Ô rage, ô désespoir, ô frontières victimes,
Le Liban délaissé sans ligne maritime !

Vingt-deux ans [1] sans définir une frontière
Vingt-deux ans de mensonges délétères !

Depuis le début tout est fait à l’envers
La volonté de détruire laisse sans vert [2] !

Le Liban est sous gouvernance tripartite,
Le bateau sombre sans pilote ni conduite!

De manques en fautes point d’hommes patriotes
Sans délimitation dans les eaux turbulentes !

Toute démarcation rend sitôt coupable
Car tout se passe sous la table !

Comment rêver d’une fixation de frontières
Tout se vend tout s’achète loin de la lumière !

Territoires maritimes, perdus Nord et Sud
Vicissitudes et inexactitudes !

Aucune affaire n’a connu telle magnitude
Incertitudes par toutes latitudes !

Présidents et Premiers ministres, tous des traîtres
Espions pourris et corrompus, quel orchestre !

De simples marionnettes, les parlementaires,
Nul n’a défendu ni la mer ni la Terre !

Tous incapables de s’unir pour l’avenir
Car tout ce qui unit le pays les fait fuir !

Tous ont gardé le silence, quelle omerta !
Tous coupables, on se croirait dans Patria [3] !

Confusions et désordres sans conscience,
Nul n’a fait son devoir avec résipiscence !

Qu’a-t-on fait pour cumuler tant de misères ?
Qu’a-t-on fait pour mériter ce silence pervers ?

Plus d’une décennie dans l’immobilisme
Amender le décret est un traumatisme !

6433 : cauchemar
Pour le Padre de la mafia avide de dollars [4] !

Que dire du Padre de l’accord-cadre
Encore un autre scandale sans loi-cadre [5] !

Souveraineté bafouée dans le silence
Tous les droits sont lâchés sans résistance !

Crises économiques et effondrements
Dans le seul but de céder le gaz dormant !

Pressions internationales façon usuraire !
Et tous se courbent face au numéraire !

Négociateurs envoyés et émissaires
Tous de la même race de sifflantes [6] vipères !

Ennemis attendus toujours comme messies
Sans foi ni loi, voleurs de richesses eux aussi !

Ensoutanés flétris de toute obédience,
Nous avons, hélas, entendu votre silence…

Maltraitance et souffrance faites par des rapaces
Séquence d’une histoire aux lourdes conséquences !

Les Pères fondateurs se tournent en leurs tombeaux,
Souhaitant linceul aux Présidents Tyranneaux !

Plusieurs actes, tragédie digne d’un mythe,
Rire ou pleurer face à cet accord tacite !

Critiques interdites de ces parasites
La fuite ne mène pas à la réussite !

À qui attribuer l’Oscar de la traîtrise,
D’avoir livré l’État au peuple de Moïse ?

Les champs gaziers colonisés sans litige
Sans que personne ne corrige ni n’exige !

Sacrifier sur l’autel des entreprises
Le Pays des Cèdres, la mafia l’ose : mainmise ?

Défaites sur échecs : Bilan des Présidents
Qui se souviendra d’eux dans longtemps !

Douze février [7] décision illégale
Nul ne comprend un tel revirement létal !

Sacrifier tous les intérêts stratégiques
Sauvegarder des positions politiques !

Défendre le Liban manigance arbitraire
Vos dépouilles seront rejetées par la mer !

Obtenir nos biens n’est pas négociation
Souveraineté volée n’est que violation !

Président défaillant au devoir régalien
Tout est fait par conseillers pires que vauriens !

Malfaiteurs, mafieux, ligués en catimini
Bafouent les droits établis avec félonie !

Objectif abandon, cession et soumission
Quelle fierté face au concert des Nations !

Perdre après plus de deux décennies d’inaction
Quel funeste dessein mène à la destruction ?

Offrir le gaz et le pétrole à l’ennemi
Sans contrepartie est rare, sauf en tyrannie !

Position abjecte chevillant l’avenir
Quel jour de malheur l’a poussé à nous trahir !

La macabre affaire des frontières fait définitivement sombrer le Liban. Question charnière. Pour cela, j’ai rédigé un livret, qui sera soit publié sous forme papier, soit envoyé sous forme électronique. Que dire du peuple, qui a peur du changement ? Il a choisi, lors des élections législatives de mai 2022, de renouveler sa confiance aux symboles de la mafia politique économique et religieuse ! Oui, il a voté en faveur des mêmes, qui ont pillé les finances de l’État, qui ont dilapidé les économies des générations précédentes, eux qui bientôt vendront tous les biens souverains, y inclus la réserve stratégique de l’or ! Ils ont pourtant sacrifié, dans leur seul propre intérêt, nos richesses gazières et pétrolières ! J’ai gardé le silence depuis la publication à l’été 2021 de mon dernier livre, Liban la révolte sans révolution, mais je n’en ai pas pour autant cessé de garder nos frontières à l’esprit…
Quel avenir et quel espoir encore garder ? Il ne restera que l’esclavage accompagné du chaos !

Votre frère dans la Patrie agonisante

Dr. Saïd Chaaya
Historien
[email protected]

[1] Les vingt-deux ans font référence d’une part au retrait de l’armée d’occupation israélienne du Sud Liban le 25 mai 2000, et d’autre part aux divers problèmes relatifs à la fixation de la frontière terrestre, autant qu’à l’aliénation subie par le tracé de la ligne bleue face au refus d’un retrait israélien jusqu’au frontières internationales de 1949 dénommées ligne verte.

[2] L’expression « se laisser prendre sans vert » signifie « être pris au dépourvu ou à l’improviste. »

[3] Patria est un roman de Fernando Aramburu ; l’auteur évoque la vie quelque part dans un village de la campagne, alors qu’activistes et syndicalistes y imposent un régime répressif et totalitaire.

[4] Le décret 6433 a été signé le 1er octobre 2011 par le Président de la République Michel Sleiman, le Premier Ministre Najib Mikati et le Ministre des Travaux publics Ghazi Al-Aridi. Il a été publié dans le Journal Officiel (Al-Jaridat al-Rassmiya) n° 47 du 13 octobre 2011. Son article 3 stipule que le Liban peut modifier ses frontières maritimes au vue de nouvelles données. Ce décret adopte les points frontaliers 18 à 23 au sud et 17 à 7 au nord.  Le décret est notifié aux Nations Unies sans jamais être amendé par le Président Aoun, pour préserver les intérêts stratégiques du Liban.

[5] On appelle loi-cadre, toute loi ou politique dont le domaine d’application est définie par des décrets.

[6] Le lecteur reconnaîtra l’allusion à l’Andromaque de Racine (acte V, scène 5) !

[7] Le 12 février 2022 le Président Michel Aoun, par voie d’article de presse, fait une déclaration unilatérale, contraignante pour l’État eu égard au droit international. Il affirme ainsi à l’adresse du Monde entier, que les frontières maritimes du Liban avec Israël ne suivent pas la ligne 29.


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