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Allemagne : la transition énergétique au bord du précipice

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Une ambition verte sous tension : des objectifs ambitieux face à une réalité alarmante

En ce début mars 2025, l’Allemagne, fer de lance économique de l’Europe, fait face à des vents contraires dans sa transition énergétique. L’ »Energiewende », plan ambitieux lancé il y a plus de vingt ans, vise 80 % d’énergies renouvelables dans la production électrique d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2045. Mais en 2024, les renouvelables – éolien, solaire, biomasse – n’ont couvert que 46 % de la consommation électrique, loin des objectifs malgré un bond depuis les 17 % de 2010. La sortie du nucléaire en avril 2023 et la fin du gaz russe en 2022 ont créé un vide que Berlin lutte pour combler, mettant en péril son industrie et ses engagements climatiques. L’industrie, qui absorbe 40 % de l’énergie nationale, ploie sous des coûts électriques exorbitants – 0,35 euro par kWh en 2024 selon Eurostat, 50 % de plus qu’en France. Cette pression fragilise des secteurs clés comme la chimie, la métallurgie et l’automobile, menaçant la compétitivité allemande face à la Chine et aux États-Unis. Sous la nouvelle direction de Friedrich Merz, élu chancelier le 23 février 2025, l’Allemagne doit redresser une transition vacillante pour éviter un double échec économique et écologique. En 2024, l’éolien terrestre a stagné à 140 TWh, le solaire a atteint 60 TWh, mais le charbon, avec 30 % de l’électricité, reste incontournable, émettant 760 millions de tonnes de CO2 – 5 % de plus qu’en 2023. La perte des 100 TWh annuels du nucléaire en 2022 n’a pas été compensée, exposant les failles d’une stratégie ambitieuse mais mal exécutée.

L’héritage de la crise russe : une facture énergétique salée et une sécurité compromise

L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a bouleversé l’approvisionnement énergétique allemand. Avant la guerre, 55 % du gaz venait de Russie, un combustible abordable essentiel à l’industrie. Son arrêt a poussé Berlin vers le gaz naturel liquéfié (GNL) américain et qatari, qui représente 40 % des importations en 2024. Mais les prix ont grimpé à 45 euros par MWh en décembre 2024, 30 % de plus qu’en 2021, selon le marché européen, forçant des géants comme BASF à délocaliser des unités en Chine et aux États-Unis. La sortie du nucléaire en 2023, achevant un plan de Merkel, a amplifié cette fragilité. Les trois dernières centrales offraient une stabilité perdue, et en 2024, des pics de demande ont relancé le charbon et le lignite, avec une hausse de 20 % des importations colombiennes. Cette dépendance aux fossiles contredit les objectifs climatiques et expose l’Allemagne à des critiques croissantes. Les entreprises paient le prix fort : la chimie a vu sa production chuter de 12 % depuis 2022, tandis que les coûts énergétiques menacent la compétitivité face à des pays où l’énergie reste bon marché.

L’industrie en sursis : des secteurs énergivores au bord de la rupture et une compétitivité en chute libre

Les coûts énergétiques sapent l’industrie allemande, qui repose sur une énergie abordable pour ses exportations. En 2024, Thyssenkrupp a supprimé 5 000 emplois dans la métallurgie, et l’automobile, avec 800 000 emplois, a produit 8 % de véhicules en moins selon la VDA. Volkswagen envisage des fermetures d’usines, tandis que BMW et Mercedes-Benz perdent du terrain face à BYD, qui a vendu 200 000 véhicules électriques en Europe en 2024. Face aux États-Unis (gaz à 15 euros par MWh) et à la Chine (énergie subventionnée), l’industrie décroche. L’indice de compétitivité a reculé de 7 % en 2024 selon l’IW, et sans une énergie abordable, une désindustrialisation menace, avec 200 000 emplois en péril d’ici 2030, selon la Bundesbank. La transition vers les renouvelables, censée soutenir l’industrie, se heurte à des coûts prohibitifs et à une offre insuffisante, laissant des secteurs clés dans une impasse face à des concurrents mondiaux plus agiles.

Les infrastructures en crise : éolien, solaire et réseaux à la traîne

L’éolien terrestre, pilier de la transition, stagne à 140 TWh en 2024, soit 25 % de l’électricité, avec 29 000 turbines installées. Seules 500 nouvelles unités ont été ajoutées sur un objectif de 1 000, freinées par des vents 10 % en dessous de la moyenne décennale et des obstacles structurels. Les procédures d’approbation, longues de cinq ans, et des règles strictes en Bavière (distance de 10 fois la hauteur des turbines aux habitations) bloquent les projets. En 2024, 70 % des initiatives ont fait face à des recours citoyens, selon l’Association allemande de l’énergie éolienne, pour des raisons esthétiques, sonores (45 dB) ou écologiques – 100 000 oiseaux tués annuellement. Dans le nord, des agriculteurs demandent 50 000 euros par an par turbine, et en Schleswig-Holstein, seuls 150 MW ont été ajoutés contre 400 prévus. L’éolien offshore, plus stable, a généré 30 TWh avec 1 500 turbines en mer du Nord et Baltique, soit 5 % de l’électricité. L’objectif de 40 GW d’ici 2030 (contre 8 GW en 2024) est compromis par des coûts de 4 millions d’euros par turbine et des retards de raccordement – un projet de 1 GW au large de Borkum est repoussé à 2026.

Le solaire, quant à lui, progresse avec 60 TWh en 2024, soit 10 % de l’électricité, grâce à 3,5 GW de capacité ajoutée – un record. Le parc atteint 70 GW, avec 2,5 millions d’installations, dont 60 % sur des toits privés, selon la Bundesnetzagentur. Les subventions de 2 milliards d’euros et des panneaux à 0,08 euro par watt ont dopé la croissance, surtout en Bavière, où 20 % des foyers sont équipés. Mais les réseaux saturés ont gâché 1 TWh en été 2024, coûtant 200 millions d’euros, faute de stockage – 1 GW de batteries contre un besoin de 10 GW d’ici 2030. La dépendance à 80 % aux panneaux chinois limite les emplois locaux (50 000 contre 300 000 en Chine), et le solaire, bien qu’il ait évité 20 millions de tonnes de CO2 en 2024, ne réduit pas assez les coûts industriels. Le transport nord-sud reste problématique : sur 7 000 km de lignes nécessaires, seuls 1 000 km ont été construits, gaspillant 2 TWh en 2024. Le numérique est à la traîne, avec 30 % des foyers équipés de compteurs intelligents contre 80 % en France, et 60 % des PME sur des systèmes obsolètes, selon la Chambre de commerce.

Une politique sous pression : une coalition fragile et une opinion publique tiraillée face au défi vert

La transition énergétique se heurte à une instabilité politique. La coalition SPD-Verts-FDP s’est effondrée en novembre 2024 sur des divergences budgétaires, menant à des élections le 23 février 2025. Friedrich Merz (CDU/CSU), vainqueur avec 35 %, négocie en mars 2025 un gouvernement avec les Verts, qui exigent 100 milliards d’euros annuels pour les renouvelables, ou le FDP, attaché au frein à l’endettement, bloquant des réformes urgentes. Les Allemands soutiennent les objectifs climatiques (65 % en 2024 selon ARD), mais 55 % critiquent les coûts – taxes, prix élevés. L’AfD (15 % en février 2025) exploite ce mécontentement, dénonçant une « folie verte ». Merz promet une « transition abordable », mais ses baisses d’impôts laissent des doutes sur son engagement, retardant les investissements nécessaires alors que l’industrie et les citoyens attendent des réponses concrètes.

Les enjeux stratégiques : une dépendance aux importations et une place en Europe en jeu

L’Allemagne importe 80 % de ses éoliennes et panneaux solaires de Chine en 2024, selon l’Association des énergies renouvelables, l’exposant aux tensions géopolitiques et aux hausses des matières premières – lithium et cobalt en hausse de 40 %. Leader de l’UE avec 50 milliards d’euros pour le Pacte vert en 2024, elle risque de perdre en crédibilité si sa transition échoue, face à la France (nucléaire) ou aux pays nordiques (renouvelables avancés). Une Allemagne affaiblie fragiliserait l’UE face à la Russie et à la Chine, compromettant les ambitions climatiques et économiques européennes à long terme.

En mars 2025, la transition énergétique allemande est en péril. L’éolien stagne, le solaire progresse mais reste entravé par des réseaux et un stockage insuffisants, et les coûts menacent l’industrie. Merz doit choisir entre rigueur et investissements massifs. Sans inflexion, l’Allemagne ratera ses objectifs climatiques et sa puissance économique, avec des répercussions pour l’Union européenne. La transition, pilier d’un avenir durable, devient un test de résilience pour un pays au bord du précipice.

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Newsdesk Libnanews
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