La violence domestique, déjà présente avant la crise économique, a explosé au Liban ces dernières années, exacerbée par la précarité et les tensions familiales croissantes. Les organisations de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme, mais les réponses des autorités restent insuffisantes. Pourquoi cette crise reste-t-elle si peu adressée, et quelles solutions pourraient apporter un soutien aux victimes ?
Une augmentation alarmante des cas
Depuis 2019, les signalements de violences domestiques ont augmenté de 20 % chaque année, selon les données d’organisations locales. Le centre d’aide KAFA, qui lutte contre les violences de genre, rapporte avoir reçu 30 % de demandes d’assistance en plus en 2023 par rapport à l’année précédente. Cette hausse est directement liée à l’effondrement économique : chômage, appauvrissement et tensions au sein des foyers alimentent un climat de violence.
Les données officielles, bien que partielles, montrent également une recrudescence des féminicides. En 2023, 25 femmes ont été tuées par leur partenaire ou un membre de leur famille, un chiffre en augmentation par rapport aux années précédentes.
Des obstacles pour les victimes
Les victimes de violence domestique au Liban se heurtent à plusieurs obstacles :
- Le manque de soutien juridique : Bien que le Parlement ait adopté une loi sur la protection des femmes contre la violence domestique en 2014, son application reste faible. Les plaintes sont rarement prises au sérieux par les forces de l’ordre, et les procédures judiciaires sont longues et coûteuses.
- Des refuges insuffisants : Avec seulement 5 refuges opérationnels pour tout le pays, les options pour les victimes qui fuient leur foyer sont limitées.
- La stigmatisation sociale : Dans une société encore largement patriarcale, dénoncer les abus reste tabou, et les femmes qui franchissent ce pas risquent souvent d’être ostracisées.
Les efforts des ONG et de la société civile
Face à l’inaction des autorités, des organisations non gouvernementales tentent de combler le vide :
- KAFA fournit des services juridiques et psychologiques à des centaines de femmes chaque année.
- ABAAD, une autre ONG majeure, gère des refuges et offre des programmes de sensibilisation pour prévenir la violence.
- Les campagnes de sensibilisation : Les ONG utilisent les réseaux sociaux et les médias traditionnels pour briser le silence autour de la violence domestique.
Ces efforts sont toutefois limités par des contraintes budgétaires, aggravées par la crise économique.
Une réponse étatique insuffisante
L’État libanais n’a pas priorisé la lutte contre la violence domestique dans ses politiques publiques. Les budgets alloués aux services sociaux et aux programmes de protection des femmes ont été drastiquement réduits ces dernières années. En outre, les forces de sécurité, déjà débordées par d’autres défis, manquent de formation pour traiter les cas de violence domestique.
La corruption et la mauvaise gouvernance entravent également l’efficacité des programmes existants. Des fonds internationaux destinés à soutenir les victimes de violence ont été mal utilisés ou n’ont pas atteint leurs bénéficiaires.
Les défis dans le contexte de la crise économique
La crise économique actuelle amplifie les vulnérabilités des femmes et des enfants. Avec plus de 80 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, beaucoup de femmes sont financièrement dépendantes de leur agresseur. Cette dépendance rend encore plus difficile la décision de quitter un foyer violent.
Les difficultés d’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux opportunités d’emploi exacerbent les tensions domestiques, alimentant un cercle vicieux de violence.
Perspectives : quelles solutions ?
Pour combattre la violence domestique au Liban, plusieurs actions sont nécessaires :
- Renforcer l’application des lois existantes : Les forces de sécurité et le système judiciaire doivent être formés pour mieux protéger les victimes et punir les agresseurs.
- Augmenter le nombre de refuges : Offrir des lieux sûrs aux victimes est crucial pour leur permettre de reconstruire leur vie.
- Éducation et sensibilisation : Des campagnes nationales devraient cibler les communautés pour changer les mentalités et réduire la stigmatisation.
- Soutien économique : Aider les femmes à devenir financièrement indépendantes réduirait leur dépendance à leur agresseur et faciliterait leur sortie de relations violentes.
La violence domestique au Liban est un problème profond, exacerbé par la crise économique et les faiblesses structurelles de l’État. Si les ONG jouent un rôle vital pour soutenir les victimes, leurs efforts ne suffiront pas sans un engagement plus fort des autorités et une prise de conscience collective.