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Banques et politiciens complices : la grande évasion des milliards libanais

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L’un des plus grands scandales financiers de ces dernières années au Liban concerne la fuite massive de capitaux qui a eu lieu en pleine crise bancaire. Entre 2019 et 2022, environ 8 milliards de dollars auraient été transférés illégalement à l’étranger par des personnalités influentes, contournant ainsi les restrictions imposées sur les retraits et les virements bancaires. Cette affaire, qui alimente le ressentiment populaire et la défiance envers les institutions, pose la question de l’impunité financière et de ses conséquences sur la stabilité économique du pays.

Des transferts en pleine crise bancaire

Dès 2019, l’économie libanaise est entrée dans une phase de dégradation accélérée, marquée par une perte de confiance généralisée dans le secteur financier. Face à une hémorragie de capitaux menaçant les réserves monétaires du pays, la Banque du Liban (BDL) et les établissements bancaires ont instauré des restrictions sévères sur les retraits en devises étrangères et les transferts internationaux. L’objectif officiel était d’empêcher l’effondrement du système financier en limitant la sortie des dollars encore disponibles. En réalité, ces mesures ont principalement frappé les épargnants ordinaires et les petites entreprises, qui se sont retrouvés dans l’incapacité totale d’accéder à leurs économies, tandis que certaines élites politiques et économiques bénéficiaient d’un traitement préférentiel en toute discrétion.

Les restrictions imposées ont entraîné une asphyxie économique pour la population, avec des files interminables devant les banques et des retraits limités à quelques centaines de dollars par mois, indépendamment du solde détenu sur les comptes. Pendant ce temps, de nombreuses entreprises, dépendantes des devises pour l’importation de matières premières et de produits essentiels, ont rapidement sombré dans la faillite, aggravant encore davantage la récession. Cette inégalité dans l’accès aux fonds a non seulement creusé les écarts entre les différentes classes sociales, mais elle a également érodé la confiance dans le secteur bancaire libanais, autrefois considéré comme un pilier de stabilité au Moyen-Orient.

Cependant, tandis que la majorité des citoyens étaient soumis à ces restrictions drastiques, des figures influentes du monde politique, des magnats de la finance et certains banquiers auraient exploité des failles réglementaires pour exfiltrer d’énormes sommes d’argent vers l’étranger. Des enquêtes bancaires et des rapports financiers ont révélé que plus de 8 milliards de dollars ont été discrètement transférés vers des comptes en Suisse, au Luxembourg, aux Émirats arabes unis et d’autres paradis fiscaux, alors que la crise battait son plein.

Ces opérations auraient été réalisées grâce à un réseau de banques complices, qui auraient utilisé des sociétés écrans et des comptes offshore pour masquer les transferts. Dans certains cas, des transactions ont été effectuées via des institutions étrangères opérant au Liban, qui n’étaient pas directement soumises aux restrictions imposées par la Banque du Liban. D’autres stratagèmes impliquaient la conversion clandestine de livres libanaises en dollars via des circuits parallèles, avant que ces fonds ne soient transférés à l’étranger sous des prétextes administratifs tels que des investissements fictifs ou des paiements commerciaux.

Cette situation a laissé la population dans un état de frustration et de colère croissante, d’autant plus que les banques, qui avaient fermé l’accès aux dépôts des Libanais ordinaires, continuaient à opérer des transferts massifs pour une minorité de privilégiés. Alors que les familles luttaient pour récupérer quelques billets de banque, les élites détournaient des sommes colossales, accélérant ainsi la descente du pays dans une crise financière sans précédent.

Qui sont les responsables et pourquoi l’enquête piétine-t-elle ?

Le scandale des 8 milliards de dollars transférés à l’étranger a éclaté après une série de révélations issues d’enquêtes internationales et de fuites internes au sein du secteur bancaire. Ces informations, recoupées par plusieurs médias et organismes de surveillance financière, ont mis en lumière des transactions suspectes orchestrées par des personnalités politiques de premier plan et des dirigeants de grandes institutions financières. Profitant de leur accès privilégié aux circuits bancaires et de leur influence sur la réglementation financière, ces individus auraient contourné les restrictions imposées aux citoyens ordinaires, déplaçant discrètement leurs fonds vers des banques étrangères et des comptes offshore.

Les dénonciations internes, émanant notamment d’employés de banques frustrés par l’injustice du système, ont révélé l’existence d’instructions internes permettant de valider des transferts pour une clientèle « VIP » alors que les clients ordinaires étaient soumis à des plafonds stricts. Certains documents divulgués montrent que des opérations de sortie de capitaux ont continué à être autorisées même après l’adoption des mesures de contrôle des changes. Ces pratiques ont permis à une poignée de privilégiés de protéger leurs avoirs, alors que des millions de Libanais étaient laissés sans accès à leurs propres comptes.

Malgré ces révélations, aucune inculpation majeure n’a été prononcée à ce jour. Les enquêtes judiciaires, pourtant ouvertes sous la pression de l’opinion publique, n’ont abouti à aucune arrestation ni restitution des fonds. Plusieurs magistrats et enquêteurs financiers ont fait état de pressions directes exercées par des figures politiques influentes, cherchant à ralentir ou étouffer les investigations. Des témoignages anonymes provenant du milieu judiciaire font état de menaces à l’encontre de certains juges, tandis que des experts financiers évoquent des interventions de haut niveau visant à bloquer l’accès à des documents bancaires essentiels.

Ce blocage judiciaire met en évidence les profondes failles du système de gouvernance au Liban, où les élites économiques et politiques bénéficient d’une impunité quasi totale. La lenteur des investigations et l’absence de mesures concrètes contre les responsables suscitent une indignation croissante parmi la population, qui voit dans cette affaire une nouvelle preuve du clientélisme et de la corruption enracinée dans les institutions du pays. Tant que ces fonds ne seront pas récupérés et que des poursuites sérieuses ne seront pas engagées, la crédibilité du système judiciaire libanais continuera d’être remise en question.

Un impact direct sur la crise économique

La fuite de ces 8 milliards de dollars a eu des conséquences désastreuses sur l’économie libanaise. Ces capitaux représentaient une part essentielle des réserves en devises, qui auraient pu être utilisées pour stabiliser la livre libanaise, assurer l’importation de biens essentiels et maintenir les subventions sur des produits de base.

Au lieu de cela, le pays a été plongé dans une dévaluation incontrôlable, avec une monnaie ayant perdu plus de 98 % de sa valeur en quelques années. L’incapacité des banques à garantir les dépôts en dollars a également provoqué la ruine de milliers de familles et d’entreprises, qui ont vu leurs économies disparaître dans un système financier paralysé.

Pourquoi aucune restitution des fonds n’a été obtenue ?

Contrairement à d’autres pays ayant connu des fuites massives de capitaux, le Liban n’a pris aucune mesure concrète pour récupérer l’argent transféré illégalement. Plusieurs États ont réussi, grâce à des accords internationaux et des pressions diplomatiques, à retrouver et rapatrier une partie des fonds détournés par leurs élites. Mais dans le cas du Liban, aucune demande officielle de restitution n’a été adressée aux pays où ces fonds sont désormais stockés.

Les obstacles sont nombreux. D’une part, les banques étrangères exigent des preuves solides pour justifier une saisie des fonds, ce qui suppose une enquête judiciaire approfondie que les autorités libanaises ne semblent pas prêtes à mener. D’autre part, la complicité de certaines institutions bancaires locales rend difficile la traçabilité de ces capitaux, en raison du manque de transparence du secteur financier.

Un scandale qui nourrit la défiance envers l’État

Cette affaire alimente la colère des Libanais, qui voient dans ces transferts une preuve supplémentaire de la corruption et de l’impunité des élites. Les manifestations et protestations contre le système bancaire, qui ont éclaté dès 2019, continuent de refléter un sentiment d’injustice profond. Alors que des milliers de citoyens ne peuvent retirer que quelques centaines de dollars de leurs comptes bloqués, les responsables politiques et économiques bénéficient de réseaux leur permettant de protéger leur fortune.

L’absence d’avancée judiciaire dans ce dossier renforce la méfiance généralisée envers les institutions, qu’il s’agisse du secteur bancaire, du gouvernement ou du pouvoir judiciaire. De nombreux Libanais estiment que tant que ces fonds ne seront pas restitués et que les responsables ne seront pas jugés, aucune reprise économique n’est possible.

Quelles solutions pour récupérer ces fonds ?

Plusieurs pistes existent pour tenter de récupérer une partie de ces 8 milliards de dollars. Une première option serait d’activer des accords de coopération judiciaire internationale, permettant aux banques étrangères de geler les comptes suspects et d’ouvrir des enquêtes pour identifier les propriétaires réels des fonds.

Une autre solution serait de mettre en place une commission indépendante pour enquêter sur les transferts, avec un pouvoir judiciaire renforcé pour poursuivre les responsables. Certains experts suggèrent également de faire appel aux Nations Unies ou à d’autres organismes internationaux pour obtenir une pression politique sur les pays hébergeant ces capitaux.

Toutefois, ces solutions restent difficiles à appliquer sans une volonté politique forte, qui fait actuellement défaut au Liban. La majorité des figures impliquées dans ce scandale appartiennent aux cercles du pouvoir, ce qui rend improbable toute initiative sérieuse en l’absence d’une pression populaire et internationale.

Un test pour la crédibilité du système judiciaire

L’issue de cette affaire constituera un test décisif pour la justice libanaise. Si ces fonds restent définitivement hors d’atteinte, cela enverra un message désastreux à la population et aux investisseurs, confirmant que le Liban est un pays où la corruption l’emporte sur l’État de droit.

En revanche, si une enquête approfondie aboutit à des inculpations et à des tentatives de restitution, cela pourrait restaurer une partie de la confiance dans les institutions et marquer un premier pas vers une réforme économique. Pour l’instant, cependant, les blocages politiques et judiciaires empêchent toute avancée réelle, laissant ce scandale s’ajouter à la longue liste des affaires restées impunies au Liban.

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Newsdesk Libnanews
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