L’affaire Carlos Ghosn pourrait être assez indicative des tensions au sein de l’alliance Renault Nissan Mitsubishi, sur fond de bras de fer entre intérêts français et nippons.

La coïncidence de cette affaire intervient alors que se pose la question de la succession du célèbre homme d’affaire qui a déjà fait connaitre son successeur pour Renault. Il s’agit de Thierry Bolloré qui devait prendre sa suite en 2019. On se souvient au sujet de Renault, de la polémique qu’il y a eu lieu avec le Ministre de l’Economie d’alors, Emmanuel Macron qui s’était notamment opposés sur la gouvernance de la partie française de l’alliance Renault Nissan auquel s’était intégré Mitsubishi.

Carlos Ghosn, franco-libano-brésilien qui s’était fait connaitre pour avoir redressé Renault puis Nissan, suite au mécontentement japonais avait réussi à quelque peu écarter les velléités de l’état français dans la gestion de l’alliance. Dans l’affaire qui vient d’éclater, Emmanuel Macron a d’ailleurs indiqué que l’état français restera vigilant aux intérêts du constructeur automobile national.

Par ailleurs, la question de la succession de Carlos Ghosn dans la partie Nissan de l’Alliance se posait aussi. Nissan était connu, avant l’ère Ghosn, d’être proche pour sa gouvernance des pouvoirs publics qui n’avaient pas trop apprécié l’ampleur et l’influence prise par ce dernier ces dernières années, même s’il jouissait de l’aura donné par le sauvetage effectué aux cours des années 1990 et 2000 pour en faire l’un des premiers constructeurs mondiaux, prenant ainsi revanche sur Toyota qui était plus indépendant du pouvoir politique.

La structure de l’Alliance Renault Nissan Mitsubishi se situe elle dans le droit des Pays-Bas pour compliquer la chose. On a donc des structures légales en France, au Japon mais aussi en Hollande.
Un des faits reproché au dirigeant est d’ailleurs, selon la presse japonaise, l’achat de son domicile à Beyrouth via une société de droit néerlandais dont les fonds – 17 millions de dollars – auraient été fournis par Nissan, d’où les accusations de détournements des fonds de l’entreprise japonaise et d’abus de biens sociaux.
Peut-être que ces soupçons de malversation sont donc également liées à des différences fiscales entre droits français, japonais et néerlandais, mais cela est encore trop s’avancer vu le peu de détails pour l’heure publiquement publiés à ce sujet.

La rémunération de Carlos Ghosn était de 7 millions d’Euros pour le Groupe Renault, 8 millions pour le groupe Nissan, soit 15 millions annuellement, sans compter les stocks-options reçus.Sur la période pour laquelle on reproche des malversations, soit entre 2011 à 2018, il aurait ainsi reçu 105 millions de dollars et la fraude concernerait 38 millions de dollars, soit pratiquement un tiers de la totalité de la somme et 56 millions de dollars pour le Japon seul soit 68% des sommes reçues pour l’Empire du Soleil Levant. Cela fait réfléchir…
Ce chiffre parait d’autant plus important qu’on puisse douter du fait que les administrations fiscales françaises ou japonaises sont normalement assez regardantes quant aux rémunérations reçues et qu’il semble assez improbable de pouvoir cacher de tels montants durant 7 ans.

S’agit-il donc d’un règlement de compte ou de marquer des points dans l’optique de cette succession annoncée? S’agit-il aussi pour le Japon de prendre l’avantage dans la structure de l’Alliance alors que semblait monter le ton pour la rééquilibrer en faveur de Nissan qui génère aujourd’hui la majorité des profits et alors que Renault connaitre quelques difficultés financières, sachant que par exemple, la France s’est octroyé des Golden Shares dans le groupe français, ce qui avait mis mal à l’aise ses partenaires japonais? Il est aussi à noter que la participation de Renault dans Nissan est actuellement plus importante que la capitalisation en bourse de ce même groupe.

Des enjeux financiers sont donc présents et sont importants. Il ne s’agit pas de les oublier et espérons que l’intérêt de tous soit pris en compte dans cette affaire et que le premier constructeur automobile mondial ne soit pas en train de se faire saborder ou plutôt Hara-Kiri comme on pourrait se le voir suggérer. 

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