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BDL: Karim Soueid dévoile enfin son programme et plaide pour la vente d’actifs étatiques

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Karim Soueid, gouverneur de la Banque du Liban (BDL), a défendu son plan d’action à Washington, D.C., devant des interlocuteurs américains et des institutions financières internationales. Pourtant, derrière des engagements de surface, son programme soulève de vives critiques sur sa cohérence et son indépendance.

Une allégeance assumée au Trésor américain

Karim Soueid a promis d’appliquer scrupuleusement toutes les directives du Trésor américain. Cet engagement sans réserve interroge sur la souveraineté de la Banque centrale, censée agir au service des intérêts libanais. Plutôt que de négocier un plan adapté aux réalités locales, Soueid semble prêt à exécuter les recommandations américaines, quitte à exacerber les tensions internes.

Cette attitude questionne d’autant plus que le Liban traverse une crise existentielle, nécessitant des solutions enracinées dans sa propre réalité socio-économique plutôt qu’une application mécanique de recettes externes.

Un projet flou pour éradiquer l’économie du cash

S’attaquer à l’économie informelle est un objectif légitime. Mais sans reconstruire un secteur bancaire digne de confiance, cette ambition relève de l’illusion. Depuis la faillite du système bancaire, les Libanais n’ont d’autre choix que d’opérer en cash. Fermer des institutions parallèles comme « Al-Qard Al-Hassan » pourrait même aggraver la situation sociale, sans plan alternatif clair.

Il convient de noter qu’Al-Qard Al-Hassan, proche du Hezbollah, est au cœur de nombreuses controverses. Officiellement présentée comme une coopérative de prêt sans intérêt, cette structure est accusée par les autorités américaines d’agir comme un outil financier du Hezbollah, échappant aux contrôles de la Banque du Liban. Dans le contexte actuel d’intenses tensions politiques et régionales, sa fermeture risquerait de déclencher des réactions politiques et sociales déstabilisatrices, tout en exacerbant la défiance déjà profonde envers les institutions étatiques.

En l’absence de mécanismes crédibles de confiance et de protection des épargnants, toute tentative de réduire les transactions en espèces risque de précipiter davantage de Libanais dans la pauvreté.

Des promesses en faveur des petits déposants difficilement crédibles

Soueid affirme vouloir protéger les petits déposants. Or, son programme n’apporte aucune solution concrète pour compenser les pertes massives subies par les épargnants. Sans un mécanisme clair de remboursement ou de restructuration bancaire, ces engagements restent lettre morte.

Au contraire, plusieurs signaux indiquent que la priorité réelle reste la consolidation des bilans des grandes banques, au détriment des citoyens ordinaires.

Une privatisation au profit des intérêts privés

Le gouverneur soutient la vente d’actifs publics majeurs, tels que Middle East Airlines (MEA) et le Casino du Liban. Sous prétexte de recapitalisation, cette stratégie semble surtout servir les grands propriétaires de banques, déjà responsables du désastre financier. En facilitant leur accès à ces actifs stratégiques, Soueid risque de perpétuer le cycle de privatisation des profits et de socialisation des pertes.

Par conséquent, la vente d’actifs publics dont la valeur est surestimée par les banques pourrait s’avérer fatale à l’économie libanaise. Ces actifs risquent d’être bradés à des prix dérisoires, profitant en premier lieu aux propriétaires de banques eux-mêmes. En dépit de ses dénégations, le plan de Soueid ressemble étrangement à celui défendu par les banques libanaises, renforçant ainsi les soupçons d’un alignement sur leurs intérêts.

De plus, les institutions internationales, telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, se sont déjà opposées à une vente précipitée d’actifs publics. Elles insistent sur la nécessité de redresser d’abord les entreprises publiques concernées avant toute cession, afin d’éviter un appauvrissement supplémentaire de l’État. Quant au domaine public libanais, sa valeur réelle est largement surestimée : annoncée à près de 40 milliards de dollars par certains, elle ne dépasserait pas en réalité 5 milliards de dollars, selon des estimations plus crédibles.

Le dossier explosif de l’or de la Banque du Liban

Pour l’heure, Karim Soueid n’a pas évoqué publiquement le statut de l’or de la Banque du Liban. Pourtant, ce sujet constitue l’un des points les plus sensibles du débat économique libanais.

  • Montant des réserves : Environ 286 tonnes d’or, soit une valeur estimée à plus de 17 milliards de dollars en 2025.
  • Protection légale : Depuis 1986, une loi interdit strictement la vente de l’or de la BDL sans l’accord explicite du Parlement.
  • Position passée de Soueid : Lors de ses fonctions précédentes, il a sponsorisé une étude plaidant pour une vente partielle de l’or afin de financer la restructuration bancaire.
  • Controverse : Cette proposition avait déclenché une forte opposition, considérant l’or comme la dernière garantie de la souveraineté économique libanaise.

Toute tentative future de liquider même une fraction de ces réserves risquerait de provoquer une instabilité politique et sociale majeure.

Les dangers géopolitiques d’une privatisation précipitée

La vente d’actifs publics au Liban dans le contexte actuel comporte également des risques géopolitiques majeurs. Le pays, placé au carrefour d’intérêts régionaux opposés, pourrait voir ses ressources stratégiques tomber sous la coupe d’acteurs étrangers.

En l’absence de cadre transparent, la cession d’entreprises comme MEA ou du Casino du Liban pourrait attirer des acheteurs proches de puissances régionales, menaçant ainsi l’équilibre économique et politique du pays.

De nombreux précédents historiques, tels que la privatisation des télécoms ou des services portuaires dans les années 1990, montrent que de telles opérations, mal encadrées, ont souvent abouti à une concentration monopolistique et à une hausse des prix pour les usagers sans réelle amélioration des services.

Dans un contexte d’instabilité chronique, la préservation du peu de patrimoine national encore existant devrait donc constituer une priorité absolue.

Les acteurs locaux en embuscade

La perspective de privatisations massives risque aussi d’attiser les appétits des grandes familles bancaires libanaises. Historiquement très influentes, certaines dynasties financières — telles que les groupes Audi, Sursock, ou encore les héritiers de grandes fortunes industrielles — disposent des liquidités et du réseau nécessaires pour s’approprier ces actifs à prix réduit.

De même, certains consortiums régionaux, notamment issus des pays du Golfe ou de réseaux d’affaires syro-libanais, pourraient se positionner, accentuant la dépendance stratégique du Liban vis-à-vis d’intérêts extérieurs.

L’absence de garde-fous stricts transformerait ainsi la privatisation en un nouveau transfert de richesses au détriment de l’intérêt général, aggravant les inégalités économiques et sapant toute perspective de redressement indépendant.

Encadré : Une convergence troublante

ÉlémentPlan SoueidPlan des banques
Vente d’actifs publicsOui, pour recapitaliser la BDLOui, pour couvrir les pertes sans contribution bancaire
Protection des déposantsPromesse sans mécanisme clairAucune garantie réelle prévue
Lutte contre l’économie informelleMise en avant, sans plan de restructuration bancairePrioritaire, mais sans solutions crédibles
Relations avec WashingtonSoumission aux directives du Trésor américainAlignement sur les conditionnalités internationales

Cette convergence montre que, malgré ses dénégations publiques, la feuille de route défendue par Karim Soueid épouse dans les grandes lignes les revendications du secteur bancaire.

Middle East Airlines : un joyau fragilisé

Une rentabilité en trompe-l’œil

MEA est historiquement rentable mais dépend d’un marché extrêmement instable. L’illusion de valeur repose sur des chiffres anciens, alors que les crises successives ont lourdement affaibli sa position.

La compagnie a su préserver un rôle symbolique durant les conflits, mais son modèle d’affaires reste exposé à des risques opérationnels majeurs.

Une flotte sous contrainte

Sur les 22 avions exploités, seuls 9 appartiennent directement à MEA. La majorité des appareils sont sous leasing, réduisant fortement la valeur nette de la compagnie. Toute cession devra intégrer ces engagements financiers lourds.

Une valorisation incertaine

En 2025, l’estimation de MEA oscille entre 200 et 400 millions USD. Mais ce chiffre pourrait s’avérer optimiste face à l’intensification des risques géopolitiques et à la contraction du transport aérien.

Casino du Liban : un actif déclinant

Un symbole à la dérive

Le Casino du Liban, fleuron du passé, est aujourd’hui plombé par la crise économique et l’instabilité régionale. Ses revenus ont fondu, passant de 100 à moins de 50 millions USD.

Son potentiel de redressement est amoindri par la baisse structurelle du tourisme et l’insécurité chronique du pays.

Une cession à haut risque

Valorisé entre 30 et 100 millions USD, le Casino représente un pari risqué. Le vendre dans un contexte de crise déprécierait encore plus les actifs de l’État libanais.

Tout acquéreur potentiel pourrait obtenir ces actifs à vil prix, dans une opacité totale, privant ainsi l’État d’un levier stratégique pour son éventuel redressement futur.

Une feuille de route contestée

La stratégie de Karim Soueid soulève de sérieuses interrogations sur ses véritables objectifs. L’absence de réformes bancaires structurelles, l’opacité des processus de privatisation, et l’allégeance affichée aux directives étrangères alimentent la méfiance.

Si l’internationalisation du dossier libanais est inévitable, sa gestion ne peut se résumer à la liquidation de ses rares actifs rentables au profit d’intérêts privés.

La communauté internationale, à travers le FMI et la Banque mondiale, devra exiger une transparence totale, un audit rigoureux et des mécanismes de gouvernance clairs avant toute opération de vente.

Le risque est grand de voir le Liban perdre ce qui lui reste de patrimoine public au profit des cercles financiers qui ont contribué à son effondrement.

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