Dans un développement nouveau judiciaire, le procureur financier Ali Ibrahim a officiellement inculpé l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, pour des crimes de détournement de fonds publics, vol d’argent public, faux et usage de faux, ainsi que pour enrichissement illicite. Cette décision marque une nouvelle étape dans les enquêtes en cours visant Salamé, longtemps protégé par des cercles influents, et cible principale des investigations sur la crise financière libanaise.
L’inculpation de Salamé fait suite à la clôture des enquêtes préliminaires menées par le procureur général près la Cour de cassation, le juge Jamal al-Hajjar qui a décidé de l’incarcération de l’ancien gouverneur vedette de la Banque du Liban hier. Ce dernier a transmis le dossier à la justice financière, et Ali Ibrahim a à son tour saisi le juge d’instruction du tribunal de première instance de Beyrouth, Bilal Halawi, en demandant l’interrogatoire de l’ancien gouverneur et l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre, conformément aux accusations qui pèsent sur lui.
Contexte et Implications Politiques
L’inculpation de Salamé intervient dans un climat politique tendu, alors que le pays est toujours plongé dans une crise économique sans précédent, largement imputée à la gestion controversée de la Banque du Liban sous sa direction. Le procureur Ali Ibrahim, perçu comme proche du président du Parlement Nabih Berri, joue un rôle clé dans la gestion de cette affaire, ce qui soulève des questions sur les implications politiques des enquêtes en cours. La proximité entre le procureur financier et la sphère politique laisse planer le doute sur l’indépendance totale de ces procédures judiciaires, bien que la pression publique et internationale ait considérablement augmenté ces derniers mois pour que Salamé soit tenu responsable de ses actes.
Le juge Halawi, qui a reçu le dossier, devrait commencer à l’examiner dès demain. L’interrogatoire de Salamé est prévu pour la fin de la semaine, vendredi ou lundi prochain, selon les sources judiciaires. Une décision cruciale est attendue à ce moment-là : soit Salamé sera placé en détention provisoire sous mandat d’arrêt, soit il pourrait être libéré sous caution, bien que la première option semble la plus probable à ce stade, compte tenu des accusations graves qui pèsent contre lui.
Une Chute qui S’annonce Lente mais Inévitable
Riad Salamé, longtemps considéré comme un pilier de la stabilité financière au Liban après la guerre civile, a vu son image se détériorer rapidement avec l’effondrement économique du pays depuis 2019. Les critiques contre sa gestion, et notamment ses opérations de « génie financier » accusées d’avoir maintenu un système de Ponzi, se sont intensifiées. En 2023, Salamé a quitté son poste de gouverneur après 30 ans de service, sans avoir de successeur désigné.
L’ancien gouverneur fait également l’objet d’enquêtes dans plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne et le Luxembourg, pour des accusations similaires de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite. Malgré les mandats d’arrêt internationaux émis à son encontre, le Liban refuse toujours l’extradition de ses citoyens, rendant toute procédure internationale plus complexe.
L’Après Salamé : Incertitude et Transition
Avec l’absence de nomination d’un nouveau gouverneur, c’est Wassim Mansouri, l’un des vice-gouverneurs de la BDL, qui assure actuellement l’intérim. Cependant, la situation politique et institutionnelle du Liban reste particulièrement fragile, exacerbée par une vacance présidentielle qui dure depuis près de deux ans et un gouvernement en mode intérimaire, aux pouvoirs limités.
Ghada Aoun, la procureure du Mont-Liban, a salué l’inculpation de Salamé, rappelant que cela représente une première étape dans la lutte contre la corruption systémique. Toutefois, elle a également souligné que de nombreuses enquêtes la concernant restent en suspens, notamment sur les prêts suspects et les commissions frauduleuses associées à la gestion de Salamé.