Selon la convention de New York du 28 septembre 1954, l’apatride est «toute personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation».

Pratiquement, l’apatride est une personne dépourvue de toute nationalité, de carte d’identité et de passeport puisqu’elle est absente des registres de tout état civil.

Juridiquement, les apatrides n’ont donc pas d’existence propre. Et pourtant, physiquement, ils sont bien là, des hommes et des femmes, en chair et en os, vivant en marge de la société.

Il existe deux types d’apatridie: de jure et de facto.

Les apatrides de jure ne sont pas considérés comme des nationaux en vertu des lois du pays. Il existe cependant également des cas où une personne possède officiellement une nationalité mais cette nationalité n’est pas effective. Cette situation s’appelle l’apatridie de facto.

Il est parfois difficile de distinguer entre apatridie de jure et apatridie de facto. De ce fait, des millions de personnes dans le monde se retrouvent piégées dans ce vide juridique.

Parmi les principales causes d’apatridie, on retrouve la discrimination et les lacunes dans la législation sur la nationalité.

On estime vers 90 000 le nombre d’apatrides au Liban d’origines Libanaises, sans compter les Palestiniens, dont plus de la moitié sont des enfants. Ce  nombre est en augmentation permanente et ceci est dû à plusieurs facteurs: L’ignorance ou la négligence des parents (ces derniers n’ayant pas enregistré leur enfant au moment de sa naissance dans les registres de l’état civil), la naissance de l’enfant hors du territoire libanais (le père de nationalité libanaise n’ayant pas pris la peine de l’enregistrer), et l’incapacité de la femme libanaise à transmettre sa nationalité à ses enfants (l’époux n’ayant pas inscrit son enfant dans son propre pays). Aussi, faut-il noter que l’apatridie est héréditaire, et les enfants d’apatrides le deviennent aussi.

L’apatride, en raison de sa situation, et faute de document permettant de l’identifier, n’a droit ni à l’éducation, ni à l’hospitalisation, ni au mariage, ni au travail, ni au vote, ni à la propriété, ni à l’héritage. Il est, pour résumer, privé de tout droit civique, politique, social.

La situation d’apatride rend cette personne vulnérable a tout danger, et exposée au risque de subir des traitements arbitraires ainsi que des crimes comme, notamment, la traite d’êtres humains.

Pourtant, le droit à la nationalité est un droit humain fondamental. L’article 15 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948 déclare que ‘tous ont droit à une nationalité’. De ce droit découlent tous les autres droits et privilèges – à l’éducation, aux soins médicaux, à l’emploi, au voyage, à la protection de l’état – bref, le droit d’appartenir à une nation.

Le Liban est signataire de la déclaration universelle des droits de l’Homme. Il n’a cependant pas ratifié les deux conventions de l’ONU, la première relative au statut des apatrides et la deuxième sur la réduction des cas d’apatrides, et continue de soumettre le cas des apatrides à l’arrêté numéro 15 du 19/1/1925. L’article premier de cet arrêté a prévu dans ses alinéas 2 et 3 d’accorder la nationalité libanaise si la personne pouvait satisfaire les deux conditions suivantes, réunies:

Selon l’alinéa 2, il s’agit de toute personne née sur le territoire du « Grand Liban » qui n’a pas acquis de par sa naissance, une nationalité étrangère.

Selon l’alinéa 3, il s’agit de toute personne née sur le territoire du « Grand Liban » de parents inconnus ou de parents de nationalité inconnue.

Quant à la preuve des deux conditions précitées, elle doit être fournie par la partie requérante.

Pas conséquence, il existe aujourd’hui un grand nombre de cas qui ne peuvent légalement aspirer à la nationalité libanaise, faute de pouvoir satisfaire les deux conditions requises par l’arrêté numéro 15 du 19/1/1925. Loi qui demeure sans aucune révision ni amendement depuis 1925.

Faut- il pour autant accepter le fait que les apatrides d’origine Libanaise, sans autre solution, soient condamnés, pour la vie, a une existence sans identité?


Bouchra Doueihi

avocate à la cour, humaniste et cofondatrice de l’association Libanaise Women in Law Power –WILPower qui promeut le développement professionnel des femmes juristes, avocates, et étudiantes en droit au Moyen-Orient et dans la région du Golfe.

Bouchra Doueihi
Avocate à la cour, humaniste et adepte de la course de fond, cofondatrice de l’association Libanaise Women in Law Power –WILPower qui promeut le développement professionnel des femmes juristes, avocates, et étudiantes en droit au Moyen-Orient et dans la région du Golfe

Un commentaire?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.