Les fatwas pathologiques
Cette opĂ©ration de relations publiques sâest accompagnĂ©e, sur le plan interne, dâune rĂ©glementation de lâusage des rĂ©seaux sociaux de maniĂšre Ă prĂ©venir, dâune part, les dĂ©bordements des prĂ©dicateurs impĂ©tueux,, et, dâautre part, Ă censurer toute opinion dissidente.
RĂ©trospectivement, ce qui apparaĂźt le comble du cynisme dans cette affaire est le fait que la quasi totalitĂ© des activistes qui se dressaient pour dĂ©fendre la libertĂ© dâexpression ou la libĂ©ralisation des mĆurs, notamment la reconnaissance aux dames le droit de pratiquer le sport ou de conduire un vĂ©hicule, avaient Ă©tĂ© clouĂ©s au pilori pourfendus comme Ă©tant des «pĂȘcheurs de la laĂŻcité», jetĂ©s en prison sans autre forme de procĂšs.
Par un incroyable retour de bĂątons, la rĂ©pression et la censure frappent dĂ©sormais les hommes de religion, piliers de la dynastie, longtemps propagateurs dâune idĂ©ologie extrĂ©miste. La monarchie vit comme un cauchemar un nouveau dĂ©ferlement de fatwas pathologiques, comme ce fut le cas lors de la sĂ©quence dite du printemps arabe, si prĂ©judiciable Ă la dynastie wahhabite, au Royaume saoudienne et Ă lâimage de lâIslam dans le monde.
- A propos des fatwas pathologiques, cf ce lien: https://www.madaniya.info/2021/02/25/le-contorsionnement-des-predicateurs-petro-monarchiques-a-propos-de-la-guerre-de-syrie/
Sur les Ă©garements des FrĂšres Musulmans et les sept fautes majeures des islamistes
La Loi Jasta, lâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs
La loi JASTA (Justice against sponsors of terrorist act) adoptĂ©e le 9 septembre 2016, soit quinze ans aprĂšs le raid terroriste contre les symboles de lâhyperpuissance amĂ©ricaine, fait office dâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs suspendu sur la tĂȘte du royaume.
En autorisant les AmĂ©ricains Ă poursuivre le Royaume en dĂ©dommagement des dĂ©gĂąts infligĂ©s par ce raid, les Ătats-Unis ont placĂ© lâĂpĂ©e de DamoclĂšs en suspension au-dessus de la dynastie wahhabite. Quinze des 19 auteurs des attentats du 11 septembre Ă New York et Washington Ă©taient Saoudiens. Au total, le prĂ©judice amĂ©ricain est estimĂ© Ă prĂšs de trois trillions de dollars (trois mille milliards de dollars).
Pour parer Ă cette menace adoptĂ©e sous la mandature de Barack Obama, un deal «win win» a Ă©tĂ© conclu son successeur Donald Trump: Lâadoubement de lâartisan du «Muslim Ban» par les pĂ©tromonarchies sunnites, en contrepartie de la promotion du fils du Roi au rang de prince hĂ©ritier, lâabdication des pĂ©tromonarchies Ă lâĂ©gard de la question palestinienne et sa substitution par une alliance avec IsraĂ«l en vue de faire piĂšce Ă lâIran.
Un deal scellĂ© par un important contrat militaire de lâordre de 380 milliards de dollars sur dix ans, destinĂ© Ă renforcer les capacitĂ©s balistiques et navales du royaume saoudien face Ă lâIran, tout en «prĂ©servant la supĂ©rioritĂ© militaire israĂ©lienne dans la zone» selon un membre de lâadministration amĂ©ricaine.
Lâobjectif sous-jacent de ce «contrat du siĂšcle» serait de neutraliser les effets de la Loi JASTA, Une mise en veilleuse de ce contentieux, Ă tout le moins le long de la mandature de Donald Trump.
Un Royaume du divertissement: The Line, la ville linéaire ?
Cette opĂ©ration de relations publiques visant Ă bonifier lâimage de Mohamad Ben Salmane intervient alors que le prince hĂ©ritier saoudien nourrit lâambition de faire de lâaustĂšre et rigoriste Arabie saoudite un Royaume du divertissement.
La criminalisation des prĂ©dicateurs de la haine est intervenue alors que MBS lançait le projet phare qui se propose de propulser lâimage dâun royaume moderniste avec notamment lâorganisation dâun tournoi mondial de Golf et surtout la ville futuriste linĂ©aire.
The Line, la ville linéaire ?
Repenser la ville de demain passera donc par la crĂ©ation dâun complexe linĂ©aire de 170 km de long, de 500 mĂštres de hauteur et de 200 mĂštres de large. Les murs recouverts de miroirs le rendront invisible Ă la nature environnante. Le projet Neom doit ĂȘtre complĂštement autosuffisant en Ă©nergie avec une ventilation naturelle, des Ă©nergies renouvelables mais aussi la crĂ©ation de la plus grande usine dâhydrogĂšne vert du monde.
PlutĂŽt que de sâĂ©tendre sur la nature, lâidĂ©e est de construire la ville sur trois niveaux : les Ă©coles, les parcs, les maisons ou encore les services seront superposĂ©s sur un modĂšle dâ«urbanisme Ă gravitĂ© zĂ©ro». Tous les besoins quotidiens seront disponibles Ă 5 minutes Ă pied, plus besoin donc de voitures dans la ville de demain. Un train Ă grande vitesse permettra de parcourir Neom, la nouvelle mĂ©galopole saoudienne, de bout en bout en 20 minutes.
The Line veut rĂ©pondre Ă lâurgence Ă©cologique mais aussi (et surtout) au boom dĂ©mographique envisagĂ© par lâArabie Saoudite. Le prince hĂ©ritier Mohamad Ben Salmane vise 1,2 million dâhabitants Ă Neom dâici 2030 et mĂȘme 9 millions en 2045 ! MBS veut faire de lâArabie Saoudite une puissance incontournable dans la rĂ©gion.
«Câest lâintĂ©rĂȘt principal de la construction de Neom : augmenter la capacitĂ© dĂ©mographique de lâArabie saoudite [âŠ]. Et puisque nous le faisons Ă partir de zĂ©ro, pourquoi copier les villes normales?», a dĂ©clarĂ© Mohammed ben Salmane. Le pays est dâailleurs prĂȘt Ă accueillir 70 millions dâexpatriĂ©s dâici 2040.
La Moutawaâa: la police religieuse
Mais lâopĂ©ration de ravalement cosmĂ©tique du Royaume demeure sujette Ă caution tant est vive la prĂ©vention Ă lâĂ©gard du prince hĂ©ritier.
La derniĂšre manifestation du prince sanguinaire a Ă©tĂ© la dĂ©capitation de 80 opposants saoudiens, en fĂ©vrier 2022, le mĂȘme jour, alors que lâopinion internationale avait lâattention rivĂ©e sur la guerre dâUkraine.
Sujette Ă caution aussi longtemps que perdurera le symbole du rigorisme, voire de lâanachronisme saoudien: La Moutawaâa, la redoutable police religieuse, qui a longtemps terrorisĂ© la population avec ses procĂ©dĂ©s digne de lâInquisition du Moyen-Age qui symbolise plus que tout, mieux que quiconque, lâintolĂ©rance wahhabite.