La désignation de Nawaf Salam comme Premier ministre suscite un climat de tension politique intense au Liban, alors qu’il tente de former un gouvernement capable de répondre aux attentes des forces locales et des acteurs internationaux. Les tractations pour la composition de ce cabinet révèlent des divergences profondes entre les différents blocs politiques et les pressions exercées par les puissances étrangères.
Nawaf Salam face à une opposition multiforme
Le Premier ministre désigné, Nawaf Salam, semble déterminé à imposer une ligne politique indépendante, malgré les pressions des forces traditionnelles. Selon des sources citées par al-Akhbar, Salam a présenté une proposition de cabinet qui ne répondrait pas aux exigences de toutes les parties consultées. Ce choix reflète une volonté apparente de s’éloigner des compromis politiques habituels, souvent perçus comme des concessions aux groupes dominants.
Les militants de la société civile, qui voient en Nawaf Salam un symbole de changement, l’encouragent à résister aux pressions des partis traditionnels, notamment le duo chiite Hezbollah-Amal et les forces chrétiennes telles que les Forces libanaises et le Courant patriotique libre. Cependant, cette posture risque d’accentuer les divisions internes et de ralentir encore davantage la formation du gouvernement.
La pression présidentielle et internationale
Le président Joseph Aoun insiste pour accélérer le processus de formation gouvernementale, conscient des échéances critiques auxquelles le Liban est confronté, notamment la fin du délai de 60 jours pour la mise en œuvre du cessez-le-feu au sud du Liban. Cette pression est également amplifiée par des engagements supposés envers des puissances étrangères, qui attendent une résolution avant le 27 janvier.
Des visites prévues des ministres des Affaires étrangères saoudien et koweïtien pourraient marquer un tournant dans le processus. Selon al-Akhbar, une invitation officielle à visiter l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe pourrait être transmise au président Joseph Aoun après la formation du gouvernement, soulignant le rôle central des puissances du Golfe dans la résolution de la crise libanaise.
La lutte pour les portefeuilles clés
Selon le journal Nidaa al-Watan, Nawaf Salam a informé mardi le président Joseph Aoun des avancées dans le processus de formation du cabinet, sans toutefois soumettre de projet définitif de composition gouvernementale. Les deux hommes ont évoqué les obstacles majeurs qui entravent la formation du gouvernement, notamment la répartition de trois portefeuilles clés : les Finances, la Santé et les Travaux publics.
Un point de blocage central réside dans les conditions posées par le duo Hezbollah-Amal sur la gestion des sessions du cabinet et les mécanismes de prise de décision. Cette démarche est perçue par certains comme une tentative d’établir de nouvelles normes politiques qui renforceraient leur influence au sein du gouvernement.
Nawaf Salam, de son côté, insiste pour que le ministère des Finances, traditionnellement attribué à la communauté chiite, soit confié à une figure indépendante, sans lien avec Amal ou le Hezbollah. Salam propose de choisir cette personne en accord avec le président Aoun, mais cette proposition est rejetée par le duo chiite, renforçant les tensions autour de la formation du cabinet.
Une proposition de gouvernement technique
Face à l’impasse politique, Nawaf Salam envisagerait de former un gouvernement de technocrates, composé de figures reconnues pour leur compétence et éloignées des partis traditionnels. Parmi les noms évoqués figurent Tarek Mitri, Paul Salem, Ghassan Salamé et Samir Assaf, des personnalités respectées dans leurs domaines respectifs.
Cette approche, bien que saluée par certains acteurs internationaux, suscite des résistances locales. Selon al-Jadeed TV, les exigences des blocs politiques, en particulier celles du Hezbollah et de ses alliés, compliquent cette démarche. Ces derniers insistent pour obtenir des portefeuilles clés et conserver une influence significative au sein du gouvernement.
Les divergences autour du rôle du Hezbollah
Les Forces libanaises ont accusé le Hezbollah de chercher à retarder la formation du gouvernement en imposant certains candidats pour des portefeuilles spécifiques. Cette stratégie, dénoncée comme une tentative d’exercer un contrôle excessif sur le gouvernement, est perçue comme une entrave à la mise en place d’un État fonctionnel.
Dans un communiqué, les Forces libanaises ont réaffirmé leur opposition à toute démarche qui perpétuerait l’influence du Hezbollah dans la prise de décision nationale. « Les tentatives de l’Axe de la Résistance pour imposer des candidats et dicter les termes de la déclaration ministérielle sont rejetées par toutes les forces qui croient en un projet d’État souverain », ont-elles déclaré.
Cette position reflète une fracture profonde entre les forces politiques libanaises, où le Hezbollah est perçu par certains comme un obstacle à la souveraineté nationale, tandis que d’autres le considèrent comme un acteur clé de la stabilité sécuritaire.
Les attentes de la communauté internationale
La formation du gouvernement libanais est également scrutée par un groupe de cinq nations (France, États-Unis, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) qui exercent une pression croissante pour garantir que le nouveau cabinet soit indépendant des influences partisanes.
Selon des rapports relayés par al-Jadeed TV, ce groupe a envoyé des messages clairs à Beyrouth : la communauté internationale ne soutiendra un nouveau gouvernement que s’il répond à certains critères, notamment l’absence d’un pouvoir de veto pour un tiers des ministres, l’exclusion des équations politiques traditionnelles telles que « l’armée, le peuple et la résistance », et la priorité donnée aux réformes économiques.
Les défis de la gouvernance au Liban
Le contexte actuel met en lumière les défis complexes auxquels le Liban est confronté : un système politique fragmenté, des influences étrangères omniprésentes et une crise économique sans précédent. La tentative de Nawaf Salam de former un gouvernement apolitique est perçue par certains comme une opportunité de rompre avec les pratiques du passé.
Cependant, la réalité politique du pays, où les alliances confessionnelles dictent souvent les décisions, complique cette ambition. La capacité de Salam à naviguer entre ces forces antagonistes déterminera non seulement la formation du gouvernement, mais également l’avenir politique immédiat du Liban.