise en doute. Peut-on véritablement faire confiance à un plan émanant d’une personne dont l’intégrité est remise en question dans l’un des plus grands scandales financiers du Liban ?

Le lien entre Nahhas et l’affaire Optimum soulève des inquiétudes profondes sur sa capacité à mener une réforme en toute transparence, alors qu’il a lui-même été impliqué dans des structures bancaires touchées par la corruption. De plus, les relations de longue date entre Nahhas et Mikati, qui est perçu comme étant proche de nombreux acteurs financiers controversés, nourrissent le scepticisme.

L’affaire Riad Salamé, une boite de Pandore pour la classe politique

L’affaire entourant Riad Salamé peut être perçue comme une véritable « boîte de Pandore » pour la classe politique et bancaire libanaise. Pendant plus de deux décennies, Salamé a été au cœur du système financier libanais, non seulement en tant que gouverneur de la Banque du Liban, mais aussi en tant qu’homme pivot des transactions financières qui ont permis à l’élite du pays d’enrichir certains secteurs tout en fragilisant l’économie nationale.

L’interrogation de Salamé ne concerne pas simplement des accusations isolées de corruption ou de détournement de fonds. En réalité, il ouvre la porte à une série de scandales potentiels impliquant de nombreuses figures politiques et économiques influentes. Pour beaucoup, Salamé est au courant des rouages du système qui a permis à une minorité de s’enrichir aux dépens du bien commun. En ce sens, son arrestation et son éventuelle condamnation pourraient dévoiler des pratiques plus larges d’enrichissement illicite et de collusion entre le secteur bancaire et la classe politique.

Tentative de containment

Pour la classe dirigeante, il devient crucial de contenir l’ampleur de l’affaire. On observe une tentative de circonscrire l’enquête aux aspects les plus « gérables » du dossier, en limitant par exemple les montants en jeu ou en essayant de dissocier Salamé de ses réseaux d’influence plus larges. Cela permettrait de protéger d’autres personnalités politiques et bancaires qui pourraient être exposées si une enquête plus approfondie était menée.

En effet, Salamé pourrait très bien devenir le bouc émissaire d’un système plus vaste. Son arrestation est perçue par certains observateurs comme une concession aux pressions internationales, une manière de montrer que le Liban prend des mesures pour lutter contre la corruption, sans pour autant démanteler le réseau d’intérêts qui lie le pouvoir politique à la finance.

Implications pour le système financier

Cette stratégie de containment pose un problème fondamental : comment restaurer la confiance dans le système financier libanais si les enquêtes sont incomplètes et que les véritables responsables de l’effondrement économique ne sont pas inquiétés ? Les révélations potentielles sur les pratiques de Salamé, et par extension celles de ses partenaires politiques et économiques, menacent de bouleverser non seulement la scène bancaire mais aussi l’ensemble de la gouvernance du pays.

En somme, l’affaire Riad Salamé a le potentiel de dévoiler un système de corruption profondément enraciné. Cependant, la manière dont l’enquête est actuellement gérée montre une tentative claire de la part de la classe politique et bancaire de contenir les dégâts, afin de protéger leurs propres intérêts et d’éviter que d’autres scandales ne viennent éclater au grand jour. Cette « boîte de Pandore », une fois ouverte, pourrait bien entraîner des révélations dévastatrices pour l’élite libanaise.

L’affaire Optimum, avec la possible implication de Nicolas Nahhas, met en lumière les profondes ramifications de la corruption et des réseaux d’influence au sein du système financier libanais. L’enquête menée par la juge Ghada Aoun, bien que freinée, soulève des questions légitimes sur le rôle de Nahhas, en tant que conseiller de Mikati et président du Conseil de gouvernance de Libank et amène à s’interroger aussi sur son plan de restructuration du secteur financier qui n’inclue aucune mesure visant les actionnaires actuels des banques locales. Les conclusions de cette affaire seront déterminantes pour évaluer la viabilité de son plan de restructuration et, plus largement, pour rétablir la confiance dans le secteur bancaire libanais.