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Désarmement des camps et visite d’Abbas : le Liban sous tension sécuritaire et diplomatique

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Une visite présidentielle à forte portée symbolique
Le 20 mai 2025, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a effectué une visite officielle au Liban à un moment particulièrement sensible pour les relations entre Beyrouth et les factions palestiniennes présentes sur le territoire. Selon Ad-Diyar (20 mai 2025), cette visite s’est déroulée dans un climat de tension croissante lié aux discussions en cours sur le désarmement des groupes armés dans les camps palestiniens, en particulier à Aïn el-Héloué, Bourj al-Barajneh et Beddawi.

La présence d’Abbas dans la capitale libanaise a été décrite comme « hautement stratégique » par plusieurs éditoriaux. Al Akhbar (20 mai 2025) souligne que ce déplacement s’inscrit dans une double logique : redorer le blason diplomatique d’un président affaibli par le conflit à Gaza et répondre aux sollicitations libanaises concernant la régulation sécuritaire des camps.

Accompagné d’une délégation de l’OLP, Abbas a rencontré le président libanais Joseph Aoun, ainsi que le Premier ministre Nawaf Salam. Les échanges ont porté sur le renforcement de la coordination entre les services de sécurité des deux pays, l’amélioration des conditions de vie dans les camps, mais surtout sur la nécessité d’un engagement clair des factions palestiniennes à désarmer les milices non alignées.

La question du désarmement : un vieux dilemme relancé
Le désarmement des camps palestiniens est une revendication ancienne de l’État libanais, souvent relancée à chaque regain de violence. Selon Al Joumhouriya (20 mai 2025), les affrontements survenus récemment à Aïn el-Héloué entre factions rivales ont fait craindre un débordement incontrôlable et ont motivé une nouvelle initiative de négociation menée conjointement par les services libanais de renseignement et la présidence de l’Autorité palestinienne.

L’accord évoqué à Beyrouth prévoit un processus en plusieurs étapes : d’abord l’identification des groupes armés présents dans chaque camp, ensuite une campagne de restitution volontaire des armes lourdes, et enfin le déploiement progressif de forces conjointes de sécurité palestinienne interne, sous supervision libanaise. Cette feuille de route, bien que soutenue par Abbas, suscite de fortes réticences chez certaines factions.

Al Akhbar cite notamment les refus exprimés par des cadres du Hamas et du Jihad islamique, qui estiment que le désarmement rendrait les réfugiés vulnérables, d’autant plus dans un contexte régional instable. Ils rappellent que les camps, souvent autogérés, constituent des espaces de mémoire et de résistance pour une population exclue des structures étatiques.

Aïn el-Héloué : un foyer sous haute surveillance
Le camp d’Aïn el-Héloué, situé près de Saïda, reste le point focal de toutes les inquiétudes. Selon Al Bina’ (20 mai 2025), ce camp concentre la majorité des incidents sécuritaires recensés depuis janvier, avec une série d’attaques ciblées, d’arrestations internes et de règlements de comptes entre factions. Les forces libanaises n’y interviennent pas directement, mais surveillent ses abords de manière continue.

Un responsable sécuritaire cité par Ad-Diyar admet que « la tolérance à l’égard des armes dans les camps atteint une limite », tout en reconnaissant qu’une intervention armée serait « une erreur stratégique ». Le journal ajoute que la complexité du tissu politique interne des camps rend tout processus de désarmement tributaire d’un consensus fragile.

La présence d’armes lourdes, y compris de roquettes artisanales, est confirmée par plusieurs sources. Le risque, pour les autorités libanaises, est de voir ces arsenaux devenir des points de rupture dans une éventuelle déstabilisation régionale. Des opérations de contrebande d’armes vers ou depuis ces camps sont également évoquées dans Al Liwa’ (20 mai 2025).

Les équilibres communautaires en jeu
Le débat sur le désarmement est d’autant plus explosif qu’il touche à la question communautaire. Pour une partie de l’opinion publique chrétienne et chiite, l’existence de milices palestiniennes sur le sol libanais constitue une violation de la souveraineté nationale. Des responsables politiques, notamment du bloc des Forces libanaises, ont réitéré leurs appels à une résolution immédiate de la question.

À l’inverse, certaines formations sunnites, dont des députés de Tripoli et Saïda cités par Al Sharq (20 mai 2025), plaident pour une approche plus souple, fondée sur la diplomatie et le partenariat avec l’OLP. Le président Abbas a d’ailleurs reçu le soutien symbolique du mufti de la République, qui a salué une « volonté de dialogue courageuse ».

Mais derrière ces divergences, un enjeu stratégique émerge : l’État libanais souhaite éviter que les camps palestiniens ne deviennent le prolongement indirect du conflit de Gaza sur son territoire. D’où la pression croissante exercée sur Abbas pour engager des réformes de gouvernance interne et marginaliser les factions les plus radicales.

Une opinion palestinienne fragmentée
Au sein même des camps, les réactions à la visite d’Abbas et au projet de désarmement sont contrastées. Si certains saluent une tentative de pacification et de normalisation, d’autres dénoncent une volonté d’alignement de l’OLP sur les injonctions libanaises. Al Akhbar rapporte des slogans hostiles brandis à Bourj el-Barajneh : « Pas de paix sans justice », « Abbas ne nous représente pas ».

Une militante associative du camp de Beddawi interrogée par Al Joumhouriya souligne que « les vrais problèmes ne sont pas les armes, mais l’absence de droit, de travail, et d’accès à la santé ». Elle accuse les deux gouvernements de se servir de la question sécuritaire pour éluder les problèmes humanitaires.

Dans les faits, les conditions de vie dans les camps restent extrêmement précaires. Al Liwa’ évoque une montée des tensions sociales, liée à la réduction de l’aide internationale et à la perte de statut de certains réfugiés au regard des nouvelles réglementations de l’UNRWA.

Vers un mécanisme de coordination permanente ?
Malgré les tensions, la visite de Mahmoud Abbas a débouché sur la création d’un comité bilatéral libano-palestinien chargé de superviser les discussions sur la sécurité des camps. Selon Ad-Diyar, ce comité devrait se réunir chaque mois et inclura des représentants de l’armée libanaise, du ministère de l’Intérieur, de l’OLP et de la Ligue des Oulémas palestiniens.

L’objectif affiché est double : contenir les débordements violents dans les camps, mais aussi poser les bases d’un pacte civique autour des droits des réfugiés. Le Liban, qui compte près de 475 000 réfugiés palestiniens enregistrés, selon les chiffres de l’UNRWA, entend faire de cette coordination un levier diplomatique régional.

En toile de fond, la question du droit au retour, du statut des réfugiés et de leur intégration économique revient sur la table. Pour l’heure, aucun accord concret n’a été signé, mais la relance du dialogue officiel est perçue comme un premier pas vers une résolution politique d’un dossier gelé depuis des décennies.

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Newsdesk Libnanews
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