Plus de 21 000 personnes ont franchi la frontière nord du Liban ce mois-ci, fuyant les violences en Syrie, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Ce mouvement massif fait suite à une vague de massacres, décrite comme la pire effusion de sang depuis la chute de Bachar el-Assad. L’UNHCR, s’appuyant sur les chiffres des autorités libanaises et de la Croix-Rouge libanaise, a recensé précisément 21 637 nouveaux arrivants, principalement en provenance des zones côtières syriennes.
Ces violences, qui ont débuté le 6 mars, ont ciblé la communauté alaouite, à laquelle appartient la famille Assad, le long de la côte méditerranéenne syrienne. Les familles fuyant ces atrocités traversent des points de passage frontaliers non officiels, souvent à pied à travers des rivières, arrivant au Liban épuisées, traumatisées et affamées. L’UNHCR signale également des obstacles à la sécurité qui entravent les déplacements avant même que ces réfugiés n’atteignent la frontière.
Massacres sectaires sur la côte syrienne
Pendant plusieurs jours, la région côtière de la Syrie a été le théâtre de tueries de masse, principalement dirigées contre les Alaouites. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) rapporte qu’environ 1 600 civils, majoritairement alaouites, ont été tués. L’organisation accuse les forces de sécurité et des groupes alliés d’avoir perpétré des exécutions sommaires, des déplacements forcés et des incendies de maisons. Des familles entières, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été massacrées dans ce qui semble être une vague de violences sectaires.
Les autorités syriennes, désormais sous le contrôle du gouvernement intérimaire, attribuent le déclenchement des violences à des partisans armés d’Assad, qui auraient attaqué les nouvelles forces de sécurité. En réponse, des renforts militaires ont été déployés dans les zones touchées, notamment Latakia et Tartous, pour tenter de rétablir l’ordre. Ces événements marquent une escalade dramatique dans une région autrefois considérée comme un bastion loyal au régime déchu.
Enquête sur les violences en cours
Une commission syrienne, mise en place par le président intérimaire Ahmad al-Sharaa, chef du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui a renversé Assad, enquête sur ces massacres sectaires. Le porte-parole de la commission, Yasser al-Farhan, a annoncé que plus de 95 témoignages ont été recueillis, ainsi que 30 rapports oraux et écrits via des communications directes. Des messages électroniques continuent d’affluer, témoignant de l’ampleur des violences dans le cœur de la communauté alaouite.
Les travaux sur le terrain ont débuté le 14 mars dans la province de Latakia, où les membres de la commission ont rencontré des responsables locaux, des forces de sécurité et des centaines de proches et témoins. Ils ont examiné 93 pièces de preuves numériques, mais Farhan a précisé qu’il est trop tôt pour publier des conclusions détaillées. La commission prévoit d’étendre ses investigations à Tartous et d’autres zones affectées, tout en collaborant avec des responsables des droits humains de l’ONU.
Conditions des réfugiés au Liban
Les familles syriennes arrivant au Liban sont dans un état de détresse extrême. L’UNHCR rapporte que beaucoup traversent des rivières à pied ou empruntent des chemins dangereux pour échapper aux violences. Ces réfugiés, souvent sans abri ni ressources, dépendent de l’aide humanitaire immédiate fournie par la Croix-Rouge libanaise et d’autres organisations. Environ 390 familles libanaises, résidant auparavant en Syrie, figurent également parmi les arrivants, fuyant les mêmes troubles.
L’insécurité persistante en Syrie complique les mouvements des populations avant leur arrivée au Liban, certains étant bloqués par des combats ou des barrages improvisés. Cette vague de réfugiés met une pression supplémentaire sur un pays déjà en crise économique, où les infrastructures et les services publics peinent à répondre aux besoins de la population locale, sans parler de ceux des nouveaux arrivants.
Réponse du gouvernement intérimaire syrien
Ahmad al-Sharaa a promis de poursuivre les responsables de ces « massacres de civils », une déclaration visant à apaiser les tensions sectaires et à consolider son autorité. La commission d’enquête, qu’il a instaurée, opère dans un climat encore instable, mais Farhan assure qu’elle n’a subi aucune attaque de la part de partisans d’Assad ou d’autres groupes. Cependant, la présence d’« hors-la-loi impliqués dans des crimes contre l’humanité » rend la région dangereuse, compliquant les investigations.
Le gouvernement intérimaire attend l’adoption d’une loi sur la justice transitionnelle pour juger les crimes commis sous Assad, dont la répression brutale des manifestations de 2011 a déclenché la guerre civile. De nombreux Syriens appellent à la création d’un tribunal national spécial pour poursuivre les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, un processus qui pourrait inclure les récents massacres.
Défis humanitaires et perspectives
L’afflux de plus de 21 000 réfugiés en un mois aggrave la crise humanitaire au Liban, où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les organisations internationales, comme l’UNHCR, appellent à une aide accrue pour soutenir ces nouveaux arrivants, mais les ressources manquent face à l’ampleur des besoins. Les violences en Syrie, combinées à l’instabilité régionale, laissent présager une poursuite des flux migratoires, mettant à rude épreuve les capacités d’accueil du Liban.