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Municipales 2025 : vers une recomposition silencieuse du paysage politique libanais

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À quelques semaines du scrutin municipal prévu pour mai 2025, le Liban entre dans une phase de réorganisation politique locale. Loin des grands discours idéologiques, cette échéance électorale agit comme un révélateur des dynamiques de pouvoir en mutation, notamment au sein des communautés sunnite, chiite et chrétienne. L’absence de certains partis traditionnels, les recompositions d’alliances, et l’émergence de nouveaux acteurs bousculent les équilibres établis. Dans ce contexte, la compétition électorale apparaît moins comme un affrontement partisan que comme une cartographie renouvelée des rapports de force sociaux et territoriaux.

Beyrouth : entre vide haririen et retour encadré des islamistes

La capitale libanaise concentre une part importante des recompositions. Le retrait prolongé du Courant du Futur, consécutif à la mise en retrait de Saad Hariri, a laissé un vide profond dans le leadership sunnite de Beyrouth. Selon Al Akhbar (30 avril 2025), ce vide a permis la montée en puissance de la Jamaa Islamiya, une organisation islamiste sunnite, historiquement marginalisée dans le jeu municipal beyrouthin.

Ce retour a été discrètement appuyé par l’Arabie saoudite, qui a levé son « veto » informel contre l’organisation via un rapprochement entre l’ambassadeur saoudien Walid al-Bukhari et les cadres de la Jamaa. Cette nouvelle donne s’est traduite par une alliance électorale entre des anciens cadres du Courant du Futur et les listes soutenues par la Jamaa, notamment dans le deuxième district de Beyrouth. Toujours selon Al Akhbar, cette stratégie saoudienne vise à reconstituer une influence communautaire dans la capitale, sans pour autant réhabiliter officiellement le leadership haririen.

La candidature de figures issues de la société civile a également marqué le paysage préélectoral. Toutefois, leur impact semble limité en l’absence de relais financiers et de structures de terrain solides. Le vote beyrouthin pourrait ainsi se jouer entre une recomposition modérée sunnite et un maintien du statu quo dans les bastions chiites contrôlés par le duo Amal-Hezbollah.

Reconfiguration dans la Békaa : entre indépendance et clientélisme

La région de la Békaa, marquée par une forte fragmentation communautaire, offre un terrain d’observation privilégié pour les recompositions électorales. À Zahlé, les Forces libanaises tentent de s’imposer comme pôle chrétien dominant en tissant des alliances locales avec des figures indépendantes. Selon Ad Diyar (30 avril 2025), plusieurs anciens élus municipaux affiliés au CPL (Courant patriotique libre) ont rallié des listes communes aux FL afin d’optimiser leurs chances face à un électorat lassé des clivages politiques nationaux.

À Hermel et Baalbek, fiefs historiques du Hezbollah, la domination des listes du tandem chiite semble assurée. Toutefois, des tensions ont émergé lors de la constitution des listes, certaines familles reprochant au parti de marginaliser les notables locaux au profit de candidats issus de l’appareil partisan. Des tentatives de constituer des listes d’opposition, notamment à Hermel, ont été observées, mais sans perspective réelle de percée.

Le discours sécuritaire reste central dans cette région. La promesse du Hezbollah de maintenir la stabilité et d’achever certains projets d’infrastructure a été largement mobilisée dans les discours de campagne. Pour ses opposants, cette rhétorique masque une mainmise croissante sur les rouages de la vie municipale.

Le Sud verrouillé, le Nord ouvert

Dans le Sud, la configuration électorale reste dominée par la solidité organisationnelle d’Amal et du Hezbollah. Selon Al Bina’ (30 avril 2025), les listes communes des deux formations ont été finalisées sans incidents notables. Les marges de contestation sont faibles, même dans des municipalités historiquement disputées comme Tyr ou Nabatiyeh.

À l’inverse, dans le Nord du Liban, la situation apparaît plus fluide. Tripoli, longtemps disputée entre le Courant du Futur, les Frères musulmans, et les réseaux liés à Mikati, voit émerger de nouvelles alliances. Des figures indépendantes, parfois proches de groupes islamistes modérés, ont lancé des listes revendiquant une gouvernance locale « dépolitisée ». Ce discours rencontre un certain écho dans les quartiers populaires, épuisés par les promesses non tenues et les divisions claniques.

Selon Al Joumhouriyat (30 avril 2025), des consultations ont eu lieu entre les réseaux de Mikati et certaines figures sunnites proches de Riyad. L’objectif serait de constituer une large coalition anti-Hezbollah dans les municipalités symboliques, notamment dans le Akkar et certaines localités périphériques de Tripoli. Toutefois, cette alliance reste fragile, en raison de divergences sur la répartition des postes et sur les modalités de campagne.

Les chrétiens entre dispersion et polarisation

Dans les régions à majorité chrétienne, les élections municipales révèlent une fragmentation croissante. Le Courant patriotique libre, affaibli par des dissensions internes et des critiques liées à la gestion municipale passée, peine à constituer des listes solides. À Jbeil, par exemple, plusieurs figures historiques du CPL ont refusé de se présenter sous son étiquette, préférant constituer des listes indépendantes ou rejoindre les rangs des Forces libanaises.

Ces dernières, selon Al Liwa’ (30 avril 2025), apparaissent comme les mieux préparées sur le plan organisationnel. Leur capacité à agréger autour d’elles des candidats non partisans constitue un avantage stratégique. Toutefois, la polarisation entre FL et CPL pourrait favoriser l’émergence de tiers-acteurs dans certaines zones rurales ou périurbaines, notamment dans le Metn et le Koura.

À Bécharré, bastion traditionnel des FL, la liste officielle du parti fait face à une fronde locale portée par d’anciens partisans mécontents de la gestion centralisée du processus de sélection des candidats. Cette tension locale illustre un malaise plus large au sein de l’électorat chrétien, entre loyauté partisane et aspiration à une gestion municipale plus ancrée dans les réalités locales.

Un scrutin sans grande idéologie, mais à haute portée symbolique

Si les municipales ne portent pas en elles les enjeux de la présidentielle ou des législatives, elles agissent néanmoins comme un thermomètre politique fiable. Elles permettent de mesurer la capacité des partis à maintenir leur base, à former des alliances cohérentes, et à gérer les dynamiques locales avec efficacité.

Elles sont aussi révélatrices de la santé démocratique du pays. Les taux de participation, les incidents de vote, et la capacité à garantir un dépouillement transparent seront scrutés de près, notamment par les observateurs internationaux mandatés par l’Union européenne et certaines ONG libanaises. Selon Nahar (30 avril 2025), une mission d’observation est prévue à Beyrouth, Tripoli, et Zahlé, trois zones considérées comme stratégiques en raison de leur poids démographique et politique.

Enfin, le scrutin municipal pourrait relancer le débat sur la décentralisation administrative. Plusieurs candidats appellent à une révision de la loi sur les municipalités, afin de donner plus de compétences aux conseils locaux en matière de fiscalité, de gestion des déchets, ou de politique sociale. Cette revendication, transversale politiquement, pourrait faire l’objet d’un consensus parlementaire dans les mois qui suivent.

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