Lors d’un discours poignant prononcé à un enterrement dans la région frontalière libano-syrienne, le député Hussein al-Hajj Hassan, membre du bloc Loyalty to Resistance affilié au Hezbollah, a lancé un appel vibrant à l’État libanais. En ce 20 mars 2025, il a insisté sur le fait que la responsabilité de gérer les récentes tensions à la frontière avec la Syrie incombe aux institutions étatiques, tout en saluant l’intervention de l’armée libanaise et en mettant en garde contre des tentatives de déstabilisation orchestrées par des forces extérieures, notamment américaines. Ces déclarations, ancrées dans un contexte de violences transfrontalières, soulignent les attentes du Hezbollah envers l’État, tout en révélant les fragilités d’un Liban confronté à des défis internes et régionaux.
Une charge confiée à l’État libanais
Hussein al-Hajj Hassan n’a pas mâché ses mots : pour le Hezbollah, l’État libanais doit prendre en main la crise à la frontière avec la Syrie. « Hezbollah considère que la responsabilité d’aborder et de confronter ce qui s’est passé sur la frontière libano-syrienne revient à l’État libanais et à tous ses piliers et institutions », a-t-il affirmé lors de cette cérémonie funéraire dans le Hermel, une région marquée par des affrontements récents. Ces violences, survenues début mars 2025, ont impliqué des incursions de soldats syriens et des ripostes ayant fait des victimes des deux côtés, ravivant les tensions dans une zone historiquement sous influence du Hezbollah.
Le député a précisé que le groupe, qu’il représente au Parlement avec 13 sièges au sein du bloc de 27 membres, ne cherche pas à agir seul. « Hezbollah, en tant que partie intégrante [de l’État], a communiqué avec les officiels pour les pousser à assumer leur rôle », a-t-il ajouté, suggérant un effort de coordination avec les autorités. Cette posture marque un tournant rhétorique : loin de revendiquer une autonomie militaire, Hajj Hassan appelle à une réponse étatique unifiée, un message qui intervient après des accusations de Damas imputant au Hezbollah la mort de soldats syriens – une version que le groupe rejette officiellement.
Défense des citoyens et de la souveraineté
Au cœur de son discours, Hajj Hassan a placé la défense des Libanais au premier plan. « Les gens de la résistance et les autres sont des Libanais qui ont été attaqués, et la responsabilité de l’État est de les défendre, ainsi que de protéger sa souveraineté et son territoire », a-t-il martelé. Cette déclaration fait écho aux incidents de Hawsh al-Sayyed Ali, où des civils et des combattants locaux auraient été pris pour cibles lors d’échanges transfrontaliers. Pour le député, l’État ne peut se dérober à son devoir de protection, une exigence qui résonne dans un pays où les institutions peinent à asseoir leur autorité face aux milices et aux ingérences externes.
Ce plaidoyer intervient dans un climat de vulnérabilité accrue. La chute du régime de Bachar el-Assad en décembre 2024 a bouleversé les dynamiques régionales, affaiblissant le Hezbollah, qui dépendait de Damas pour ses approvisionnements. Les violences à la frontière, mêlant différends locaux et répercussions de cette transition syrienne, exposent les citoyens libanais à des risques croissants, amplifiant l’urgence d’une réponse étatique que Hajj Hassan réclame avec force.
Éloge de l’armée libanaise et de son nouveau chef
Le député a réservé une large part de son discours à l’armée libanaise, qu’il a félicitée pour son intervention rapide. « L’armée a rempli son rôle, mobilisé ses forces et repris le contrôle de la ville de Hawsh al-Sayyed Ali », a-t-il déclaré, louant « son commandement, ses officiers et soldats, ainsi que son nouveau commandant, le général Rudolph Haykal ». Nommé récemment pour succéder à Joseph Aoun à la tête des forces armées, Haykal a dirigé cette opération dans le Hermel, une région stratégique où l’armée a déployé des unités pour sécuriser la frontière après les affrontements.
Hajj Hassan voit dans cette mobilisation un signe d’espoir. L’armée, forte de 80 000 soldats, a intensifié sa présence à l’est depuis le cessez-le-feu de novembre 2024 avec Israël, qui avait vu ses effectifs passer de 10 à 93 positions au sud du Litani. Cette action à Hawsh al-Sayyed Ali, saluée par le député, reflète une tentative de l’État de reprendre la main dans des zones où le Hezbollah a longtemps dominé, un équilibre délicat que Haykal, connu pour sa fermeté, doit maintenir.
Hommage aux leaders politiques
Le discours n’a pas omis de saluer les figures au sommet de l’État. Hajj Hassan a rendu hommage au président Joseph Aoun, élu en janvier 2025 après des années de vide présidentiel, et au président du Parlement, Nabih Berri, chef du mouvement Amal et allié de longue date du Hezbollah. « Berri était en communication constante avec les représentants de la région », a-t-il noté, soulignant le rôle de médiateur du vétéran chiite dans cette crise. Aoun, quant à lui, a ordonné une réponse militaire aux incidents frontaliers, affirmant que « le Liban ne tolérerait pas » de nouvelles violations de sa souveraineté.
Ces éloges traduisent une reconnaissance des efforts institutionnels, mais aussi une volonté de légitimer la position du Hezbollah au sein d’un système où Aoun, ancien adversaire du groupe, et Berri, son partenaire, cohabitent dans une alliance fragile. Cette triangulation illustre les compromis nécessaires dans un Liban confessionnel et divisé.
Une alerte contre les forces de division
Hajj Hassan a conclu par une mise en garde adressée aux clans et familles de la région frontalière. « Soyez très vigilants, car certains travaillent jour et nuit pour semer la discorde entre les Libanais eux-mêmes et entre le Liban et la Syrie », a-t-il averti. Il a pointé du doigt « des mains américaines, des agences de renseignement étrangères et d’autres », ainsi que des « différends personnels qui pourraient dégénérer ». Cette rhétorique, typique du discours du Hezbollah, accuse les États-Unis – qui soutiennent l’armée libanaise et pressent pour un désarmement du groupe – de chercher à exploiter les failles internes du Liban.
Ces craintes ne sont pas infondées. Les récents affrontements, qui ont fait 10 morts selon France24 (17 mars 2025), ont été suivis d’un cessez-le-feu négocié entre les ministres de la Défense libanais et syrien, mais la porosité de la frontière et les rivalités locales restent des vecteurs d’instabilité. Hajj Hassan redoute que ces incidents ne servent de prétexte à une intervention extérieure ou à une fracture communautaire dans une région où chiites, sunnites et chrétiens coexistent sous tension.