Un scrutin échelonné sur tout le mois de mai
Les bureaux de vote ont ouvert ce dimanche matin dans la région du Mont-Liban, donnant le coup d’envoi d’une série d’élections municipales échelonnées sur quatre week-ends consécutifs. Il s’agit des premières élections municipales organisées au Liban depuis neuf ans : le dernier scrutin local remontait à 2016, alors que ces élections auraient dû avoir lieu en 2022 après un mandat de six ans. Depuis, les mandats des conseils municipaux ont été prolongés en raison de la crise économique et financière de 2019, de l’explosion du port de Beyrouth en 2020 et de tensions sécuritaires liées au conflit israélo-palestinien de 2023. Au total, près de 3,7 millions de Libanais sont appelés à renouveler les conseils municipaux d’environ 1 000 localités, dont 333 dans le Mont-Liban.
Mont-Liban en première ligne : chiffres clés et candidats
Pour cette première journée de vote, le Mont-Liban concentre l’attention. Cette région centrale compte 333 municipalités, dont 68 ont été remportées par acclamation, en l’absence de liste concurrente. Le dépôt des candidatures a fermé sur 9 321 dossiers validés, répartis entre 8 142 candidats masculins et 1 179 candidates féminines. Parallèlement aux conseils municipaux, 845 moukhtars (chefs de village ou de quartier) doivent être élus dans les six cazas (districts) de la région : Metn, Kesrouan, Jbeil, Baabda, Aley et Chouf.
Appel à une participation massive
La veille du scrutin, le ministère de l’Intérieur et des Municipalités a lancé un appel pressant aux électeurs via son compte officiel sur “X” : « Parce que le pays commence par la municipalité… participez nombreux au vote, dans un climat de démocratie et de transparence totale ». De son côté, le président de la République a enchaîné les visites de contrôle : d’abord au ministère de l’Intérieur, puis à la présidence de la République à Baabda et enfin au ministère de la Défense, exprimant sa « confiance dans le bon déroulement de cette échéance constitutionnelle » et soulignant que « ce qui se passe aujourd’hui au Mont-Liban sera un moteur pour les autres provinces ».
Le ministre de l’Intérieur, Bassam Mawlawi, a également effectué une tournée des centres de vote, notamment à Ghobeiri, pour s’assurer du bon déroulement des opérations.
Contexte politique et enjeux locaux
Bien qu’il s’agisse d’un scrutin local, ces élections revêtent un enjeu national : neuf ans après la dernière consultation, le paysage politique libanais a été profondément remanié par la crise de 2019 et la contestation populaire. Dans les bastions chrétiens du Metn et de Kesrouan, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre s’affrontent pour asseoir leur influence. Dans les cazas druzes du Chouf et d’Aley, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt défend ses fiefs face à des listes indépendantes soutenues par ses rivaux. Par contraste, dans plusieurs communes à majorité chiite, le Hezbollah et Amal ont opté pour des listes uniques afin de garantir une transition sans heurts. Ces résultats seront scrutés de près en vue des législatives prévues en 2026.
Défis logistiques
Organiser un scrutin en pleine crise économique reste un défi. Les élections municipales ont été repoussées à plusieurs reprises faute de budget. Le découpage en quatre phases vise à limiter les coûts et à alléger la logistique. Malgré la pénurie de carburant, les autorités ont assuré l’impression et la distribution des bulletins, la mise en place des urnes et la formation du personnel électoral. Chaque électeur doit voter dans sa localité d’origine, ce qui pourrait peser sur la participation, notamment pour les Libanais résidant à Beyrouth et contraints de se déplacer vers leur village natal.
Dispositif sécuritaire et incident mineur
Un périmètre de sécurité de 50 mètres entoure chaque centre de vote. Depuis la veille, la circulation des motos est interdite à proximité des bureaux pour prévenir tout incident. Des patrouilles de l’armée et des Forces de sécurité intérieure veillent au bon déroulement du scrutin. À Haret Hreik, un incident mineur s’est produit lorsqu’une personne, ne disposant pas des justificatifs nécessaires, a tenté de voter. Le chef du bureau de vote l’a immédiatement empêchée et l’individu s’en est pris verbalement à lui. Les forces de sécurité, présentes sur place, sont rapidement intervenues et ont circonscrit la situation sans qu’elle n’entraîne de perturbation du scrutin.
Si cette première phase se conclut sans encombre, l’étape suivante aura lieu le dimanche 11 mai dans les gouvernorats du Liban-Nord et d’Akkar, suivie du scrutin à Beyrouth et en Békaa le 18 mai, puis des provinces du Sud et de Nabatiyé le samedi 24 mai. L’issue de ces élections servira de baromètre politique avant les législatives de 2026 et marquera, pour de nombreux observateurs, un test de résilience démocratique dans un Liban toujours en proie à de multiples crises.