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Blanchiment d’argent : prochaines sanctions internationales contre des banques libanaises?

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Le Liban, déjà à genoux face à une crise économique historique, se trouve sous le feu croisé des États-Unis et de l’Union européenne dans leur lutte contre le blanchiment d’argent. En mars 2025, plusieurs banques libanaises sont dans le viseur du Trésor américain, accusées de transactions suspectes pour des entités sous sanctions, tandis que l’UE renforce ses propres mesures. Le gouvernement de Nawaf Salam tente de désamorcer la situation avec des réformes financières, jugées largement insuffisantes. Alors qu’un risque d’exclusion du système financier mondial plane, les États-Unis pourraient accentuer la pression en menaçant Beyrouth pour imposer un gouverneur de la Banque du Liban (BDL) aligné sur leurs intérêts, exacerbant les tensions entre le président Joseph Aoun et Salam.

Une traque transatlantique du blanchiment

Les États-Unis frappent fort. Selon Al Sharq, le Trésor américain, via son Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC), cible plusieurs banques libanaises soupçonnées de faciliter des flux financiers illicites. Ces institutions auraient servi de passerelles pour des transactions liées au Hezbollah – désigné comme organisation terroriste par Washington – et à des réseaux contournant les sanctions contre l’Iran ou impliqués dans le narcotrafic. Bien que les noms exacts restent sous embargo officiel, des rumeurs pointent des établissements majeurs, jadis fleurons d’un secteur bancaire qui attirait des milliards avant son effondrement en 2019. Les montants en jeu, estimés à des centaines de millions de dollars sur cinq ans, témoignent d’une activité persistante malgré la crise.

L’Union européenne emboîte le pas, galvanisée par son sixième paquet anti-blanchiment adopté en février 2025. Ce cadre, porté par la France, dote l’Autorité européenne anti-blanchiment (AMLA) de pouvoirs pour surveiller directement les institutions financières à risque. Bruxelles, qui sanctionne déjà des individus libanais depuis 2021 pour corruption, envisage d’étendre ces mesures aux banques si les preuves s’accumulent. Cette convergence US-UE reflète une stratégie concertée pour assécher les réseaux financiers illégaux, mais elle place le Liban dans une position critique, entre conformité et survie économique.

Un précédent existe : en 2019, la Jammal Trust Bank avait été rayée du système financier par Washington pour ses liens présumés avec le Hezbollah, un coup qui avait ébranlé la confiance dans le secteur. Aujourd’hui, l’offensive semble plus large, avec des enquêtes sur des transactions récentes, y compris sous l’intérim de Wassim Mansouri à la BDL depuis juillet 2023. Le Trésor a exigé une « purge » des acteurs illicites, un ultimatum qui résonne dans un pays où la BDL est au cœur des tensions.

Le bras de fer autour de la BDL

Dans ce contexte, les États-Unis pourraient jouer une carte stratégique : menacer le Liban pour forcer la nomination d’un gouverneur de la BDL favorable à leurs intérêts. Ce poste, vacant depuis le départ de Riad Salamé, est un levier clé pour contrôler le secteur bancaire et appliquer les normes anti-blanchiment. Un bras de fer oppose Joseph Aoun, président depuis janvier 2025 et allié de Washington, à Nawaf Salam, Premier ministre désigné. Aoun soutient Karim Souaid, un technocrate pro-US, tandis que Salam défend un candidat indépendant comme Jihad Azour, dans une quête de souveraineté face aux pressions extérieures. Des sanctions ciblées ou des restrictions financières pourraient être brandies pour faire plier Salam, intensifiant les luttes internes alors que la BDL reste sous perfusion avec Mansouri à l’intérim.

Réformes financières : un écran de fumée

Face à cette tempête, le gouvernement tente une riposte. Al Liwa’ rapporte qu’une série de réformes a été annoncée le 18 mars : renforcement des contrôles sur les transactions, mise à jour de la loi 44 de 2015 sur le blanchiment, et promesse d’une BDL plus transparente. Salam a présenté ces mesures comme un gage de bonne foi envers le FMI et les partenaires occidentaux, qui conditionnent leur aide à un assainissement du secteur. Mais l’initiative fait l’unanimité contre elle : trop tardive, trop légère. La loi 44, jamais appliquée efficacement, n’a pas empêché 20 milliards de dollars de fuir entre 2019 et 2021 via des circuits parallèles – cryptomonnaies, bureaux de change clandestins – souvent orchestrés par des élites liées aux banques.

Les partis traditionnels, dont le Hezbollah et Amal, freinent ces réformes, protégeant leurs alliés dans le secteur bancaire. Cette inertie expose le Liban à une escalade des sanctions, alors que les États-Unis et l’UE exigent des résultats concrets pour contrer des flux qui financent des activités jugées illégales.

Une exclusion financière en ligne de mire

Ad Diyar sonne l’alarme : sans action rapide, le Liban risque d’être exclu du système financier mondial. Le Groupe d’action financière (GAFI) pourrait classer le pays sur sa liste grise, voire noire, en juin 2025, coupant ses banques des correspondants étrangers. Dans une économie dollarisée à 80 %, perdre l’accès au dollar américain serait fatal : plus de transferts, plus d’importations, et une asphyxie totale. Avec des réserves à 8 milliards de dollars – à peine deux mois d’importations – et un PIB divisé par 2,5 depuis 2018, cette menace amplifierait une crise où l’inflation dépasse 150 % et où les pannes électriques durent 22 heures par jour.

Les créanciers internationaux, détenteurs de 14 milliards de dollars d’eurobonds en défaut, verraient leurs espoirs de récupération s’évanouir, tandis que l’aide du FMI resterait un mirage. Une telle exclusion aggraverait aussi l’exode des talents – 500 000 départs depuis 2020 – et la fuite des capitaux, déjà un fléau malgré les restrictions.

Une crise aux racines profondes

Cette offensive anti-blanchiment s’inscrit dans une stratégie géopolitique. Sous Trump, les États-Unis ciblent l’Iran et ses proxies, dont le Hezbollah, pour tarir leurs financements. L’UE, plus prudente, veut protéger son système bancaire des flux douteux. Mais au Liban, la corruption endémique et l’incapacité des institutions à se réformer rendent la tâche titanesque. Les banques, insolvables depuis 2019, ne prêtent plus, et leurs pratiques passées – prêts fictifs, transferts illicites – ont ruiné la confiance. La nomination d’un gouverneur BDL aligné sur Washington pourrait accélérer les réformes, mais au prix d’une souveraineté fragilisée.

Un ultimatum à double tranchant

En mars 2025, le Liban joue sa survie financière. Les sanctions contre ses banques, accusées de blanchiment, exigent une réponse robuste que les réformes de Salam peinent à incarner. La menace américaine d’imposer un gouverneur BDL favorable, dans un duel entre Aoun et Salam, ajoute une couche de tension. Sans assainissement rapide, l’exclusion du système mondial risque de transformer une crise économique en catastrophe humanitaire, laissant un peuple exsangue face à un avenir incertain.

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Newsdesk Libnanews
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