Internet, les médias et les réseaux sociaux. Source Photo: Pixabay.com, geralt
Internet, les médias et les réseaux sociaux. Source Photo: Pixabay.com, geralt

Le lissage de l’information et sa mise sous influence par le pouvoir politique et la classe dominante a mis deux à trois décennies à se mettre en place.

Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, où l’on a vu la pensée se dessécher dans les médias, qu’ils relèvent de la presse écrite ou audiovisuelle, à tel point que lecteurs et auditeurs s’en sont profondément et durablement détournés, exprimant à leur égard un sentiment de défiance et de suspicion, les rendant par là-même exsangues financièrement.

L’oligarchie financière, bien intentionnée évidemment, n’a plus eu qu’à les racheter pour un prix malgré tout très raisonnable, rendant leurs salariés menacés de se retrouver sur la paille, reconnaissants à son égard, plus malléables et plus perméables à son projet.

Des médias sous contrôle

Ce lissage, déjà bien entamé depuis de nombreuses années, a pu alors s’accélérer, avec des directions toujours plus en adéquation avec la vision de cette oligarchie, et dont elle porte le message naturellement et avec conviction.

Les politiques mises en œuvre en faveur de l’ultra libéralisme, de la primauté de la liberté du capital financier, sont présentées comme les plus raisonnables, voire comme les seules possibles. Face à des manquements profonds qui surgissent régulièrement, à l’absence de résultats eu égard aux objectifs proclamés, faute d’arguments sérieux, on utilise les armes de destruction massive comme “ailleurs, c’est bien pire”, quand on ne se fait pas tout simplement traiter de complotiste. Une autre de ces armes est aussi utilisée, à savoir chercher des poux à son interlocuteur, le décrédibiliser avec des accusations de populisme ou d’antisémitisme, voire en s’appuyant sur des rumeurs, pour le disqualifier et se débarrasser ainsi de ses idées et de ses analyses.

Bien sûr, des cercles de liberté surveillée sont tolérés, servant ainsi de faire valoir à la probité de l’édifice.

Des méthodes bien huilées et efficaces

Lorsque, face à un problème gênant ou non consensuel persistant, chercher à comprendre le pourquoi et le comment, devient «le justifier», voire le «soutenir».

Ainsi en a-t-il été de la crise des banlieues avec les violences que cela a générées à un moment ou un autre ; ainsi en est-il aujourd’hui avec certaines réactions violentes de Gilets jaunes face aux pressions des forces de l’ordre. Jusqu’à se voir accusé de faire l’apologie de la violence et à en être l’objet d’un chantage moral et même d’une menace implicite d’une procédure judiciaire.

Ainsi des critiques contre les médias mainstream quant à leur connivence avec le pouvoir ou leurs propriétaires du CAC 40. À se demander si tous ces milliardaires qui se sont appropriés la quasi totalité de ces médias le faisaient juste pour le plaisir de la libre pensée et de la richesse de l’information, mais nullement avec l’idée d’un retour sur investissement, non en monnaie sonnante, mais en pouvoir d’influence et de lissage de l’opinion publique dont le but est de lui faire intérioriser sa situation de plus en plus difficile, en tant que normalité avec laquelle elle doit  s’accommoder et ne pas subir pire.

Ainsi pour l’accusation de complotisme dès qu’on met le doigt sur ce qui relève d’une stratégie de pouvoir pour influencer l’opinion sur une loi ou une opération qu’on tient à réaliser ou justifier. C’est à croire que ces élites qu’on forme dans nos meilleures écoles, qu’on emploie dans des think tanks qu’on finance,  ne devraient jamais servir à cette classe dominante pour réfléchir sur des stratégies à mettre en œuvre sur le court, moyen et long terme. Comprendre ces stratégies, en déceler les applications dans certains faits précis, les dénoncer, tout cela relèverait alors du complotisme.

Migrer vers d’autres cieux

De la même manière que la recherche fondamentale a progressivement cédé la place à la recherche appliquée sous la pression des entreprises du CAC 40, de la même manière l’information fondamentale et libre a cédé la place à une information fonctionnelle, présentée par des experts en communication, au service des besoins des oligarchies financière et politico-technocratique.

Dénoncer ces dérives n’est pas faire le lit du totalitarisme, sauf si on s’évertue ignorer le problème et écraser ceux qui, au contraire, cherchent à défendre et parfaire les libertés démocratiques et les idéaux d’égalité et de justice.

Cette politique, déployée comme un véritable rouleau compresseur, a produit un tel appauvrissement de la pensée qu’elle a finit par nourrir une lâcheté intellectuelle tout simplement.

Pourquoi investiguer, interroger, aller au delà de ce qui se présente comme évident, devoir forcer pour cela des portes fermées… et se retrouver toujours face aux mêmes pesanteurs,

au mieux, lorsque l’on est critique ? Être réaliste tout simplement ou faire courbette, accepter des limites au nom de l’efficacité ou se justifier pour tenir moralement et protéger sa carrière, de compromis mineur en renoncement, la machine se met en place de manière soft jusqu’à en devenir une camisole de force symbolique, que l’on se forge soi-même, et en conséquence d’autant plus solide et redoutable. Ou alors migrer vers d’autres cieux ?

Une richesse de pensée foisonnante et explosive

Au fur et à mesure que le rouleau compresseur des oligarchies financière et politico-technocratique s’imposait sur les médias mainstream, de plus en plus d’intellectuels, penseurs, militants et toute autre personne cherchant juste un espace pour respirer librement, ont migré vers un autre possible, gratuit, accessible, sans hiérarchie, offrant toute possibilité de communiquer et échanger.

Un danger énorme s’est alors mis en place parallèlement. Sur l’internet et les réseaux sociaux, où se développe aujourd’hui le fleurissement de la pensée, sauvage, abrupte, fougueuse, avec bien sûr ses outrances, celle qui prévalait justement dans la période précédente, depuis la fin des années soixante jusque encore dans les années quatre-vingt-dix, celle du foisonnement de la pensée, symbolisée par le quartier latin, et en œuvre quasiment partout en France.

L’échange d’idées, de pensées, d’informations et de recherches que permet internet est un gage et une garantie de pouvoirs et de contre-pouvoirs qui en régulent l’équilibre nécessairement instable, comme tout mouvement social libre, comme toute jeunesse libre tout simplement.

L’Internet est à l’imprimerie ce que celle-ci a été face aux moines copistes, à un niveau démultiplié. Il est ainsi fécond de trésors de savoirs et d’échanges incommensurables.

Cette richesse d’expression et de pensées libres est devenue insupportable aux oligarchies qui nous gouvernent, tout comme l’a été l’imprimerie pour l’Église. Il devient alors tout aussi nécessaire et urgent de mettre leurs supports ((internet et réseaux sociaux) sous contrôle.

On a pu mesurer les dégâts qu’ils contribué à occasionner avec les printemps arabes, avec les conséquences néfastes produites lorsqu’il a fallu pour les écraser. On l’a échappé belle avec les mouvements inspirés par le manifeste “Indignez-vous” qu’on a pu heureusement juguler. Voilà maintenant que se pointent ces satanés Gilets jaunes avec leurs prétentions à la justice fiscale et à l’introduction de la démocratie directe avec leur RIC sans conditions restrictives dans son champ d’application !

Où il ne suffit plus à nos oligarchies de maîtriser la presse mainstream.

Toute une offensive se développe ainsi depuis quelques années pour “réguler” la documentation, l’expression et les échanges d’idées sur les réseaux sociaux, avec toujours, bien entendu, les meilleures intentions du monde : la lutte contre le harcèlement, l’appel à la violence, l’apologie du terrorisme, le racisme et l’antisémitisme et, aujourd’hui, nouveau champ de bataille, les Fake news dont pourtant se sont toujours régalés et se régalent encore goulûment les classes dominantes et la presse mainstream,… La liste est inépuisable, mais comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

D’arrêtés en lois, d’autorégulation consentie ou imposée en conventions, chaque occasion est bonne pour le bornage, de plus en plus précis et contraignant, pour cette mise sous tutelle annoncée. Un cheminement qui prendra encore des années, voire des décennies, un peu à l’instar du mouton vivant qu’on veut faire cuire sans qu’il s’en aperçoive, selon la belle et si pertinente expression imagée d’un des leaders de l’extrême gauche à l’époque des années soixante-dix,

Il appartient à tous les démocrates révolutionnaires de s’opposer avec la plus grande vigilance à ce nouveau hold-up qui se joue sous nos yeux, et d’enrayer ce rouleau compresseur qui se déploie de plus en plus fort.

‌S’y opposer efficacement, c’est se donner aussi les moyens d’éducation pour tous les citoyens qui le souhaitent, afin qu’ils apprennent à y puiser toutes les richesses et en contenir ses travers. À ce titre, l’utilisation de l’Internet devrait figurer au programme d’enseignement dès la fin du primaire et tout au long de la scolarité, au même titre que les autres disciplines.

Scandre Hachem

Newsdesk Libnanews
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