Considérée par certains comme l’instrument qui devait pourtant unifier la parité de la livre libanaise par rapport au dollar face aux différents taux de change, la plateforme Sayrafa de la Banque du Liban semble désormais ne plus pouvoir s’imposer, abandonnée même par la banque centrale.

Ainsi, l’établissement public abandonne petit à petit le financement de l’une des principale raison d’être de son outil, le financement des carburants, réduisant le pourcentage de devises financés à travers elle de 85%, il y a à peine 2 mois, à 70%, puis 55%, puis 40% la semaine dernière et même 20% cette semaine sur fond de réserves monétaires en devises étrangères passant sous le seuil symbolique des 10 milliards de dollars y compris les droits de tirage spéciaux du FMI, loin donc des réserves monétaires obligatoires estimées à 14 milliards de dollars.

Si la facturation de certains secteurs et entreprises publiques considèrent imposer leurs tarifications via la plateforme électronique de la Banque du Liban en lieu et place de la parité officielle de 1507 LL/USD, il est fort à craindre que cela ne suffise plus à amoindrir la chute, juste à combler quelques écarts. Les services publics tombent ainsi les uns après les autres, alors que ces prix ne prennent pas en compte justement, la vulnérabilité d’une population fatiguée par la détérioration des taux de change. Plus de 85% de la population vit ainsi désormais sous le seuil de pauvreté et plus d’un tiers sous le seuil de pauvreté extrême, n’en déplaisent à ceux qui vivent toujours dans leur tour d’ivoire. Eux ne peuvent même plus se payer le luxe de communication même si celles-ci sont moins chères en dollar.

Quant aux revenus de l’état, ils sont parallèlement en hausse en livre libanaise, une monnaie devenue de singe, mais en baisse en devises étrangères pourtant nécessaires.

Il faut dire que le volume des échanges au travers de cette plateforme n’ont cessé de s’étioler, semaine après semaine, passant de près d’une moyenne d’un peu moins de 100 millions de dollars échangés contre une moyenne actuelle peinant à atteindre 30 millions de dollars. Il faut aussi remarquer que la Banque du Liban a cessé ainsi de fournir les devises nécessaires à l’achat d’abord des médicaments, y compris ceux en faveur des personnes souffrant de maladie chronique ou encore de cancers.

La plateforme Sayrafa ne s’est en réalité jamais imposée dans les échanges courants. Dans les rues libanaises, la majorité des transactions des commerces étaient ainsi effectués sur base du taux des marchés parallèles qui désigne ainsi le fameux marché noir que cela soit dans les supermarchés, et les autres produits. Pire encore, dans certains régions libanaises, l’usage de la livre libanaise était ainsi abandonnée au profit du billet vert, notamment pour les abonnements des générateurs privés- y compris dans les zones où on considèrent l’état comme étant présent – suppléant le fameux manque d’électricité publique. Idem pour les achats de voitures, de biens de consommation ou les restaurants qui basaient désormais leurs prix sur le dollar au lieu de la livre libanaise, en quête de stabilité monétaire, un des objectifs jamais atteint par Sayrafa.

La Banque du Liban et plus particulièrement son gouverneur Riad Salamé a donc échoué dans sa principale mission pourtant stipulée par le code de l’argent et du crédit, celui d’imposer l’usage d’une monnaie locale, la livre libanaise, pourtant outil de souveraineté et régalien. En cause, même si la parité de la livre libanaise sur cette plateforme s’est faite à son détriment, le manque de réalisme. Elle ne correspondait ainsi pas au mécanisme d’offre et de demande, faute d’un flottement de la monnaie locale. Pire encore, la BdL à travers cet instrument a permis à certains intérêts économiques, notamment les importateurs de bénéficier de devises étrangères “moins chères”, revendues au détriment des consommateurs en monnaie forte et trébuchante jusqu’à en trébucher. Encore pire pour les déposants, la BdL a disposé des fonds des réserves obligatoires, dilapidant ainsi le peu de fonds dont ils pouvaient encore disposer, aggravant de facto aussi les pertes du secteur financier, même si les banques en ont aussi bénéficié via les transactions de cette plateforme effectuées à travers elles. Elles pouvaient ainsi couvrir une partie de leur coûts opérationnels.

Si Sayrafa devait également unifier les taux de change conformément à une des conditions du FMI, la conclusion d’un accord avec l’institution internationale en vue de débloquer l’aide de la communauté internationale et ainsi amener au Liban des devises étrangères dont il a cruellement besoin, s’éloigne petit à petit. Outre cette condition du FMI, les manipulations du parti des banques au parlement amendant les projets de levée du secret bancaire ou encore des textes relatifs à l’instauration d’un marché libéré des monopoles, en évoquant justement les commerçants.

Le seul intérêt de cette plateforme a été ainsi d’acheter fort cher et pour un temps limité, une paix sociale, notamment lors des élections législatives de mai 2022, permettant ainsi aux partis de gagner du temps, jusqu’à ce que pire … comme d’habitude arrivera comme toujours.

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