lundi, juin 16, 2025

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Gaza : le projet de trop pour une communauté juive fracturée

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Les mots sont rares, puissants. « Honteux ». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a qualifié, lundi, le projet du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu à Gaza. Une sortie inédite pour un chef d’État occidental, encore inimaginable il y a quelques mois. Mais ce qui l’est peut-être plus encore, c’est la résonance qu’elle rencontre en France, au sein même de la communauté juive, historiquement prudente sur ces questions.

Depuis quelques semaines, les tribunes se multiplient. Celle de la rabbin Delphine Horvilleur, d’abord, suivie par celle d’Anne Sinclair – deux voix majeures qui dénoncent un projet de guerre déshumanisé, sans issue, sans boussole morale. Ces prises de parole sont symptomatiques d’un basculement. Ce qui était auparavant un soutien tacite ou une abstention critique face à la politique israélienne se transforme aujourd’hui en interpellation publique.

Un rescapé de la Shoah, cité dans une de ces tribunes, résume avec amertume ce renversement sémantique :
« Avant, l’antisémitisme, c’était les gens qui n’aimaient pas les juifs. Aujourd’hui, l’antisémitisme, c’est le mot utilisé pour désigner ceux que les juifs n’aiment pas. »

Netanyahu défend, face à la communauté internationale, un projet de déplacement de population à Gaza présenté comme « volontaire ». Mais personne n’est dupe : quand des civils fuient les bombes, ce n’est pas un choix. Et lorsque les frappes touchent sans relâche les zones d’habitation, les hôpitaux, les convois humanitaires, parler de « volontariat » relève du cynisme. Il s’agit, dans les faits, d’un déplacement forcé – une politique systémique.

Dans cette séquence brutale, un autre tabou est en train de tomber. De plus en plus de juifs, notamment dans la diaspora, déclarent aujourd’hui ne plus se reconnaître dans Israël. Et surtout, ne plus se reconnaître dans l’armée israélienne, longtemps perçue comme un outil de défense nationale, mais que beaucoup estiment avoir perdu toute moralité dans la conduite de ses opérations à Gaza. Le mythe d’une armée éthique, fondée sur la retenue et la justice, vacille.

Mais la fracture ne s’arrête pas à la diaspora française. En Israël même, la contestation enfle. Des manifestations massives secouent le pays depuis plus d’un an. Ce ne sont plus seulement des protestations contre la réforme judiciaire : c’est désormais une opposition directe à la ligne politique de l’extrême droite au pouvoir. Sur les pancartes, les visages d’enfants palestiniens tués par les frappes israéliennes. Une image qui, il y a encore peu, aurait été impensable dans les rues de Tel-Aviv.

Car ce débat remue une tension ancienne. Celle qui oppose deux visions du sionisme. D’un côté, l’héritage du sionisme socialiste, fondateur des kibboutz et du processus d’Oslo, celui qui croyait en la coexistence, en la paix possible après la guerre. De l’autre, la droite populiste, le sionisme révisionniste, aujourd’hui incarné par Netanyahu, Smotrich et Ben Gvir : une ligne dure, brutale, militarisée, qui privilégie la domination, l’annexion, le siège.

Cette ligne n’a plus de contrepoids institutionnel. Les voix de la modération sont marginalisées. Les Palestiniens sont déshumanisés. L’option de paix est exclue du débat politique. Il ne reste que la fuite en avant, et des alliés occidentaux de plus en plus mal à l’aise.

À mesure que la réalité du terrain rattrape la rhétorique gouvernementale, une vérité s’impose : la politique actuelle ne protège pas Israël.
Elle l’isole. Elle fracture son propre peuple.
Et elle défigure l’image du judaïsme que beaucoup s’efforcent encore de défendre.

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Newsdesk Libnanews
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