Des affrontements violents ont éclaté jeudi dans la région frontalière entre la Syrie et le Liban, opposant des clans libanais aux combattants de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe islamiste qui constitue désormais l’autorité dominante dans plusieurs régions de la Syrie. Ce regain de tensions souligne l’instabilité persistante de la frontière et met en lumière l’évolution des relations entre Beyrouth et Damas, dans un contexte où la nouvelle administration syrienne affiche une volonté de rupture avec le passé.
Affrontements à la frontière : des combats intenses entre clans libanais et HTS
Les combats ont éclaté dans la ville syrienne de Hawik, traditionnellement peuplée de Libanais, entre les clans libanais Zoaiter et Jaafar et des combattants de HTS. Selon les informations disponibles, les clans libanais ont réussi à capturer du matériel militaire, tuant deux membres de HTS et en capturant deux autres.
Dans le même temps, une roquette est tombée aux abords de la localité libanaise d’al-Qasr, blessant un soldat de l’armée libanaise. Face à l’intensification des affrontements, l’armée libanaise a rapidement envoyé des renforts pour empêcher toute incursion de combattants syriens sur son territoire.
Après plus de deux heures de combats, les forces de HTS ont pris le contrôle de Hawik, provoquant l’exode des résidents libanais vers le Liban. Plusieurs maisons ont été détruites par les combattants islamistes, intensifiant encore la crise humanitaire à la frontière.
Des affrontements similaires ont également été signalés dans la région de Jirmash, où des clans locaux ont tenté de résister à l’avancée des forces de HTS.
Un conflit lié au contrôle des routes de contrebande
L’un des enjeux clés de ces affrontements est le contrôle des routes de contrebande entre la Syrie et le Liban. Historiquement, ces passages clandestins ont été utilisés pour divers trafics, notamment d’armes, de carburant et de drogues.
Selon le quotidien Annahar, les combats ont éclaté en raison des efforts des nouvelles autorités syriennes pour établir des points de contrôle dans la région, avec pour objectif de mettre fin au commerce illégal qui transite par la frontière. Les forces syriennes auraient utilisé des obus de mortier et des canons anti-aériens de 23 mm pour neutraliser la résistance des clans locaux.
Damas affirme vouloir renforcer la souveraineté syrienne et sécuriser ses frontières après des années de guerre civile chaotique. Cependant, ces mesures entrent en conflit avec les intérêts de certains groupes libanais historiquement liés aux réseaux de contrebande.
Un tournant dans les relations entre Beyrouth et Damas
Ces affrontements interviennent alors que le président syrien Ahmad al-Sharaa et le Premier ministre libanais Najib Mikati se sont rencontrés à Damas le mois dernier. Lors de cette réunion, Al-Sharaa a affirmé que la Syrie ne tolérerait plus le passage d’armes et d’argent vers le Hezbollah, marquant une rupture significative avec la politique de son prédécesseur Bachar al-Assad.
Selon le journal Al-Akhbar, le président syrien a critiqué le Hezbollah et l’Iran pour leur implication dans la guerre civile syrienne. Ce revirement stratégique complique la position du Hezbollah, qui dépendait largement du territoire syrien pour ses approvisionnements militaires.
Les discussions entre Mikati et Al-Sharaa ont également porté sur la délimitation des frontières terrestres, un sujet sensible qui alimente les tensions entre les deux pays depuis des décennies. Le sort des milliers de Libanais disparus sous le régime d’Assad a aussi été abordé, tout comme la question du retour des réfugiés syriens présents au Liban.
Le président syrien a demandé du temps pour résoudre ces questions, assurant que les prisons syriennes avaient été vidées et mettant en garde contre l’émergence de nouvelles cellules de l’État islamique dans le nord du Liban.
Le Hezbollah face à une nouvelle réalité régionale
La prise de position de Damas contre la contrebande d’armes et les intérêts du Hezbollah marque un tournant majeur. Pendant des décennies, l’organisation chiite libanaise a bénéficié du soutien logistique du régime syrien pour acheminer des armes depuis l’Iran. Mais avec la chute d’Assad et l’arrivée d’un gouvernement syrien plus soucieux de contrôler son territoire, cette dynamique est en train de changer.
Le Hezbollah se retrouve désormais dans une position délicate, devant jongler entre la nécessité de maintenir ses capacités militaires et la nouvelle politique syrienne qui semble vouloir limiter son influence. Ce changement pourrait également avoir des implications sur l’équilibre des forces au Liban, où le Hezbollah joue un rôle politique et militaire central.
L’armée libanaise, quant à elle, doit gérer une situation complexe, cherchant à éviter une escalade avec la Syrie tout en empêchant que le conflit ne déborde sur son territoire. La présence militaire renforcée à la frontière pourrait contenir temporairement les tensions, mais la question du contrôle des passages frontaliers reste un sujet brûlant.
Un avenir incertain pour la région frontalière
Les récents affrontements entre les clans libanais et HTS ne sont que le reflet d’une dynamique plus large qui traverse la région. La frontière libano-syrienne reste un espace contesté où se mêlent enjeux politiques, stratégiques et économiques.
Avec la volonté affichée de Damas de stabiliser ses frontières et de couper les routes de contrebande, de nouvelles tensions sont à prévoir, notamment avec les groupes libanais qui ont longtemps profité de cette porosité frontalière. La présence du Hezbollah dans cette équation ajoute un facteur d’incertitude, alors que l’organisation doit repenser ses stratégies face aux changements imposés par la nouvelle administration syrienne.
Si les discussions entre Mikati et Al-Sharaa ont montré une volonté de dialogue, elles n’ont pas encore permis d’apporter des solutions concrètes aux nombreux points de friction entre les deux pays. L’avenir de la relation entre Beyrouth et Damas dépendra en grande partie de la capacité des autorités libanaises et syriennes à trouver un équilibre entre sécurité, politique et intérêts économiques.