Un secteur des transports libanais sous contrainte structurelle
En 2024 et début 2025, le trafic aérien et maritime du Liban peine à retrouver un dynamisme durable. Selon les données compilées par la direction générale de l’aviation civile et les autorités portuaires, le trafic de passagers dans les aéroports du pays a reculé de 1,3 % au premier trimestre 2025 par rapport à la même période de 2024, tandis que le trafic de fret maritime est resté stable à 5,4 millions de tonnes sur l’ensemble de l’année 2024.
Ce maintien d’activité en demi-teinte s’inscrit dans un contexte où les flux régionaux d’échanges commerciaux et de déplacements aériens sont globalement repartis à la hausse après la levée des restrictions sanitaires liées à la pandémie. Cependant, les infrastructures libanaises, vieillissantes et fragilisées par les crises successives, peinent à capter les bénéfices de cette reprise régionale.
Légère contraction du trafic aérien de passagers
Au premier trimestre 2025, les aéroports libanais ont accueilli environ 1,62 million de passagers, contre 1,64 million un an plus tôt, soit un recul de 1,3 %. Ce fléchissement modéré s’explique par plusieurs facteurs cumulés : la dégradation du climat sécuritaire dans le sud du pays, la perte d’attractivité touristique, et la pression sur les prix des billets due à l’effondrement du pouvoir d’achat des ménages libanais.
Trafic aérien de passagers (T1 2025) | Nombre de passagers | Variation annuelle |
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Total | 1,62 million | -1,3 % |
Arrivées internationales | 820 000 (est.) | -1,8 % |
Départs internationaux | 780 000 (est.) | -0,9 % |
Transits | 20 000 (est.) | stable |
Les flux de transit, historiquement marginaux pour le Liban, restent stables mais insuffisants pour faire du pays un véritable hub régional. Les compagnies aériennes locales subissent de plein fouet la concurrence de leurs homologues du Golfe, mieux capitalisées et bénéficiant d’une base de coûts plus avantageuse.
Trafic de fret maritime stable mais en décalage avec les besoins de relance économique
Sur le plan maritime, le port de Beyrouth, principal point d’entrée des marchandises au Liban, a traité 5,4 millions de tonnes de fret en 2024, soit un niveau identique à celui de 2023. Cette stabilité apparente cache des fragilités structurelles. Le trafic conteneurisé, plus rémunérateur, a reculé de 3,8 %, tandis que le vrac liquide et sec a compensé cette baisse grâce à la hausse des importations de produits pétroliers et de matériaux de construction.
Trafic maritime au port de Beyrouth (2024) | Volume traité | Variation annuelle |
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Trafic total | 5,4 millions de tonnes | stable |
Conteneurs (EVP) | 602 825 | -3,8 % |
Vrac liquide et sec | 3,7 millions de tonnes | +2,4 % |
Le port de Beyrouth, qui assurait avant la crise près de 70 % des flux commerciaux du pays, n’a pas retrouvé son niveau d’avant 2020, où il traitait environ 8,2 millions de tonnes par an. L’absence d’investissements dans la modernisation de ses infrastructures et l’absence de clarté sur son modèle de gouvernance freinent sa capacité de rebond.
Conséquences économiques directes pour le pays
Le ralentissement des flux aériens et maritimes prive le Liban d’un levier important de croissance. Le secteur des transports représentait avant crise environ 8 % du produit intérieur brut national, contre à peine 4 % en 2024. Les recettes générées par les droits portuaires et aéroportuaires sont elles aussi en retrait. En 2024, les revenus du port de Beyrouth se sont établis à 180 millions de dollars, en baisse de 2,7 % par rapport à l’année précédente, tandis que les recettes aéroportuaires stagnent autour de 25 millions de dollars, très loin des 60 millions enregistrés avant 2019.
Recettes du secteur des transports (2024) | Montant (USD) | Variation annuelle |
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Port de Beyrouth | 180 millions | -2,7 % |
Aéroport de Beyrouth-Rafic Hariri | 25 millions (est.) | stable |
Cette contraction des recettes réduit d’autant la capacité des autorités publiques à investir dans la rénovation des infrastructures ou à financer des incitations pour attirer de nouveaux opérateurs logistiques.
Des perspectives contraintes par les tensions géopolitiques et les limites structurelles
Le redressement du secteur aérien et maritime libanais est freiné par plusieurs contraintes majeures. La persistance des tensions au sud du Liban, les risques sécuritaires sur les routes maritimes de la région (notamment en mer Rouge), ainsi que l’instabilité politique interne fragilisent l’attractivité du pays auprès des transporteurs internationaux.
Par ailleurs, l’environnement macroéconomique national, marqué par l’hyperinflation et la défiance généralisée envers le secteur bancaire, complique le financement des importations et alourdit les coûts logistiques. Les compagnies aériennes libanaises, confrontées à un marché domestique étroit et à la concurrence régionale agressive, peinent à maintenir des fréquences rentables sur leurs principales lignes.
Une nécessité impérieuse de modernisation pour éviter le déclassement logistique
Sans réforme structurelle ni investissements massifs, le Liban risque de perdre définitivement son rôle de plateforme logistique régionale. Les discussions autour de la concession du port de Beyrouth à un opérateur international restent dans l’impasse, tandis que les projets de modernisation de l’aéroport Rafic Hariri sont gelés faute de financements.
La combinaison d’infrastructures obsolètes, de cadres réglementaires flous et d’un environnement sécuritaire dégradé éloigne progressivement le Liban des circuits de commerce mondiaux. Le coût d’opportunité est majeur : alors que les économies voisines capitalisent sur la reprise post-pandémique pour renforcer leurs chaînes logistiques, le Liban reste en marge, incapable de capter le flux croissant des échanges régionaux.