18h07, un mois jour pour jour après l’explosion du quatre août 2020, les libanais se souviennent. 18h07, l’explosion, le drame, la mort…

Des volontaires distribuant de la nourriture dans les quartiers de Mar Mikhael et de Gemmayzeh. Crédit Photo: François el Bacha pour Libnanews.com

L’explosion a amené à un formidable élan de solidarité, au Liban même mais aussi de la communauté internationale. De jeunes bénévoles ont ainsi aidé, aidé et aidé, jour après jour, chaque heure, chaque minute dès les premières minutes. À cet élan, s’est ajouté celui de la communauté internationale alors que le Pays des Cèdres se pensait abandonné. Rapidement, des avions, des navires, des camions même, ont afflué des pays amis du Liban, avec pour objectif d’assister, de venir en aide, à cette population meurtrie.

La France plus particulièrement s’est distinguée, avec l’arrivée d’Emmanuel Macron 2 jours après le drame, un 6 août et qui a crié son amour au Liban. Behbak ya Lebnan.

La France s’était et continue encore aujourd’hui à se mobiliser, non plus seulement sur le plan humanitaire mais aussi pour détricoter un système à bout de souffle, rongé par la crise, la corruption et l’abus fait à sa propre population.

Selon les derniers bilans, 191 personnes sont décédées des suites de l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium à 18h07, le 4 août.

Le Liban s’accroche désormais aux battements d’un cœur et sans savoir ce dont il en est réellement, un battement d’un cœur entendu par le chien de l’équipe chilienne de secours cynophile également présente sur place.

Une enquête qui continue de manière confidentielle

Les autorités judiciaires, pour l’heure, n’ont communiqué aucun résultat concernant l’enquête en cours. De même, peu d’éléments ont été rendus publics par les autorités libanaises concernant les circonstances du drame, ouvrant la voie à certaines théories même du complot.

Concernant l’enquête, le juge d’instruction en charge du dossier, Fadi Sawwan, a publié, ces dernières semaines, des dizaines de mandat d’arrêt allant d’ouvriers syriens qui étaient intervenus quelques heures plutôt dans le fameux hangar 12 pour des travaux de soudure, jusqu’à des responsables sécuritaires comme ceux de la douane libanaise et du port de Beyrouth.

Si hier, le Premier Ministre sortant Hassan Diab a été interrogé par le magistrat, la responsabilité des anciens premiers ministres précédents ou encore des anciens ministres des transports n’a pas été pour l’heure évoquée.

Le Président de la République et le Premier Ministre avaient tous les 2 indiqués n’avoir été informés de la présence de cette cargaison que 2 semaines avant l’explosion.

Pour l’heure, les interrogations portent notamment sur les négligence multiples des autorités. Le port de Beyrouth n’était équipé d’aucun système d’alerte pour alerter la population environnante face aux catastrophes ou d’un danger immédiat, pour ne pas évoquer également la présence de matières dangereuses qu’on continue également à découvrir jusqu’à ce jour, comme comme les 4.35 tonnes de matière explosive découverte par l’armée libanaise hier

Des responsabilités multiples mais avant tout, la faillite d’un système paralysé

Selon les informations disponibles à l’heure actuelle, les autorités sécuritaires dont celle des douanes et les responsables du port et des douanes se seraient adressés à 5 reprises, entre 2014 et 2017, à la justice locale pour obtenir les autorisations nécessaires pour pouvoir se débarrasser de cette marchandise stockée dans des conditions inadéquates et dangereuses dans l’entrepôt Amber 12 du port, situé entre le 3ème et le 4ème bassin.

Dès mai 2016, Chafic Marhi, le directeur des douanes d’alors, avait noté sur sa demande qu’il existait “un danger sérieux posé en gardant cette cargaison dans les entrepôts dans un environnement inapproprié.” Dans cette même lettre, il demandait à ce que “l’agence maritime puisse réexporter ce matériel immédiatement”.

Par la suite, un an plus tard, en 2017 donc, l’autorité de la douane a proposé d’autres solutions, comme la donation de ces tonnes de nitrate d’ammonium à l’armée libanaise, la vente via la compagnie Libanaise pour les Explosifs sans toutefois obtenir une réponse des autorités judiciaires.

Cette version est confirmée par le directeur général du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, a qui la justice libanaise aurait promis que le navire et sa marchandise seraient mis en vente aux enchères, ce qui ne se produira pas… jusqu’à aboutir à la catastrophe du 4 août, une journée funeste marquée par la destruction, outre du port, d’une grande partie de la partie est de la ville de Beyrouth avec le cortège de ses nombreuses victimes.

Cependant, cette version est aussi contredite par d’autres sources, qui indiquent qu’au bout de 6 mois de stockage, les douanes libanaises avaient autorités pour se débarrasser du nitrate d’ammonium.

Un mois après le drame, l’heure des premiers constats

Par ce drame, le mur entre partis politique et population est loin de s’être fissuré quant-à-lui.

Est apparu au grand jour, les problématiques systématiques auxquels la population fait face. Il ne s’agit plus seulement de la crise économique ou de la corruption mais d’un système étatique paralysé, incapable de prendre des décisions sans en référer à de multiples échelons, ouvrant la voie à d’interminables négociations et même à la compromission.

Le refus d’une enquête internationale portant sur le drame du 4 août serait induit par le fait que tous les partis politiques contrôlaient le port de Beyrouth, une plaque tournante de tous les trafics pour eux. Ainsi, si enquête internationale il y a, la vérité finirait par démontrer le degré de collusion, en dépit d’oppositions politiques publiques entre ces partis.

De même, la question dépasse désormais le simple cadre local, avec les yeux de la communauté internationale braqués sur le Liban. Aidez-nous à vous aider, supplique de la communauté internationale face à l’establishment politique. Cela veut en dire long sur le supplice lui, de la population face à la même classe politique qui accapare le pouvoir depuis la fin de la guerre civile.

La presse internationale évoque le cas libanais et des partis politiques qui n’ont plus confiance d’une grande partie de la population. Même si ces derniers ont réussi à temporiser, au final, des élections législatives anticipées devront être organisées d’ici 1 an, ont-ils promis au président de la république française Emmanuel Macron.

En fait, le Liban n’est pas une démocratie. Tout le contraire. L’affaire du port a permis de montrer aux yeux de tous la collusion entre hommes politiques qui sont souvent d’anciens seigneurs de la guerre civile et qui ont réussi à se recycler dans le domaine des affaires, utilisant l’Etat comme s’il s’agissait d’une propriété privée. Leurs hommes ont infiltré les administrations libanaise, comme celle du port jusqu’à ce drame.

Précédemment à l’explosion, c’est à peine que les partis politiques évoquaient les réformes économiques et financières. Depuis le centenaire du Grand Liban, désormais se pose aussi la question des réformes politiques et notamment du processus de laïcisation des administrations publiques, la compétence au lieu de l’appartenance confessionnelle.

Désormais, la question des réformes est généralisée. Outre les réformes du système économique et les réformes monétaires, se pose également, au grand jour, la question des réformes politiques et au-delà administratives se pose désormais.