En guise de réponse à certaines personnes qui expriment des opinions similaires ou dites en tant que telles.

La question est-elle bien posée ? Se trouve-t-elle enfermée dans cette alternative ?
Le Hezbollah ne s’est pas créé pour soutenir le combat contre les ennemis de l’Iran. Sa création, lente et diverse, émane de l’occupation d’une partie du Liban par l’État d’Israël. Au cours de cette guerre de résistance, le Hezbollah a été d’autant plus soutenu par l’Iran que ce territoire occupé est composé aussi d’une très forte majorité chiite dans la composition de sa population. Rappelons que bien avant l’occupation israélienne et la révolution iranienne, l’Iran a régulièrement soutenu les chiites libanais du fait des liens historiques qui les unissent depuis des siècles. Ce sont aussi des liens de solidarités que des minorités opprimées et/ou objets d’exclusion savent tisser entre eux. Ainsi en est-il de différentes minorités dans le monde à travers l’histoire.
Le Hezbollah est donc d’abord et avant tout le produit de la réalité libanaise, le produit d’une occupation du Liban par une force étrangère et ennemie, même s’il a reçu et reçoit, dans sa résistance, l’aide de l’Iran.
Il appartient à des personnes, groupes, nations de se forger dans des relations d’honneur. Et lorsque l’amitié se crée et se forge, cela n’est ni du copinage ni de l’alliance de circonstances. Du moins, c’est ce qu’on attend d’une amitié, pour ceux qui croient en cette valeur.
D’autres personnes, groupes ou nations, comme Churchill qui clame, pour lson État, qu’il n’a pas d’amis, uniquement des intérêts. Il dit tout haut ce que tous ses semblables de civilisation occidentale pratiquent à l’échelle internationale.
Sommes-nous obligés d’adopter les mêmes valeurs ? N’aurions nous pas mieux à faire ?
Si le Hezbollah dit et pratique son amitié indéfectible à l’Iran et son soutien à celui-ci contre toute attaque extérieure, c’est tout à son honneur, de par les liens séculaires entre les chiites libanais et l’Iran, de par la constance systématique de l’aide fournie par ce dernier à la résistance libanaise contre les velléités et les ambitions israéliennes sur le Liban. Les dirigeants sionistes, bien avant la création de l’État d’Israël ont toujours été très clairs sur la nécessité de s’approprier une partie du sud Liban comme condition sine qua non de la viabilité de leur État. Ils n’ont jamais changé de discours à ce sujet. D’ailleurs, dès la proclamation de leur indépendance, ils ont occupé une partie du Liban, et leurs ambitions vont au-delà.
J’ose croire que vous attendriez bien d’un ami un tel retour, le jour où vous aurez besoin de lui. Ou préféreriez-vous qu’il agisse comme l’Angleterre vis à vis du Chérif de la Mecque au lendemain de la première guerre mondiale, ou Trump vis à vis des kurdes en ce moment, pour ne citer que ces deux exemples ? Cela est foison, et vous le savez très bien.
Quant à l’intervention à la frontière libano-syrienne et en Syrie même, elle était vitale pour le Liban avant tout. Et ce n’est pas d’abord pour maintenir la continuité de l’aide militaire qu’il reçoit de l’Iran via la Syrie, comme le prétendent l’État d’Israël et ses affidés américains et wahhabites. Depuis les années quatre-vingt-dix, les intégristes wahhabites essaient de s’implanter au Liban, maillon faible de la région. Il a fallu l’intervention massive de l’armée libanaise en 1995 déjà pour venir à bout de l’insurrection lancée à partir d’un Camp de réfugiés palestiniens d’où ils avaient réussi à créer une puissante base. Ce n’est donc pas une ambition nouvelle pour les wahhabites et leurs alliés israélo-américains, ni un danger nouveau pour le Liban. Tout au long de cette période, le soutien discret ou public du Hezbollah à l’armée a été décisif pour protéger le Liban. Et on peut dire très clairement que n’eût été le Hezbollah, le Liban aurait été le premier pays de la région à tomber dans les mailles de Daech. Si le Liban était tombé, la Syrie tombait à son tour, suivie de l’Irak. C’est non seulement le Liban que le Hezbollah a protégé et sauvé des griffes de Daech, mais la Syrie aussi. C’est lui qui y a brisé son offensive et donné le coup d’arrêt décisif, redonnant du moral à l’armée syrienne et donnant le temps aux alliés iraniens et russes de venir enfin à la rescousse. 
Mais au centre de tout, c’est le Liban qui a été protégé et, avec et à travers lui, l’ensemble de la région. C’est dire toute l’importance stratégique du Liban. C’est pour cela que de nombreux jeunes libanais, et pas seulement chiites mais aussi sunnites et chrétiens, ont donné leur vie, pour les leurs et pour le Liban. 
Quant au Liban en mouvement aujourd’hui, révolte ou révolution, le dilemme du Hezbollah n’est pas, et ne saurait être de choisir entre son alliance avec l’Iran et sa fidélité aux revendications exprimées par les mobilisations populaires. Il s’agit plutôt
– d’une part, de maintenir sa solidarité avec les parties politiques, plus particulièrement le Président Aoun avec qui il a choisi de gouverner, et même de participer pour la première fois de son histoire à la gestion des affaires publiques.
– d’autre part de soutenir les revendications des populations mobilisées, revendications qui sont les siennes depuis de très longues années.
Tel est le dilemme du Hezbollah : 
* faut-il quitter le navire quand on a choisi de participer à sa direction comme ce tristement célèbre capitaine italien a choisi de le faire avec son plaisancier, trahir ses partenaires et abandonner son équipage ? Un tel capitaine, vous le savez très bien, ne mérite que l’opprobre et les poubelles de l’histoire.

  • faut-il attendre d’amener ce bateau à bon port avant de faire le choix de le quitter ou d’y rester ? Quelle est la meilleure solution pour le Liban, si tant est qu’il y a une réponse adéquate et unilatérale à cette question ?
    * Comment soutenir le mouvement en cours, s’y appuyer pour réaliser les réformes nécessaires qu’il exprime et qui sont les siennes ? Comment éviter au bateau Liban de sombrer en provocant une vacance de pouvoir qui renverrait à l’inconnu et très certainement aux calendes grecques toute idée même de réforme, sinon adopter des réformes dictées par les prédateurs financiers qui saigneront encore plus un peuple déjà si meutri ?
    Comment réformer ce système consociatif, garant d’une protection des communautés confessionnelles et trouver en même temps les moyens d’enrayer ses dérives sans jeter le bébé avec l’eau du bain ? Comment construire un contre pouvoir citoyen  non confessionnel  pour introduire un processus d’équilibre face au système actuel, transition possible et à terme vers un futur État déconfessionnalisé ?
  • Comment rompre avec la soumission à l’asservissement par la dette, prendre les mesures nécessaires mais radicales sans se laisser étouffer par les prédateurs financiers internationaux et leurs alliés locaux, comme a su le faire l’Islande ? Comment ramener la livre libanaise au cœur de ses rapports de production et de distribution internes ? 
    Comment faire accepter des mesures efficaces, des procédures judiciaires indépendantes, sous le contrôle citoyen, à des parties qui devront payer pour leurs méfaits, mais qui continueront, quoiqu’il puisse se dire, à agir au Liban même, qui y sont et y resteront de plein droit ? Comment intégrer les citoyens libanais, de façon plus générale, dans l’exercice de décision de tout ce qui les concerne, de l’entreprise à leur vie sociale, pas simplement à nommer leurs tuteurs à échéance échue, fussent-ils des lauréats des grandes et prestigieuses écoles de tel ou tel pays ?
  • Voilà des questions sérieuses, les données du dilemme du Hezbollah, les mêmes questions qui se posent à tout libanais qui veut vivre dans la justice, l’égalité et la dignité, dans un État stable, apaisé et qui a le souci de tous ses enfants, valeurs et droits que tout citoyen dans le monde est en droit d’attendre. Les réponses à ces questions ne sortiront pas du chapeau de je ne sais quel prestidigitateur ni de cerveaux des plus compétents, éclairés ou vertueux, elles seront écrites dans le lent parcours d’un peuple qui apprend le dur chemin de sa citoyenneté au quotidien.

Scandre Hachem

2 COMMENTAIRES

  1. Aujourd’hui , il n’y a pas à choisir entre telle et telle décision ! La situation est grave et le le moment est urgent pour serrer les coudes et agir sans attendre de l’au-delà l’inspiration et le courage de foncer .
    Le Liban a besoin d’hommes honnêtes et courageux pour le sortir du pétrin où les présents , comme les anciens politiques l’ont mis à genoux , aidés par les malhonnêtes financiers qui sucent le sang du peuple .
    Le pays est une république bananière qui n’a point évolué depuis son indépendance . Les dirigeants le savent mais ils s’y plaisent , qu’à chaque élection législative , ils dépensent des fortunes pour acheter les voix des pauvres gens pour rester à leur(s) poste (s) et les font saigner pendant toute la durée du mandat .
    Allez , réveillez -vous et soyez courageux , la main dans la main , pour trouver une solution honorable pour le pays et non pour les finances et la politique politicienne .
    Devant cette situation , il ne devrait pas avoir des gagnants et des perdants, mais des citoyens qui souhaitent sauver leur pays de la dérive .
    Vive le mouvement populaire et vive le Liban libre de ses carcans .

  2. Allez savoir si cela est vraiment un dilemme et si, au final ils ne résoudrons pas
    cette équation? Le piège qui est tendu par le “vrai ennemi” du Liban est tellement grossier
    que cela devrait les aider à y parvenir sans pour autant renier le bien-fondé du mouvement
    populaire de révolte. L’alliage de la “vista” libanaise et du support de “l’intelligence perse” est sans doute un atout que l’ennemi sous-estime beaucoup. Comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs il s’y cassera les dents…

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