Une illusion de reprise salariale face à l’inflation
Selon le dernier indice des salaires publié par InfoPro, les salaires du secteur privé au Liban ont connu une hausse nominale qui masque une forte dégradation du pouvoir d’achat réel. En 2025, la moyenne des salaires exprimée en dollars frais (USD effectifs non bancaires) demeure inférieure de 40 % à celle de 2018, année de référence pré-crise.
En termes nominaux, les rémunérations ont atteint des niveaux proches de ceux de 2012, mais une fois corrigées de l’inflation cumulée, elles sont en réalité très en dessous des standards pré-effondrement.
Année de référence | Salaire nominal moyen (base 100 en 2012) | Salaire réel ajusté en USD (2025) | Variation réelle (%) |
---|---|---|---|
2012 | 100 | 100 | 0 % |
2018 | 113 | 113 | 0 % |
2025 | 110 nominal | 68 (ajusté inflation) | -40 % |
13 % de baisse nominale par rapport à 2018
Comparé à 2018, l’indice montre une baisse nominale de 13 % des salaires moyens en dollars. Cette déflation salariale s’explique par :
- La contraction du marché du travail formel
- La précarisation des contrats
- La transition partielle vers des paiements en LBP convertis
En valeur absolue, le salaire médian dans le privé se situe autour de 400 dollars frais par mois en 2025, contre plus de 700 dollars en 2018.
Des disparités importantes entre secteurs
L’évolution des salaires varie fortement selon les branches :
- Technologies de l’information (IT) : +40 % par rapport à 2018
- Marketing : +17 %
- Restauration (cadres) : hausse modérée
- Industrie manufacturière (ouvriers qualifiés) : stabilisation
À l’inverse, plusieurs fonctions ont vu leur rémunération fortement diminuer :
- Ressources humaines : baisse généralisée
- Vente / commerce : baisse marquée
- Assurance (cadres et techniciens) : forte baisse
- Audit en comptabilité/finance : réduction significative
Secteur | Variation salariale depuis 2018 |
---|---|
IT (cadres techniques) | +40 % |
Marketing | +17 % |
Restauration (cadres) | +8 à 12 % |
Assurance | -35 à -45 % |
Vente | -25 % |
Audit / Finance | -30 % |
Méthodologie de l’enquête InfoPro
L’étude s’appuie sur des données collectées entre janvier et mars 2025 auprès de plusieurs dizaines d’entreprises privées implantées dans la région du Grand Beyrouth. Elle couvre 15 secteurs économiques, à l’exclusion du public, du médical et de l’enseignement.
Les salaires ont été convertis en dollars frais pour permettre une comparaison homogène sur plusieurs années, intégrant les effets de l’hyperinflation, de la dépréciation de la livre et des pratiques hybrides de rémunération (paiement partiel en cash).
Une fracture sociale accentuée par la crise salariale
La baisse du salaire réel a contribué à élargir les écarts sociaux :
- Les cadres du numérique s’en sortent mieux
- Les fonctions administratives et commerciales sont paupérisées
- L’accès au logement, à la santé et à l’éducation privée devient inabordable
Le risque d’exode professionnel s’intensifie, en particulier pour les profils qualifiés, alimentant la fuite des cerveauxqui affaiblit le tissu productif.
Vers un rééquilibrage progressif ?
Certaines entreprises commencent à réajuster partiellement leurs grilles salariales, en lien avec la stabilisation du taux de change et la reprise sectorielle dans l’agroalimentaire, le BTP, ou le numérique. Toutefois, sans réforme du marché du travail, régulation des contrats hybrides et relance de la demande interne, le salaire réel risque de rester structurellement dégradé.